Au coin de la cheminée
Zalgoum (5e partie)
Résumé de la 4e partie : Par la ruse d’une sorcière, Zalgoum sort de la grotte et est capturée par un prince qui veut l’épouser…
Mais, dès que Zalgoum était arrivée, la sorcière avait fait courir le bruit non seulement de l’expédition réussie du prince, mais aussi de la merveilleuse beauté de la fille qu’il avait ramenée. Aussi les autres femmes du palais tombèrent-elles jalouses d’elle. Elles désiraient ardemment la voir et, passant outre aux ordres du prince, profitèrent d’un jour qu’il était absent pour monter jusqu’à la haute pièce où Zalgoum était enfermée : elles virent tout de suite que la sorcière avait dit vrai.
L’une d’elles, cependant, remarqua que la jeune fille tenait toujours une de ses mains cachée sous la manche de sa robe. Elle se mit à l’observer attentivement, jusqu’au moment où, Zalgoum ayant fait un mouvement brusque, le bras apparut… privé de sa main. Elle fit semblant de n’avoir rien vu, mais au fond d’elle-même fut très contente d’avoir fait cette découverte, parce qu’elle était sûre d’avoir là un moyen infaillible de faire perdre à la jeune fille la faveur du prince.
Dès qu’elle sortit, elle mit au courant les autres femmes et elles restèrent à se demander comment le prince pouvait vouloir épouser une manchote.
— C’est qu’il ne le sait pas, dit l’une d’elles. La fille tient toujours sa main cachée dans sa manche.
Elles cherchèrent alors un moyen d’en répandre la nouvelle sans que le prince sût qu’elles étaient montées voir Zalgoum… et en trouvèrent un. Elles se présentèrent devant lui et lui dirent
— C’est bientôt la fête. Nous allons nous teindre les mains au henné. Votre fiancée serait sans doute heureuse de venir s’en appliquer avec nous.
Le prince alla en aviser Zalgoum qui, tout de suite, comprit et la perfidie de la proposition et d’où elle venait. Aussi répondit-elle au prince :
— C’est toujours la nuit que je me teins, car ainsi le henné a le temps de prendre. Qu’on m’apprête la teinture : je me l’appliquerai ce soir.
Les dames du palais furent désappointées, surtout celles qui avaient espoir de gagner la faveur du prince. Aussi imaginèrent-elles un autre stratagème. Elles allèrent de nouveau trouver le prince :
— Pour la fête, dirent-elles, nous avons décidé de vous tisser chacune un manteau d’apparat. Nous verrons qui de nous fera le plus beau.
Le prince se montra enchanté.
— Votre fiancée, ajouta l’une des femmes, voudra certainement se joindre à nous. Cela nous occupera, pendant que vous serez à la chasse, et celle qui aura fait le manteau le plus beau sera honorée et heureuse de vous le voir porter.
Elles se mirent toutes à l’ouvrage aussitôt. Zalgoum était désespérée : avec son unique main elle ne pourrait jamais tisser et broder le manteau du prince. Rentrée dans sa chambre, elle se mit à sa fenêtre et commença à verser d’abondantes larmes.
Mais voilà que la corneille, à qui elle avait jadis donné une poignée de blé, vint à passer et la vit tout éplorée à sa fenêtre
— Qu’as-tu à pleurer ? lui demanda-t-elle.
Zalgoum lui raconta.
— Donne-moi un de tes fils de soie, dit la corneille, et je te tirerai de là. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010
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