Les ogres (10e partie et fin)
Résumé de la 9e partie :Ayant confirmé, grâce à sa servante, que les marchands étaient des ogres, Le père des sept filles allume le feu dans le grenier où il les a logés…
Le feu se communiqua à la paille et la soupente ne fut bientôt plus qu’un énorme brasier, dont le vent agitait les grandes flammes.
Les ogres commencèrent à hurler. On les entendait courir dans tous les sens, cogner contre la porte, râler, supplier qu’on leur ouvre.
Quand le feu s’éteignit de lui-même, il ne restait de la soupente qu’un grand tas de cendres, au milieu de murs lézardés et noircis.
Tous les ogres avaient péri dans l’incendie, tous… sauf un, le plus petit, que l’on découvrit plaqué contre le mur, dans un recoin relativement épargné par le feu.
Les garçons allaient l’achever, quand leur oncle intervint
— Attendez ! leur dit-il. Celui-là est tout jeune, et puis… il est seul…
Nous n’avons rien à craindre de lui… et nous allons le garder avec nous.
Il le garda et, à partir de ce jour, se prit d’affection pour lui. Il le soigna, le nourrit.
Tous les jours il jouait avec lui et lui apprenait à vivre comme un homme.
Le jeune ogre se rétablissait, il grandissait à vue d’œil.
Un jour, alors qu’il le portait sur ses épaules et qu’il prenait plaisir à l’entendre babiller, l’homme crut l’entendre dire
— Mon père, comme tes oreilles sont roses et tendres, et comme il me tarde d’être grand pour les manger.
— Quoi ? Que dis-tu ? demanda-t-il.
— Je disais, mon père, que, quand je serai grand, je travaillerai pour toi, et tu n’auras rien à faire qu’à manger et dormir, jusqu’à ce que tes oreilles deviennent roses et tendres.
Quelque temps après, l’homme prit de nouveau le petit ogre sur ses épaules et, à un moment, l’entendit répéter les mêmes mots.
— Qu’as-tu à parler tout seul ? lui demanda-t-il.
— Je disais qu’il me tardait de devenir grand pour travailler pour toi et voir tes oreilles devenir tendres et roses.
Mais cette fois l’homme était sûr d’avoir bien entendu.
— Alors, dit-il, tu n’as pas oublié les habitudes de tes pères, malgré tous les soins que je t’ai prodigués ?
Il le prit et le jeta contre le mur. Ainsi mourut le dernier ogre.
Quant à l’homme, il épousa la veuve de son frère, maria ses sept filles à ses sept neveux et tous, à partir de ce jour-là, vécurent heureux et riches.
Machaho !
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
20 février 2010
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