La mère de Mebhouh à Echorouk : On m’a privée de mon fils vivant et on m’en a privée, mort.
Echorouk a rendu visite à la famille du martyr Mebhouh, dans le camp de Djebalieh, au nord de Ghaza pour remémorer la vie du défunt depuis sa naissance. Quelle a été son histoire ? Pourquoi a-t-il été la cible d’Israël ? Quel était son rôle dans le mouvement de résistance islamique Hamas et son réel approvisionnement en fonds et en armes ?
- L’histoire de Mahmoud El Mebhouh commence, pour la lutte armée contre l’occupation, dans un atelier de mécanique où il avait rencontré plusieurs dirigeants fondateurs du mouvement Hamas.
- Son père Abderraouf raconte que Mahmoud avait fait son apprentissage à Israël, mais que lui avait exigé qu’il revienne au bercail par peur qu’il ne dévie de sa religion par la fréquentation quotidienne des juifs. Il lui a ouvert un atelier à Ghaza ou il réparait les voitures de personnages connus, tel Ahmed Yacine le fondateur de Hamas, ou Salah Chehada. Leurs relations se sont renforcées au point où l’atelier devint le point de départ de la lutte organisée et armée contre l’occupant israélien.
- Mebhouh a été emprisonné en 1985, une année durant sous l’accusation de possession d’armes, après la découverte d’une cache dans l’atelier. Le but était de le détourner de la lutte armée. Mais le destin en a voulu autrement. Mahmoud était plus résolu que jamais à sa sortie de prison car la majeure partie des détenus, comme le martyr Fethi Echaqiqi et Mesbah Essouri, étaient des adeptes des Frères Musulmans.
- Le père de Mahmoud, dit Abou El Hassen, se rappelle que son fils défunt a adhéré officiellement au mouvement, sitôt libéré et n’a pas rompu le contact avec les fondateurs même lorsqu’ils étaient en prison. Quelques années plus tard, il crée le premier groupe armé de Hamas, nommé El Majd. Abou El Hassen a déclaré que son fils a opté pour le secret total sur ses activités, et que lui-même ne fut au courant que lorsque les forces d’occupation ont investi la maison et ont demandé à sa famille de le livrer.
- La première opération de Majd fut l’enlèvement et l’exécution en 1989, d’un soldat israélien dont ils ont dissimulé le cadavre, se souvient le père de Mahmoud.
- « L’activité de mon fils n’a été révélée que par l’appât du gain. En effet, la personne chargée de se débarrasser de la voiture volée, a tenté de la vendre. La police y ayant découvert des traces de sang, a torturé l’homme qui a fini par avouer ce qu’il savait et la traque a commencé », raconte Abou El Hassen.
- La mère de Mahmoud n’a pas oublié l’incursion sauvage des forces d’occupation qui les ont tous arrêtés, pour faire pression sur Mahmoud et le contraindre de se rendre. Mais sans résultat.
- « Mon cœur saignait par peur pour mon fils », dit-elle, « mais je m’en rendais à Dieu et priais pour son salut ».
- « L’occupation a usé de tous les moyens pour faire plier Mahmoud, ils ont même détruit notre maison la première, en 1990, mais mon fils est resté ferme », poursuit-elle.
- Traqués, Mahmoud El Mebhouh et son compagnon ont pu rallier l’Égypte. Mahmoud y est resté un mois avant de partir pour la Libye où il a vécu plus d’un an. Puis, il est passé au Soudan avant de se stabiliser en Syrie, son pays d’adoption où il a fait venir son épouse et leurs quatre enfants.
- Son action armée n’a pas cessé, mais elle est restée secrète jusqu’à sa mort, a assuré son père.
- « Mahmoud désirait ardemment nous voir, se blottir dans mes bras, mais son vœu ne s’est pas réalisé sauf en 1995, où il s’est faufilé jusqu’en Jordanie pour me voir… », relate la mère. Elle continue : « Je ne peux décrire ce que j’ai ressenti en le voyant, c’était comme dans un rêve….Ils m’ont privée de mon fils, vivant, quand ils l’ont traqué jusqu’à lui faire quitter le pays. Ils m’en ont privée lorsqu’ils l’ont assassiné et m’ont empêchée de jeter un dernier regard à sa dépouille et lui dire adieu », faisant allusion au blocus qui interdit la sortie du territoire.
24 février 2010
Histoire