Il était une fois trois charmantes demoiselles, au demeurant trois soeurs qui causaient assises sous le balcon de son altesse, le Sultan du Vieux Rocher. Elles ignoraient la présence du prince héritier qui, bien caché derrière une colonnette, les écoutait.
L’aînée des jeunes filles rêvait à haute voix :
« Si un jour, et quel beau jour !
Le prince héritier m’épousait par amour,
Un couscous je lui préparerais,
Toute la ville en mangerait
Et du couscous encore il en resterait.
Si un jour, et quel beau jour !
Le prince m’épousait par amour ? »
La cadette soupira, et dit à son tour :
« Si un jour, et quel beau jour !
Sa Majesté le prince m’épousait par amour,
Un tapis je lui tisserais.
Toute la ville s’assiérait
Et de la place encore il resterait.
Si un jour et quel beau jour !
Sa Majesté m’épousait par amour? »
La plus jeune des soeurs murmura alors :
« Si un jour, et quel beau jour !
Le prince m’épousait par amour,
Deux enfants je lui donnerais.
Tous deux sur leurs têtes porteraient
Un épi d’or et un épi d’argent,
Si un jour vraiment, m’épousait mon prince charmant ? »
Le dauphin, qui était en âge de se marier, dépêcha sur l’heure son serviteur aux renseignements. Satisfait de tout ce qu’on lui rapporta, il épousa, dès le printemps, en grande pompe, l’aînée des demoiselles.
Elle lui prépara alors comme promis une gigantesque gas?a pleine de couscous qui fut servie sur la place publique. Les convives qui y goûtèrent eurent de la peine à avaler la moitié d’une cuillerée et se gardèrent bien d’en reprendre une seconde. Ainsi tous les gens de la ville en avaient bien mangé mais dans le plat il en restait encore !
Le prince se présenta le dernier au festin. Il fut agréablement surpris de constater que sa femme avait tenu sa promesse : le plat était encore à moitié plein alors que tous les habitants de la ville en avaient mangé.
Comme il remarqua le regard narquois de ses ministres, il se risqua, lui aussi, à en prendre une cuillerée ; bien mal lui en prit ! Il la rejeta immédiatement : le couscous était affreusement salé ; c’est alors que le prince comprit la duperie !
Pour punir sa femme qui l’avait trompé et humilié devant ses sujets, il la répudia et l’enferma dans l’une des innombrables tours du château.
Dès l’été, Sa Majesté épousa la puînée des soeurs et, comme promis, elle tissa un tapis immense que les serviteurs étalèrent sur la place publique ; chaque convive qui s’aventurait à s’asseoir dessus se relevait aussitôt ; ainsi, ne serait-ce que quelques secondes, tous les gens de la ville s’y étaient bien assis.
Le prince, comme de coutume, arriva le dernier sur la place publique. Il fut agréablement surpris de constater que sa femme avait tenu sa promesse : tous les habitants de la ville s’étaient bien assis sur le tapis, et pourtant de la place il restait encore !
Mais le regard ironique de ses ministres l’intrigua ; alors il s’assit à son tour et se releva aussitôt : le tapis piquait horriblement !
Le prince comprit que sa femme l’avait tissé en mélangeant à la laine des tiges d’ortie. Pour punir sa deuxième épouse de sa tromperie, il la répudia et l’enferma avec sa soeur dans l’une des innombrables tours du château. Enfin en automne, le prince épousa la benjamine ; elle tomba bientôt enceinte et le médecin du roi annonça au prince :
« Votre épouse, Majesté, vous donnera pour la première semaine de l’été des jumeaux ! »
Sa Majesté était au comble du bonheur ; heureux, il demanda à sa femme ce qui pourrait éventuellement lui faire plaisir.
« Libérez mes soeurs sire ! Je voudrais tellement qu’elles assistent à mon accouchement et qu’elles partagent ainsi notre bonheur! » supplia la princesse. (à suivre…)
A. B.
27 février 2010
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