Le Dr Mahmoud Boudarène* à InfoSoir
«La médecine ne soigne pas le malheur»
Peut-on décrire l’état mental d’une personne prête au suicide ?
C’est une question difficile. L’état mental du sujet inscrit dans une logique suicidaire n’est pas toujours clairement perceptible. Dans la majorité des cas, une analyse psychologique très fine est nécessaire pour «détecter» les signes qui alertent. Cela ne peut être que le fait d’un professionnel, d’un psychiatre. Certaines maladies – comme celles que je viens de vous citer, la mélancolie ou la schizophrénie – sont de grandes pourvoyeuses de suicide, donc leur diagnostic permet déjà d’envisager ce risque.
Dans les autres cas, il faut rechercher le risque au cours de l’examen psychiatrique et c’est ce que nous faisons en posant les questions appropriées et notamment en allant chercher clairement les symptômes qui peuvent précipiter le passage à l’acte, comme une angoisse importante, des idées de culpabilité ou encore des idées délirantes qui peuvent être à l’origine d’un raptus anxieux… D’autres fois, il faut aller chercher le désir de mourir chez le sujet. Ce dernier peut manifester spontanément le dégoût de la vie et exprime alors, sans équivoque, son désir d’y mettre fin. Dans ces cas, les membres de la famille, les amis, les proches sont alertés et viennent voir le médecin.
Peut-on récupérer médicalement quelqu’un qui a tenté de se suicider ?
l Bien sûr. Il y a toujours possibilité de prendre en charge le sujet qui vient de tenter de mettre fin à ses jours. Le principe de base est de comprendre pourquoi un individu a décidé d’en finir avec la vie. Il y a toujours des raisons invoquées. Elles peuvent être franchement pathologiques et trouver alors une réponse axée essentiellement sur un programme thérapeutique adapté à la maladie. Je ne vais pas entrer volontairement dans les détails, mais ce programme doit nécessairement associer un accompagnement psychologique.
Si les raisons qui ont amené le sujet à cet acte ne s’inscrivent pas dans un contexte pathologique, la prise en charge peut s’avérer plus ardue parce que le manque de bonheur et la souffrance psychologique due à des causes sociales objectives ne trouvent pas toujours de solution dans un cabinet de psychiatre. La médecine ne soigne pas le malheur, quelles qu’en soient les causes, et n’a pas de solution à la détresse sociale.
A. B.
*Psychiatre
19 février 2010
Non classé