Au coin de la cheminée
Les ogres (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Père de 7 filles, et malgré l’aide de son frère aisé et père de 7 fils, il s’en va chercher fortune sous d’autres cieux …
Ses filles eurent beau pleurer et essayer de le retenir :
— Nous avons déjà perdu notre mère et nous n’avions que toi. Si toi aussi tu nous quittes, qu’allons-nous devenir ? Reste : notre oncle nous donne la nourriture de chaque jour. Pour le reste, Dieu y pourvoira.
Mais le père était excédé par le dénuement extrême qu’il imposait sans le vouloir à ses enfants et humilié d’attendre tous les jours ses repas d’un autre homme, fût-il son frère.
— Je vais aller chercher fortune par les pays, dit-il. Ou bien je reviendrai riche, ou bien je trouverai la mort et vous ne serez pas plus malheureuses que vous n’êtes aujourd’hui.
Il prit donc une canne, un petit sac de cuir et partit. Il alla longtemps sur le chemin. Après plusieurs jours il rencontra, sur le bord de la route, un vieillard et deux hommes, dont l’un était couché la tête en bas et l’autre debout. près de lui. Il leur adressa un salut, puis :
— Je vous conjure par Dieu de me dire qui vous êtes.
— Des créatures comme toi, fit le vieillard.
— Mais que faites-vous ici ?
— Nous t’attendions.
— Et qui sont ces hommes près de toi ?
— Celui-ci, dit le vieillard, c’est ton destin : il est couché la tête en bas, et celui-là le destin de ton frère : il est debout et il va travailler.
L’homme, sans demander son reste, continua son chemin. Le soir il arriva devant une colline élevée, entièrement recouverte d’une dense forêt. Au sommet se profilait la silhouette d’un château altier, qui barrait l’horizon. La nuit tombait, le voyageur avait faim et ne savait où passer la nuit.
— Tant pis, se dit-il, je vais me diriger vers ce château. S’il est habité par des hommes, ils m’y accueilleront ; si ce sont des ogres, ils me mangeront et j’aurai fini d’être malheureux sur cette terre.
Il monta mais, arrivé devant le château, il entendit des cris, des hurlements et toutes sortes de bruits qui en sortaient. Ses doutes aussitôt se dissipèrent : c’étaient bien des ogres qui habitaient là. Il se dissimula dans un coin, non loin de l’entrée, et attendit.
Peu après, la porte fut violemment poussée et les ogres firent irruption. L’homme, au fur et à mesure, les comptait : il dénombra sept adultes qui portaient sept jeunes, sur leur dos. Dès que les ogres eurent disparu, ils sortit de sa cachette, alla vers le château, poussa la porte qu’il referma derrière lui. Mais il s’aperçut vite qu’il était dans un véritable labyrinthe et il dut ouvrir encore et refermer sept autres portes avant d’arriver dans une grande salle où, à son grand étonnement, il vit sept grands plats de couscous, sept perdreaux, sept cruches d’eau et sept cuillers. Comme il avait faim, il prit de chaque plat une bouchée, de chaque perdreau un petit morceau, de chaque cruche une gorgée, puis il poussa plus loin. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
20 février 2010
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