Au coin de la cheminée
Zalgoum (7e partie)
Résumé de la 6e partie : Les deux garçons que Zalgoum a eus avec le prince, veulent connaître leurs grands-parents maternels…
Ils marchèrent longtemps jusqu’à ce que Zalgoum reconnût le pays de ses parents. Elle se rendit d’abord chez une femme du village, qui, jadis, l’aimait par-dessus tout. Elle se fit reconnaître d’elle, puis lui confia ses enfants :
— Vous allez rester là, leur dit-elle, jusqu’à ce que je revienne, puis, si vos grands-parents me reconnaissent, je reviendrai vous chercher. Elle prit ses deux couffins et se dirigea droit vers la maison, qu’elle avait quittée il y avait si longtemps de cela. Elle fit sa voix dolente :
— Pour l’amour de Dieu, cria-t-elle de la porte.
De l’intérieur une voix dit :
— Va ton chemin, mendiante, et que Dieu te vienne en aide.
C’était une voix de femme : le frère était donc marié.
— Pour l’amour de Dieu, répéta Zalgoum, donnez-moi n’importe quoi, car je meurs de faim.
La porte s’ouvrit, un petit enfant apporta un tout petit peu de couscous dans le fond d’une écuelle de bois.
— Dieu vous le rendra, dit Zalgoum.
En même temps elle jetait un regard ardent à l’intérieur de la pièce. Ce qu’elle vit la bouleversa : dans un coin, près du feu, un homme, son frère certainement, était couché sur une méchante natte de peau de mouton et geignait. Un de ses genoux, enflé, avait pris des proportions énormes. Le frère avait vieilli, maigri ; ses yeux fiévreux étaient enfoncés dans leurs orbites… lui, jadis si beau et qui parcourait à cheval les coins les plus perdus de la forêt ! Dans la pièce il n’y avait que le malade et sa femme : Zalgoum en conclut que ses parents étaient morts. Le cœur de Zalgoum s’émut :
— De quoi souffre ce pauvre homme ? demanda-t-elle.
— Une épine lui est entrée dans le genou il y a de cela plusieurs années, dit la belle-sœur.
— Pourquoi ne l’enlevez-vous pas ?
— Nous avons tout essayé. Nous avons consulté plus de dix clercs, fait venir plusieurs guérisseurs…
— Si vous le voulez, dit Zalgoum, je puis essayer moi aussi.
— Avant toi des dizaines d’hommes parmi les plus habiles l’ont tenté, personne n’a pu enlever l’épine, et toi, pauvre mendiante du bord du chemin, tu veux réussir ?
Le malade intervint :
— Laisse la mendiante essayer, ce n’en fera jamais qu’une de plus, mais, mendiante, je te préviens, une foule d’hommes plus savants et plus adroits que toi s’y sont essayés en vain. Tu en seras pour ta courte honte. Tâche au moins de ne pas me faire souffrir, Zalgoum s’entoura le visage d’un pan de ses voiles sales et approcha. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010
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