Culture (Samedi 20 Février 2010)
ABDELMADJID AZZI SE LIVRE À LIBERTÉ
“Il y avait des chrétiens dans nos rangs et des musulmans dans ceux du colonisateur”
Par : Hafida Ameyar
Liberté : Une première question : pourquoi avoir écrit ce livre et combien de temps lui avez-vous consacré ?
Abdelmadjid Azzi : L’écriture de ce livre remonte en fait à la date de commémoration du 50e anniversaire du congrès de la Soummam. Les compagnons rencontrés à Ouzellaguen m’ont convaincu de la nécessité de retracer tout ce que nous avons vécu ensemble. Ce que nous avons fait doit rester. De plus, tous les écrits faits jusque-là – et ce n’est pas un reproche – ne parlent pas de l’apport de la population dans cette guerre terrible, une population qui a supporté les bombardements, les camps de regroupement, la répression féroce, etc. Il fallait donc combler un vide et rendre hommage à la population qui est pour beaucoup dans la victoire. Ensuite, il fallait mettre en relief la vie du maquisard, dans la section de combat, entrer au cœur de sa vie, pour montrer qu’il est volontaire, prêt à tous les sacrifices, supportant la faim, le froid et les poux, parler de la mort qui est là à tout moment, de la peur, de ses pensées, ses réflexions… Je voulais donner une photo réelle de ce qui s’est passé. J’ai mis 4 mois pour écrire ce livre et 6 mois pour revoir les endroits où j’avais été et pour retrouver les anciens compagnons. Je devais aussi retrouver les noms de famille de ceux qui sont morts au maquis en anonymes…
Comment définissez-vous l’utilité de la connaissance de cette période ?
J’apporte un témoignage de ce que j’ai vécu et de certains événements, comme celui de la “Bleuite” où j’étais au cœur du drame. Il fallait rétablir les vérités sur ce qui a existé réellement. De plus, la connaissance de l’histoire nous renvoie à la situation que nous vivons actuellement. L’histoire n’a pas encore été écrite correctement. On a voulu mettre entre parenthèses la lutte menée à l’intérieur du pays. Certes, on a arraché l’indépendance, mais beaucoup reste à conquérir… la démocratie, la justice sociale, le respect des droits de l’homme, la répartition équitable du revenu national, l’esprit de tolérance, l’élimination des discriminations…
Vous vous présentez comme un combattant… le nom de moudjahid vous rebute-t-il ?
Je suis les deux : combattant et moudjahid. C’est ça l’esprit de tolérance. Mais, c’est vrai que je privilégie le mot combattant, ce qui ne veut pas dire que je suis contre la religion. Je suis profondément croyant. J’aimerais surtout dire que nous avons vécu une guerre de Libération nationale, qui n’était pas une guerre de religion. D’ailleurs, il y avait des chrétiens dans nos rangs et des musulmans dans les rangs du colonisateur.
Des projets d’écriture ?
Je suis en train de réfléchir pour entreprendre un nouveau chantier sur l’UGTA. Après le maquis, j’ai rejoint l’UGTA… Le combat continuait sous une autre forme, pour l’édification nationale.
20 février 2010
Colonisation