Il y a 15 ans, le 28 février 1989, l’écrivain algérien de langue française, Mouloud Mammeri, l’un des pionniers du roman algérien, nous a quittés, laissant à la postérité une remarquable fresque romanesque, une impressionnante et immense mémoire littéraire.
Entrant ainsi dans le panthéon de la littérature universelle et s’imprimant dans la mémoire collective, il s’est illustré par une écriture dépouillée. Son écriture est une mise en scène de la société algérienne d’avant et après-indépendance, une représentation de la mentalité qui la définit et la fait fonctionner ; la société est présentée dans ses contradictions et ses conflits, dans ses fantasmes et ses espoirs et même dans ses désillusions, une société en pleine mutation, aux prises avec le réel et l’histoire. Et même si son écriture, s’inscrivant dans des dates bien précises, raconte une époque bien déterminée, il s’avère qu’elle est ? et reste ? d’actualité. Il s’agit d’une écriture intemporelle, s’étalant dans le temps. Jusqu’à présent, en lisant l’oeuvre de Mouloud Mammeri, le lecteur algérien s’étonne de pouvoir s’identifier au personnage autour duquel vient s’organiser le récit et gravitent les autres protagonistes ; il s’étonne du fait de se voir à travers la société où le personnage est ancré, une société qui lui est familière, car elle est sienne. Ainsi, le lecteur se reconnaît à travers le personnage ‘histoire racontée, l’environnement social et culturel auquel celui-ci appartient. En somme, il se retrouve à travers cet imaginaire littéraire calqué soigneusement, fidèlement et avec intelligence sur la réalité, sur le vécu du lecteur. Mouloud Mammeri a voulu que son écriture soit un reflet, un miroir dans lequel chacun peut voir son image, il a voulu qu’elle échappe au temps, qu’elle ne soit pas contrainte ou soumise à la durée, seulement parce qu’il a traité des réalités qui, jusqu’à présent, agitent la société, la font bouger, la tiraillent, la divisent, en la présentant dans son tumulte et ses contrastes. Parce qu’il a décrit des situations que nous vivons aujourd’hui, comme l’opposition entre «tradition» et «modernité», le conflit entre «vieux» et «jeunes», l’exil… son écriture est d’un réalisme saisissant. Jusqu’à présent, nous lisons dans les romans de Mouloud Mammeri notre société.
Y. I. Supplément Edition du 4/3/2004
26 février 2010
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