Histoires vraies
Le magicien de Madagascar (3e partie)
Résumé de la 2e partie : Avant d’arriver à Tananarive, Marius Cazeneuve fait une représentation à Tamatave où ses numéros impressionnent les spectateurs…
Vous arrivez trop tard. Je m’en vais ! Le Premier ministre me traite d’une manière inconvenante. C’est la France qui est outragée à travers moi.
— Mais cette représentation que je dois faire devant la reine et son mari ?
— Inutile d’y penser. Elle serait certainement d’accord, mais pas lui. Et c’est lui qui décide.
— J’ai pourtant des recommandations pour Rainilaiarivony…
— D’où les tenez-vous ?
— D’amis à lui de Tamatave qui ont assisté à mes tours.
Le résident général hausse les épaules.
— Alors, essayez, on verra bien…
Et Marius Cazeneuve essaye. Il va trouver le mari de la reine et Premier ministre Rainilaiarivony. Celui-ci est un personnage grand et sec, à l’allure rigide et à la mine austère. Mais quand il voit arriver l’illusionniste, son attitude change aussitôt.
— Je suis heureux de vous rencontrer, monsieur Cazeneuve. On dit des choses extraordinaires à votre sujet !
— C’est trop d’honneur, monsieur le Premier ministre. J’avais pensé, si vous étiez d’accord, donner une représentation devant la reine et vous-même.
— Avec plaisir ! Est-ce que vous nous ferez le numéro de la tête coupée ?
— Non, je ferai beaucoup mieux que cela.
— Mieux ? Et quoi donc ?
— Vous verrez, monsieur le Premier ministre, vous verrez.
11 octobre 1886. Le grand moment est arrivé. Marius Cazeneuve va faire son spectacle de prestidigitation devant la reine Ranavalo, son mari Rainilaiarivony et toute leur cour. Le Myre de Vilers est à la place d’honneur, rempli d’admiration devant le résultat obtenu par l’illusionniste, alors que cela faisait des semaines qu’on lui refusait la porte du palais.
Marius Cazeneuve fait son apparition, l’air martial, malgré sa petite taille. Il s’incline profondément devant la reine Ranavalo. Celle-ci lui sourit aimablement depuis son trône. C’est vrai qu’elle est charmante ! Elle a un visage très fin, de grands yeux sombres, un corps gracieux et son teint métissé la rend encore plus attirante. Marius Cazeneuve s’incline aussi devant Rainilaiarivony, et c’est avec lui qu’il va commencer son numéro.
Il lui met dans les mains une ardoise vierge et lui demande de l’essuyer avec son mouchoir. Le mari de la reine s’exécute : il ne se produit rien.
— Essayez encore !
Nouvelle tentative et, brusquement, apparaît une phrase en malgache : «Votre pays sera sauvé si vous acceptez comme alliés les représentants de la France.» Rainilaiarivony fait une vilaine grimace.
— C’est de la sorcellerie ! Chez nous, les sorciers sont mis à mort.
Marius ne s’émeut pas. Il répond avec un sourire :
— Non, c’est de la science française.
Et le numéro continue, toujours avec le Premier ministre pour victime. Le magicien lui tend un jeu de trente-deux cartes et lui demande de les compter : il y en a trois cents ! Il le reprend et le prie de compter à nouveau : il n’y en a plus que douze ! Il lui demande ensuite son mouchoir, avec lequel il avait essuyé l’ardoise, et le fait disparaître dans sa main.
— Maintenant, où voulez-vous le retrouver ? (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 février 2010
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