Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (17e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 16e partie : Le deuxième prétendant réalise également l’épreuve que lui impose le roi. Mais à lui, non plus, il n’accorde pas la main de sa fille.
Un troisième prétendant se présente.
— Je veux épouser ta fille !
Le roi a un sourire ironique.
— Je veux bien t’accorder la main de ma fille, mais pour cela, tu dois accomplir une tâche !
— Je ferai tout ce que tu voudras !
— Alors, je veux que tu te rendes dans la forêt des ogres et que tu me ramènes, dans une outre, du lait d’ogresse !
— Mais elle me dévorerait !
— C’est mon exigence !
Comme les autres prétendants, le prince a entendu parler de l’homme intelligent. Il va donc le voir et lui expose son problème.
— Je veux bien t’aider, mais à condition que tu coupes ton oreille et que tu me la donnes !
— J’accepte.
Il coupe son oreille et la donne à l’homme.
— Voilà, lui dit-il, tu te rends dans la forêt des ogres, de bonne heure, alors que les ogres dorment encore. Tu trouveras une ogresse d’une grande saleté. Tu la peigneras, tu lui laveras le visage, tu lui épileras les sourcils et tu mettras un miroir devant elle. Quand elle se réveillera, elle se verra et s’écriera : à celui qui m’a rendue belle, je ferai tout ce qu’il exigera de moi !
Le prince se rend dans la forêt où vivent les ogres. Il repère une ogresse qui dort encore. Il la peigne, lui lave le visage et lui épile les sourcils, puis il place devant elle un miroir.
L’ogresse se réveille peu après, elle se regarde dans le miroir et s’exclame :
— A celui qui m’a rendue belle, je ferai tout ce qu’il voudra.
Le prince sort de sa cachette.
— C’est moi, je voudrai que tu me remplisses cette outre de ton lait !
L’ogresse grogne.
— Un fils d’homme, je t’aurai bien mangé, mais une promesse est une promesse !
Elle prend l’outre, la remplit de lait et la remet au prince. Celui-ci va aussitôt la remettre au roi.
Le roi est perplexe. Trois prétendants se sont présentés, il a imposé à chacun d’eux une épreuve impossible, et tous l’ont réussie. A qui accordera-t-il la main de sa fille chérie ?
Il réunit les trois prétendants pour discuter avec eux. C’est alors que l’homme intelligent se présente.
— ô roi, tu hésites à donner ta fille à ces prétendants, parce que tu crois que ce sont eux qui ont réalisé les épreuves que tu leur as imposées. En réalité, les pommes du jardin du Grand Djinn, c’est moi, de même que le lion qui t’a ramené un fagot sur son dos et le lait de l’ogresse !
— C’est faux, c’est nous qui avons réalisé ces exploits, protestent les prétendants.
Le roi s’adresse à l’homme intelligent.
— Peux-tu apporter la preuve de ce que tu dis ?
Et l’homme montre les oreilles des trois prétendants. Le roi, maintenant, sûr d’avoir trouvé l’époux qui convient à sa fille, donne la main de cette dernière à l’homme intelligent. (à suivre…)
K. N.
19 février 2010 à 18 06 38 02382
Ainsi va la vie
La fille de l’étrangère (19e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 18e partie n La cousine Djazia est furieuse, elle se promet de tout faire pour que Nadir se détourne de l’émigrée et épouse sa fille.
Deux jours après, Zoulikha découvre, dans les couloirs, un kanoun ou brasero, brûlant et dégageant une très forte odeur.
— qu’est-ce que c’est que cela ? demande-t-elle.
Les femmes des oncles Kaci et Zoubir, sortent de leur chambre.
— je l’ai remarqué, dit Saliha.
— moi aussi, dit Ghania.
— ce n’est donc pas vous qui l’avez placé ?
Djazia sort.
— c’est moi, dit-elle.
Zoulikha est irritée.
— qu’est-ce que cela veut dire ?
— ce sont des fassoukh ! dit-elle.
Les fassoukh sont un mélange de produits naturels, censés chasser les mauvaises influences de la maison.
— mais pourquoi ces fassoukh ?
— c’est pour chasser le mauvais œil, dit la cousine, la maison est pleine de mauvaises influences !
Zoulikha prend le brasero.
— laisse-le brûler ! s’exclame Djazia.
Sa fille, Souad, qui est sortie, répète.
— laisse-le brûler, tante Zoulikha.
— ça empeste !
Elle emmène le brasero aux toilettes et verse le contenu dans le bidet. Djazia, qui l’a suivie, s’exclame.
— c’est un sacrilège !
— s’il te plaît, ne refais plus ce coup !
— mais je voulais faire œuvre utile !
— pas en empestant l’air !
Et Zoulikha se retourne vers elle, en la regardant méchamment.
— encore heureux que les hommes n’aient pas découvert ton brasero !
— mais c’est pour les protéger !
— ils interpréteraient ton geste comme un acte de sorcellerie !
Djazia est offusquée.
— c’est très fort !
— ne recommence pas !
La cousine court s’enfermer dans sa chambre. On l’entend se disputer avec sa fille.
— je t’avais dit qu’ils allaient mal interpréter ton geste ! crie Souad.
— c’est pour éloigner les mauvaises influences !
Zoulikha chuchote à ses deux belles-sœurs.
— c’est destiné à Nadir !
— qui sait ce qu’elle a brûlé dans son brasero ! (à suivre…)
K. Y.
19 février 2010 à 18 06 39 02392
Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (19e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 18e partie n Rappelons succinctement les différentes invasions qu’a connues Tlemcen.
En 974, Agadir tombe entre les mains d’émirs berbères de la tribu des Maghrawas, d’abord les Bani Khazer puis les Bani Ya’âla, qui la placent sous l’autorité des Omeyyades de Cordoue. Au XIe siècle, les Almoravides s’emparent d’Agadir et fondent sur le plateau situé sur sa partie ouest, une nouvelle cité,Tagrart, un autre mot berbère, signifiant «camp militaire», qui finit par annexer la première : de la réunion des deux villes naîtra Tlemcen.
Deux siècles plus tard, les Almohades succèdent aux Almoravides, qui vont développer la ville, mais ils finissent, eux aussi, par disparaître. C’est le retour aux royaumes berbères, avec deux pôles principaux : les Banu ‘Abd al-Wad (ou Banu Ziyân, du nom de ses souverains), de la grande tribu berbère des Zénatas, va entrer en scène, en fondant, un royaume dont Tlemcen sera la capitale. Et c’est sous le règne de cette dynastie que Tlemcen connaîtra la gloire.
Le premier souverain abd el-Ouadide, Yaghmorasen Ibn Zian, qui règne de 1231 à 1283, la dote de prestigieux monuments dont le fameux Méchouar, en arabe «lieu des consultations». La forteresse, édifiée sous les Almohades, a été transformée par les zianides en résidence gouvernementale, avec des jardins, des pièces d’eau et de belles mosaïques et des œuvres d’artistes andalous, chassés d’Espagne et généreusement accueillis à Tlemcen. Les souverains qui ont succédé à Yaghmoracen, notamment Abou Hamou II et Abû Tachfin, vont continuer l’œuvre d’agrandissement du royaume et d’embellissement de Tlemcen. Mais la ville ne rayonne pas seulement par ses œuvres d’art et sa culture, elle est aussi un centre commercial actif, en rapport avec l’Afrique et l’Europe. Il y a même un quartier franc, des communautés chrétiennes et juives. Les juifs, chassés d’Espagne, tout comme les musulmans, avaient trouvé refuge à Tlemcen. Cependant une telle gloire et une telle prospérité n’ont pas manqué de susciter les convoitises. Les Mérinides du Maroc, les Zénatas comme les Tlemcéniens cherchent à s’en emparer et l’assiègent à deux reprises. En 1299, le sultan Abou Ya’qub, lui impose un siège de huit ans, allant jusqu’à construire, aux portes de Tlemcen une nouvelle ville, Mansourah, où il loge ses soldats.
Mais Abu Ya’qub est tué par un eunuque et l’armée mérinide lève le siège. Les Mérinides reviennent en 1335 et, après un nouveau siège de deux années, s’emparent de Tlemcen qui est annexée au royaume mérinide. Les vainqueurs relèvent Mansourah et l’embellissent. Ils construisent également des monuments dont notamment le mausolée de Sidi Boumediene. Après leur départ, en 1356, ils vont continuer à exercer une certaine influence sur les souverains zianides et surtout à susciter des troubles dans le royaume. Les Espagnols, profitant de la situation, vont s’emparer de la ville en 1510. Les Turcs, appelés à la rescousse, vont tenter de la reprendre, mais elle connaîtra, de nouveau, l’occupation en 1517 et en 1543. Les Espagnols chassés, les Turcs vont s’y installer à partir de 1555 et y resteront jusqu’à l’arrivée des Français qui occupent le Méchouar en 1836. Le traité de la Tafna, passé en 1837 entre le général Bugeaud et l’Emir Abdelkader va replacer Tlemcen sous la souveraineté algérienne, mais le traité est rompu et en 1842 ; les Français occupent Tlemcen et vont y dominer, comme sur le reste de l’Algérie, jusqu’en 1962. Pour les besoins de la défense, puis de la colonisation, les Français ont procédé à la destruction de nombreux monuments, dont le célèbre Méchouar et ses murailles de l’Est.
Comme les autres régions d’Algérie, Tlemcen est riche en contes et en légendes, dont certains sont très anciens. (à suivre…)
K. N.
19 février 2010 à 18 06 40 02402
La Fiancée du Soleil (3e partie)
Résumé de la 2e partie n De peur que sa femme la Fiancée du soleil ne se fasse enlever, le roi des noirs s’attache la nuit à elle par les pieds, la taille et le cou…
La troisième nuit, Ali Demmo prit avec lui l’échelle de soie, un poignard et monta jusqu’à la chambre à coucher, où il s’introduisit doucement. Il défit l’agrafe de l’anneau d’argent, coupa la ceinture de brocart ; il allait enlever aussi le foulard de soie quand… le roi s’éveilla. Ali Demmo lui plongea aussitôt son poignard dans la poitrine et acheva de détacher le foulard.
La reine, effrayée, allait crier. Ali Demmo lui appliqua la main sur la bouche.
— Ne criez pas, lui dit-il, et ne craignez rien. Je suis venu vous sauver. Dites-moi seulement comment nous pourrons sortir, vous et moi, de ce palais.
Fiancée du Soleil regarda Ali Demmo. II n’avait pas l’air de lui en vouloir, malgré son poignard, et, de toute façon, c’était une chance à courir, car la tyrannie du roi lui pesait de plus en plus.
— Tiens, dit-elle, voici les habits du roi : mets-les et sauvons-nous. Quand nous arriverons aux portes, c’est moi qui parlerai aux gardes. Reste dans l’ombre, ils te prendront pour mon mari. Ali Demmo revêtit les habits du roi et il sortit avec la reine. En arrivant aux portes, Fiancée du Soleil dit aux chefs des gardes :
— Ouvrez les portes ! Le roi désire aller prendre le frais à la campagne.
Les gardes leur ouvrirent les portes. Ils sortirent. Quand ils rentrèrent dans la maison, ils trouvèrent le prince encore endormi. Ali Demmo le réveilla.
— Voici, dit-il, la femme pour laquelle nous avons marché trente jours et trente nuits dans le désert !
Le fils du roi regarda la princesse et resta ébloui.
Puis Ali Demmo se tourna vers Fiancée du Soleil :
— Voici le prince pour lequel je vous ai enlevée au roi de Hautmont.
— Grand merci, dit-elle au prince, vous m’avez délivrée d’une odieuse tyrannie…
Le prince allait répliquer.
— Vous parlerez de cela une autre fois, coupa Ali Demmo, car pour l’instant il s’agit surtout de sortir de ce pays avant qu’on ne découvre la mort du roi.
— Partons immédiatement, dit le prince.
— Mais d’abord, dit Ali, il faut trouver un coffre.
— Pour quoi faire ?
— Pour y enfermer la princesse, car tout le monde la connaît et nous serions vite repérés.
Le propriétaire de la maison leur vendit un coffre, où Fiancée du Soleil s’introduisit. Ali Demmo changea ses habits contre des vêtements de voyage et ils se mirent en route sans tarder. Ils reprirent le chemin qu’ils avaient emprunté pour venir, marchèrent longtemps, arrivèrent à un fleuve devant lequel ils s’arrêtèrent :
— Ici, dit Ali Demmo, finit le pays des Noirs.
De l’autre côté du fleuve commence le royaume du Génie Ravisseur de Fiancées. Pendant tout le temps que nous y serons, Fiancée du Soleil devra rester enfermée dans le coffre. Il ne faudra, sous aucun prétexte, soulever le couvercle, car il suffit d’une toute petite ouverture (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010 à 18 06 42 02422
Histoires vraies
Le magicien de Madagascar (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie n Marius Cazeneuve exécute un tour exceptionnel où il se fait fusiller…
Cette fois le triomphe est total. Et il l’est d’autant plus que, durant la réception qui suit, la reine Ranavalo s’adresse à lui en particulier :
— On m’a dit que vous étiez officier de santé.
Marius approuve. Sans être docteur, il a fait plusieurs années de médecine et il est effectivement médecin militaire.
— Alors pourriez-vous venir me voir au
palais ? J’ai des palpitations.
Marius Cazeneuve revient au palais et il se rend vite compte que si le cœur de la reine est malade, c’est au figuré qu’il faut comprendre la chose. La jeune et jolie Ranavalo s’ennuie à mourir auprès de son triste mari. Comme remède, il lui prescrit… de la conversation, qu’il vient lui faire lui-même.
Marius Cazeneuve reste à Tananarive et les tête-à-tête avec la souveraine se multiplient. A tel point qu’elle trouve la force de résister enfin à son vieil époux. Revenant sur ses promesses, elle refuse de signer un prêt de 10 millions de livres accordé par l’Angleterre à l’État malgache.
Y a-t-il eu entre eux autre chose qu’une amitié, que la reine a d’ailleurs tenu à sceller à la manière de son pays par un échange de sang ? On ne le sait pas et on ne le saura jamais. Les Anglais, quoi qu’il en soit, sont furieux. Ils font venir des illusionnistes de chez eux pour qu’ils aillent donner des représentations devant la reine. Mais à côté de Marius Cazeneuve, ce sont de simples amateurs et ils doivent vite s’en retourner sans avoir obtenu le moindre résultat.
Alors, en désespoir de cause, les Britanniques font courir des bruits sur le compte du magicien et de la reine. Tant et si bien que le résident général français Le Myre de Vilers finit par s’en émouvoir et, pour éviter un scandale, demande à Marius Cazeneuve de quitter le pays. De toute manière, il n’est plus nécessaire qu’il reste, il a totalement retourné la situation en faveur de la France.
Le dernier acte de cette histoire a lieu à Paris. Marius Cazeneuve est convoqué par les dirigeants de la République qui tiennent à le féliciter. Le président du Conseil d’alors qui, il faut bien le dire, n’a pas laissé un grand nom dans l’histoire, s’appelle Gobelet. Il remercie chaleureusement le prestidigitateur pour son intervention, et c’est d’autant plus justifié que celui-ci a tout payé de sa poche et que l’Etat n’a pas déboursé un centime.
— La France vous doit une grande reconnaissance, mon cher Cazeneuve !
— Je n’ai fait que mon devoir, monsieur le Président. J’ai agi par sentiment patriotique.
— Sans doute, mais toute peine mérite salaire.
Le chef du gouvernement tapote familièrement la poitrine de son interlocuteur :
— Tout cela vaut largement une médaille ! Considérez qu’elle est déjà sur votre veste…
C’est sur ces mots que Marius Cazeneuve a quitté le président Gobelet. A partir de là, il a attendu en vain. Les autorités l’ont oublié, et il est mort sans avoir reçu la Légion d’honneur ni quelque décoration que ce soit. La croix, avec son beau ruban rouge, que le président du Conseil voyait déjà sur sa poitrine n’est jamais venue. Elle s’est évanouie, évaporée, volatilisée. Les hommes politiques sont parfois, eux aussi, de grands illusionnistes !
D’après Pierre Bellemare
19 février 2010 à 18 06 48 02482
Ainsi va la vie
La fille de l’étrangère (20e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 19e partie n La cousine Djazia commence à agir : elle place un brasero dans les couloirs, sous prétexte de chercher à chasser les mauvaises influences.
Depuis ce jour, Zoulikha met en garde ses filles, les incitant à surveiller les allées et venues de Djazia et de sa fille.
Mais Djazia ne s’avoue pas vaincue, puisque quelques jours après, profitant de l’absence de Zoulikha et des filles, elle invite Nadir à entrer dans sa chambre.
— viens !
Le jeune homme hésite.
— Souad a fait des gâteaux… Elle le prend par la main et l’entraîne. La femme de son oncle Kaci, les voit entrer dans la chambre.
Souad, qui ne s’attendait pas à voir Nadir, est confuse. Elle se lève, puis se rassoit, puis se lève de nouveau.
— bienvenue, lâche-t-elle.
Nadir est encore plus confus qu’elle ! Djazia, elle, s’affaire. Elle prend une boîte de gâteaux.
— prends !
Il prend un gâteau.
— voyons, mange !
Il croque un petit bout et fait la grimace. C’est amer !
— ça ne te plaît pas ?
— si, si…
— alors, mange !
Il avale un autre morceau.
— c’est Souad qui les a faits…
Elle regarde sa fille et sourit.
— c’est une femme accomplie, ma Souad, elle cuisine, coud…
Nadir hoche la tête.
— ce n’est pas comme ces filles qu’on ramasse dans les rues : de vraies effrontées !
Nadir hoche la tête.
— moi, continue Djazia, je donne toujours ce conseil aux jeunes gens : méfiez-vous des femmes des rues !
Elle donne un autre gâteau à Nadir.
— mange, mange, c’est bon !
— je n’ai plus faim !
— alors prends toute la boîte, ainsi tu en mangeras quand tu en auras envie !
A ce moment-là, la porte s’ouvre. Zoulikha, furieuse, entre.
— que fais-tu ici ? crie-t-elle à son fils.
— je l’ai invité à prendre des gâteaux !
Zoulikha lui arrache la boîte des mains et la pose sur un guéridon.
— merci, il n’a pas besoin de tes gâteaux !
Elle prend son fils par la main et le pousse vers la porte.
— toi, j’ai quelque chose à te dire ! (à suivre…
K. Y.
19 février 2010 à 18 06 49 02492
Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (20e partie)
Par K. Noubi
Perfidie et naïveté n Nous relatons ici, une légende célèbre à Tlemcen.
Il était une fois deux frères, l’un était appelé H’ila (Perfide) et l’autre Niya (Naïf). Ils s’opposaient tels le jour et la nuit : Hila était petit et laid, Niya, grassouillet et mignon, Hila était rusé comme le diable et Niya ingénu, Hila cherchait toujours à tromper son monde et Niya était toujours prêt à aider son prochain. Hila était jaloux que tout le monde aime son frère, lui, bien sûr, était haï de tous.
— Comment se fait-il qu’on t’aime alors qu’on me déteste ?
Niya lui répond ingénument.
— Sois bon et on t’aimera !
Il ne sait pas que son frère le déteste et qu’il rêve de le perdre.
Un jour, ils décident de voyager. Leur mère leur a préparé un viatique, qu’ils emportent chacun dans sa besace.
Ils marchent longuement, traversent monts et vallées. Ressentant les affres de la faim, ils s’arrêtent pour manger. Ils s’assoient par terre et chacun tire son viatique de sa besace.
— Nous allons enfin manger, dit Niya.
Son frère hoche la tête.
— Nous avons deux rations de provisions, ce serait dommage de tout manger !
Niya acquiesce.
— Tu as raison, il ne faut pas tout manger !
— J’ai une proposition à te faire, dit Hila.
— Je t’écoute, dit son frère.
— Au lieu de manger toutes nos provisions, contentons-nous d’en manger une partie !
Niya sourit.
— J’ai compris !
Il a compris que son frère lui propose de manger l’un des viatiques et qu’ils garderont l’autre qu’ils partageront quand ils auront faim.
— C’est d’accord, dit Niya.
— Alors mangeons le tien !
Niya s’exclame encore.
— D’accord !
Et il partage son viatique avec son frère. Après avoir mangé, ils bivouaquent pour la nuit et, le lendemain, ils reprennent la route.
Ils marche pendant toute une journée et, le soir, ils sont fourbus.
— Ah, dit Niya, j’ai très faim, nous allons manger !
Hila le regarde de biais.
— Mais tu n’as plus de viatique !
— Je sais, dit Niya, nous allons partager le tien !
Hila secoue énergiquement la tête.
— Pas question !
Niya est atterré.
— Mais c’est bien cela que nous avions décidé…
— Nous n’avons rien décidé ! Tu m’as donné à manger, mais je ne t’ai pas promis de partager mon viatique avec toi ! (à suivre…)
K. N.
19 février 2010 à 18 06 51 02512
La Fiancée du Soleil (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Grâce à son complice Ali Demmo, le prince réussit à kidnapper la Fiancée du Soleil. Les voici, à présent, au pays du ravisseur des fiancées…
Le lendemain ils eurent à traverser un désert sans eau. Quand leurs provisions furent épuisées, une soif intense s’empara d’eux. Ils firent halte de nouveau pour la nuit et Ali Demmo dit au prince :
— Je vais aller à la recherche d’un point d’eau dans les environs. Pendant ce temps, gardez le camp, mais attention : en aucun cas n’ouvrez le coffre.
Ali Demmo parti, le prince se ressouvint de la beauté de la Fiancée du Soleil, qu’il avait à peine entrevue, et un violent désir de la revoir s’empara de lui.
«Il fait nuit, se dit-il, et nous sommes en plein désert ; personne ne la verra.»
Il s’approcha du coffre, manipula la fermeture, souleva le couvercle et à peine eut-il le temps d’entrevoir le visage de la princesse que Génie Ravisseur de Fiancées fondit sur elle et l’emporta. Le prince, dès qu’il s’en fut aperçu, s’élança avec son sabre derrière lui. Il chercha longtemps de tous les côtés, mais ne trouva rien et rentra au camp, désespéré.
Ali Demmo, en revenant, le vit en larmes, près du coffre ouvert et vide, et comprit.
— Je vous avais averti, lui dit-il.
— J’ai à peine soulevé le couvercle.
— Inutile de discuter de cela maintenant. A présent, ce qu’il faut, c’est retrouver la princesse, où qu’elle soit, sous terre, au ciel ou même dans une tige de roseau, dans une prison plus fermée que celle d’où nous l’avons tirée.
Ils repartirent dans le désert et, un soir, arrivèrent sur les rives d’un lac, près duquel un berger faisait paître des moutons.
Ali Demmo s’adressa à lui.
— Vends-nous un de tes moutons et du lait de tes brebis, car il y a longtemps que nous n’avons pris ni viande ni lait.
— Pour le lait, dit le berger, vous en boirez tant qu’il vous plaira. Mais, pour les moutons, mon maître les a comptés.
— Qui est ton maître ? demanda Demmo.
— Génie Ravisseur de Fiancées.
Le prince et Ali Demmo furent stupéfaits. Mais le hasard les servait et ils se hâtèrent d’approcher.
— Combien ton maître a-t-il de femmes ?
— Une foule. La dernière, il l’a ramenée il y a à peine quelques jours. Ali et le prince se regardèrent : ils étaient sûrs que c’était Fiancée du Soleil.
— Comment est-elle ? demanda le prince.
— Si vous la voyiez le jour, vous en rêveriez la nuit, car c’est la plus belle des femmes… C’est la plus belle, mais ce n’est pas la plus heureuse.
— Pourquoi cela ?
— Elle ne cesse de pleurer depuis qu’elle est arrivée et, la nuit, on entend les éclats de voix du roi, parce qu’ils passent leur temps à se disputer. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010 à 18 06 59 02592
Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (21e partie)
Par
Résumé de la 20e partie n Deux frères – H’ila et Niya – voyagent ensemble : l’un est perfide et ne pense qu’à faire le mal, l’autre est naïf et se laisse duper.
Niya est atterré.
—Je croyais qu’en partageant mon viatique avec toi, tu allais faire la même chose avec moi !
— T’ai-je fait cette promesse ?
— Non, reconnaît Niya.
— Alors, tu ne peux prétendre à mon viatique !
Niya se met à supplier son frère.
— Mais j’ai faim !
— Je ne peux rien pour toi, si on mange mon viatique à deux, il n’en restera plus rien, et je risque de mourir de faim, avant de parvenir au terme de mon voyage.
— Donne-moi juste un peu de nourriture !
H’ila regarde son frère avec méchanceté.
— Je veux bien te donner un peu de mon viatique, mais que me donneras-tu en échange ?
— Je n’ai rien !
H’ila réfléchit.
— Tes yeux te sont-ils précieux ?
— Bien sûr !
— Alors, donne-m’en un !
Niya est effrayé.
— Comment veux-tu que je t’en donne un ?
— Laisse-moi le crever !
Niya se met à pleurer.
— Tu ne peux me faire ça !
— Ou je te crève un œil ou tu n’auras pas de nourriture !
Niya a beau supplier son frère qui se montre imperturbable.
— Ton œil contre de la nourriture !
Niya doit se rendre compte que son frère ne se laissera pas attendrir. Il lui tend son visage et il lui crève un œil. Il lui donne un peu de nourriture et tous deux bivouaquent pour la nuit.
Le lendemain, ils reprennent de nouveau la route. Ils parviennent dans un pays brûlé par la sécheresse. Ils marchent longtemps et le soir, ils s’arrêtent devant un arbre, le seul à plusieurs kilomètres à la ronde.
— Mangeons, dit Niya.
Il sait que son frère n’a rien à se mettre sous la dent, et, en ouvrant sa besace, il guette ses réactions.
— Donne-moi un peu de nourriture, demande-t-il humblement.
— Si je te donne de mon viatique, que me donneras-tu ?
— Tu sais bien que je n’ai rien !
— Si, il te reste encore un œil !
— Mais si je te laisse crever mon deuxième œil, je deviendrai aveugle !
— C’est ta faute, tu n’avais pas à dilapider ta nourriture.
Niya, malheureux comme tout, lui tend son visage et son frère lui crève son deuxième œil ! (à suivre…)
K. N.
19 février 2010 à 19 07 00 02002
Ainsi va la vie
La fille de l’étrangère (21e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 20e partie : Djazia espère toujours que Nadir va laisser tomber sa fiancée «étrangère» pour sa fille. Zoulikha, la mère de Nadir, est furieuse.Suite…
Que faisais-tu chez elle ?
— Elle m’a invité à prendre des gâteaux…
— Et elle t’a dit que c’est sa fille qui les a faits ?
Nadir la regarde.
— Qui te l’a dit ?
— Pas besoin d’être devin pour savoir ce qu’elle veut !
— Et que veut-elle ?
— Elle veut te fourguer sa fille !
Il hausse les épaules.
— Et tu crois que je me laisserai faire ?
— Elle use de procédés diaboliques… Elle cherche à t’ensorceler !
— Je ne crois pas à la sorcellerie !
— Et pourtant, ça existe !
— Maman…
— Je ne veux plus que tu retournes chez elle ! Je ne veux plus que tu lui parles !
— Ce n’est pas possible… Elle vit avec nous !
— Eh bien, je commence à me demander si je ne dois pas la chasser !
— Tu n’oseras pas !
— C’est ma maison !
— Tu oublies que c’est mon père qui l’a fait venir…
— Oui, mais si elle ne se comporte pas correctement, elle n’aura plus rien à faire ici !
— Essaie de lui faire comprendre les choses… Je ne voudrais pas que Malika trouve une ambiance empoisonnée…
— Ne t’en fais, je ferai en sorte qu’elle se sente chez elle !
— Sans brusquer quiconque ?
Zoulikha hausse les épaules.
— Tu dois me promettre !
— Je te promets…
— Tout se passera bien avec les autres ?
— Il n’y a pas de problèmes…
— Alors, je peux retourner tranquille et ramener Malika ?
— Bien sûr !
— Alors nous pouvons parler de la fête !
Zoulikha sourit.
— Ce sera une grande fête !
— Je compte sur toi pour l’organiser !
Une fois de plus, Nadir a détendu la situation. Il fait en sorte que sa mère se réconcilie avec la cousine Djazia.
Quelques jours plus tard, il repart en France. Les deux jeunes gens se marient. Les parents de Malika organisent une réception, puis le couple décide de rentrer. La noce est prévue le jour de leur retour. (à suivre…)
K. Y.
19 février 2010 à 19 07 02 02022
La Fiancée du Soleil (5e partie)
Résumé de la 4e partie n Dès que le prince ouvre le coffre pour voir la Fiancée du Soleil, le ravisseur des fiancées la lui enlève…
Ali regarda autour de lui : la plaine était nue et le lac s’étendait bleu jusqu’à l’horizon.
— Mais… où habite ton maître ? demanda-t-il.
— De l’autre côté du lac.
— Comment s’y rend-on ?
— Tu vois là-bas ce bélier noir ?
— Oui.
— Dès que le soir tombe, je monte sur son dos, il entre dans le lac et il me conduit jusqu’à la maison de mon maître. Les autres moutons suivent par-derrière.
— Ecoute, dit Ali, tu vas me donner tes habits et ton bélier. Je monterai dessus pour traverser le lac et me rendre auprès de ton maître. Pendant ce temps, tu vas rester avec mon ami et veiller sur lui. Il te récompensera dès que je serai revenu.
Le berger d’abord eut peur : il ne savait pas pourquoi Ali Demmo voulait se rendre auprès de son maître.
— La dernière femme qu’a ramenée ton maître est la fiancée de mon ami, il faut que nous la délivrions.
— En ce cas, dit le berger, que je te dise ce que tu devras faire. Dès que le troupeau sera rentré, une des femmes du Génie viendra faire la traite. Aujourd’hui c’est justement le tour de la nouvelle arrivée. Alors, quand tout le troupeau sera dans la cour, tu crieras : à qui est-ce le tour de traire aujourd’hui ? Elle sortira.
Ali se déguisa une seconde fois. II revêtit les habits du berger, à qui il donna les siens, monta sur le bélier noir et commença à fendre les vagues du lac. Les autres moutons se jetèrent à l’eau derrière lui, et bientôt le troupeau tout entier se trouva de l’autre côté, dans la cour de Génie Ravisseur.
Ali appela à voix haute :
— Les brebis sont rentrées. A qui est-ce le tour de traire aujourd’hui ?
D’une des pièces du palais, une femme dit :
— Je descends
Ali reconnut la voix de Fiancée du Soleil.
Il devait lui mener les brebis une à une et les retenir pendant qu’elle trayait. Mais, au lieu de présenter la première par la queue, il mit la tête devant la jeune femme, qui aussitôt s’emporta :
— Et depuis quand est-ce qu’on trait les brebis par la poitrine ? C’est sans doute une mode nouvelle, berger des temps nouveaux ?
— Depuis que les femmes que l’on sauve quittent leur sauveur pour suivre le premier venu.
Fiancée du Soleil reconnut la voix de Demmo :
— Quoi ? C’est toi ? dit-elle.
— Et qui veux-tu que ce soit ? Tu as voulu échapper à mon maître, après qu’il t’a arrachée à la tyran-nie du roi de Hautmont mais, je lui ai promis, où que tu sois, je te ramènerai à lui.
— Ce n’est pas moi qui ai voulu quitter ton ami, c’est lui qui a ouvert le coffre.
— Bon ! Maintenant c’est à toi de me trouver un moyen de te tirer d’ici. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010 à 19 07 02 02022
Histoires vraies
L’Atlantide (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Stanley Haussner se propose de réaliser l’exploit d’aller de New York à Varsovie, en faisant escale à Londres…
Durant ses préparatifs, Stanley Haussner a souvent pensé à l’état d’esprit qui serait le sien au moment où il se retrouverait seul au-dessus de l’Atlantique. Il avait imaginé qu’il éprouverait une grande anxiété : peur d’une défaillance mécanique, de ne pas avoir les forces nécessaires, peur de l’inconnu, tout simplement. Mais rien de tel ne se produit. Il est parfaitement serein. Il ne ressent même pas la faim ou la fatigue. Il décide pourtant de se restaurer, car le trajet sera long.
Toute la journée du 3 juin se passe ainsi, dans le ronronnement régulier du moteur. Progressivement, la lumière disparaît et, bientôt, une belle nuit étoilée la remplace. A 23 heures, Stanley Haussner calcule le chemin parcouru depuis Atlantic City : 2 240 kilomètres. Il est en avance sur ses prévisions. Il note la température extérieure : + 5°C. Avec cette absence totale d’incidents, le seul danger qu’il court est de s’assoupir, alors il chante des chansons à la mode, il récite des poésies qu’il a apprises à l’école, et la nuit s’écoule doucement.
Stanley Haussner s’arrête soudain au milieu d’une chanson. Il vient de sentir une odeur d’essence. Il contrôle ses cadrans. Ils ne lui indiquent strictement rien, mais cela ne dissipe pas son inquiétude. Quelque chose se passe. En regardant mieux, il découvre qu’une légère buée se forme sur la vitre, mais pas à l’extérieur, à l’intérieur. Il n’y a aucun doute possible : de l’essence s’échappe dans l’avion. Il doit absolument trouver la fuite et l’enrayer !
Il se met à chercher fébrilement et finit par découvrir des traces d’humidité sur le tuyau amenant le carburant à partir du réservoir. Il ferme le circuit et actionne la pompe de secours. L’odeur ne tarde pas à cesser. Il est rassuré. Cela n’aura été qu’un incident mineur.
A ce moment il se rend compte que l’aube approche. Absorbé par ses problèmes, il n’avait pas remarqué que des nuages phosphorescents vaguement rosés étaient apparus entre l’avion et la mer. Et, brusquement, le soleil se lève. Il est pourtant à peine 3 heures du matin, mais ce sont les jours les plus longs de l’année et, à cette latitude, les aurores sont encore plus précoces. Un peu plus au nord, en cette saison, c’est le soleil de minuit.
Stanley Haussner n’en finit pas de s’extasier devant cette merveille de la nature. Il en a presque oublié l’incident technique. Le moteur ronronne toujours avec sa régularité d’horloge. Pendant une demi-heure, il voit le soleil monter à l’horizon. De nouveau, le seul danger qu’il redoute est de s’assoupir en l’absence de toute distraction. Pour lutter contre l’endormissement, il se met à vérifier ses appareils de mesure indiquant la vitesse, le cap, l’altitude. Et soudain il pousse un cri : l’aiguille du niveau d’essence vient de tomber brutalement à zéro.
Cette fois, ce n’est plus un incident, c’est une panne majeure. La défaillance du tuyau n’expliquait pas tout : le réservoir principal avait en plus une fuite et une fuite importante puisqu’il s’est vidé en une demi-heure. Stanley Haussner ne perd pourtant pas son sang-froid. La situation, selon l’expression consacrée, est grave mais pas désespérée. Avec ce qui reste de carburant dans les réservoirs de secours situés dans les ailes, il peut effectuer treize ou quatorze heures de vol. C’est insuffisant pour aller en Angleterre et le raid a d’ores et déjà échoué, mais cela doit suffire pour atteindre l’Irlande.
Par souci de sécurité, il s’assure de l’étanchéité de la tuyauterie des réservoirs. Sur l’aile droite, tout va bien. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 février 2010 à 19 07 21 02212
Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (23e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 22e partie : Abandonné par son frère, qui l’a aveuglé, Niya s’est réfugié dans l’unique arbre de la région. C’est ainsi qu’il apprend, par les bêtes, comment retrouver la vue et vaincre la sécheresse.Suite…
Il arrive dans la ville. Il découvre une population assoiffée, qui cherche désespérément de l’eau. Mais avant de s’occuper de la sécheresse, il veut s’occuper de la fille du roi.
Il prend la direction du palais et demande aux gardes de le laisser entrer.
– Que veux-tu faire ? lui demande-t-on avec agressivité.
– J’ai entendu dire que la fille du roi est malade. Je voudrais la voir !
On se moque de lui.
— Quoi, un loqueteux comme toi voir la fille du roi !
– Je pourrais peut-être faire quelque chose pour elle !
– Quoi, tu te prends pour un médecin !
– Qui sait, je pourrais peut-être lui rendre la vue !
On veut le chasser, mais la princesse, qui se trouvait à une fenêtre et qui a suivi toute la conversation, intervient.
– Laissez-le entrer !
– Mais princesse, c’est un loqueteux !
– Je vous dis de le laisser entrer !
On lui laisse le passage. Il est accueilli par le roi.
– Ainsi, tu prétends connaître le remède qui rendra la vue à ma fille ?
– Oui, majesté !
– Tu sais que tous les médecins du royaume ont tenté de la guérir, en vain !
– C’est ce qu’on m’a dit !
– Si tu parviens à rendre la vue à ma fille, je te la donnerai en mariage… Mais si tu échoues, je te couperai la tête !
– Je suis d’accord, majesté !
On le conduit auprès de la princesse. Il découvre une fille merveilleusement belle. Elle a de grands yeux bleus, mais qui ne voient plus.
– Ainsi, tu pourras me rendre la vue ?
– Oui, ma princesse !
– Mon père a dû te poser ses conditions…
– Oui, je les connais !
– Et tu risques quand même ta vie !
– Je te rendrai la vue et je t’épouserai !
Il tire de sa besace les précieuses feuilles de l’arbre, il les écrase dans sa main et, délicatement, il en enduit les yeux de la princesse.
– Je vois ! s’écrie-t-elle
On annonce la nouvelle à son père qui accourt.
– Tu as réussi, lui dit-il, je t’accorde la main de ma fille !
Mais Niya n’a pas fini.
– Ô roi, je peux rendre la vie à ton royaume !
Il plante aussitôt la branche de l’arbre et des sources se mettent à jaillir. Le roi, très heureux, organise une grande fête. (à suivre…)
K. N.
19 février 2010 à 19 07 22 02222
Ainsi va la vie
La fille de l’étrangère (23e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 22e partie n Nadir et Malika rentrent. Ils sont accueillis, à l’aéroport, par les oncles, les cousins et les sœurs de Nadir. Le couple est accompagné par le père de Malika.
Quand le cortège arrive, la fête bat son plein. Zoulikha, la mère de Nadir, accueille le couple à l’entrée de la maison. Elle offre du lait à la mariée.
— Puisses-tu apporter le bonheur dans cette maison !
On jette un van plein de bonbons, de dattes et de figues sèches. Les enfants se précipitent et provoquent une jolie pagaille.
On a de la peine à conduire la mariée jusqu’à la tribune qu’on a aménagée pour elle. Puis Nadir présente sa famille à sa femme.
— Tu as déjà vu mes oncles, mes cousins et mes sœurs, je te présente les femmes.
Zoulikha avance.
— C’est ma mère qui t’a accueillie !
Zoulikha l’enlace.
— Tu seras ma troisième fille.
Malika très émue, l’embrasse tendrement.
— Voici la tante Ghania, la femme de l’oncle Kaci
— Enchantée !
— Voici la tante Saliha, la femme de l’oncle Zoubir.
La cousine Djazia et sa fille Souad sont en retrait. Nadir va les chercher.
— Venez que je vous présente à ma femme !
— Ta mère ne voudrait pas !
— Qu’est-ce que tu vas penser là !
— Tu ne sais pas qu’on ne nous parle plus ni à moi ni à Souad ?
— Allons, allons, personne ne veut vous mettre à l’écart. Souad le regarde tendrement, puis éclate en larmes.
— Voyons, Souad, ne pleure pas ! dit Nadir
— Je t’ai toujours aimé… comme un frère !
— Moi aussi, dit Nadir
— C’est vrai ? s’exclame Souad
— Oui, maintenant, venez !
Il les entraîne et il les présente à Malika.
— Ma tante Djazia et sa fille Souad.
Malika embrasse tout le monde. Zoulikha s’exclame.
— La mariée est fatiguée !
Malika, en effet, commence à manifester des signes de fatigue.
— Emmène-la se reposer ! dit-elle à Nadir.
A ce moment, les musiciens font leur entrée. La ghayta (la flûte) retentit, puis le tambour. Le bruit est assourdissant. Malika est étourdie.
— Viens, lui dit Nadir.
Il l’emmène dans la chambre nuptiale. Nadir ferme la porte.
— Ouf ! dit la jeune femme, je commençais à défaillir !
— C’est l’ambiance de nos fêtes !
— C’est tellement sympathique ! (à suivre…)
K. Y.
19 février 2010 à 19 07 25 02252
Au coin de la cheminée
La Fiancée du Soleil (7e partie)
Résumé de la 6e partie n La Fiancée du Soleil réussit à faire avouer au Ravisseur des fiancées son point faible. Elle transmet l’information à Ali Demmo…
Au matin, Fiancée du Soleil, qui déjà depuis l’aube guettait la ligne bleue du lac, y vit surgir Ali Demmo, monté sur le bélier noir; le troupeau suivait à distance.
Ali débarqua bientôt. Il trouva Génie Ravisseur mourant, étendu sur son lit comme s’il était déjà un cadavre. Il lui montra l’œuf de loin :
— Tu es mourant, lui dit-il, mais tu as encore d’assez bons yeux pour voir ce que j’ai dans la main.
Génie Ravisseur retrouva un peu d’énergie pour se lamenter bruyamment :
— Pitié ! Ne le cassez pas. Ne me tuez pas et prenez celle de mes femmes qui vous plaira, ou bien… prenez-les toutes, prenez tout ce qui vous plaira. Mais ne brisez pas l’œuf.
Pour que tu continues à ravir les jeunes fiancées, dit Ali, et il jeta l’œuf par terre.
Génie Ravisseur aussitôt ferma les yeux. II se mit à haleter. Ali Demmo retira de l’œuf un cheveu si mince qu’on avait peine à le distinguer, Il le coupa. Génie Ravisseur poussa un cri effrayant, essaya de se dresser et… tomba mort sur sa couche.
Ali Demmo hissa avec lui Fiancée du Soleil sur le bélier noir et ils s’élancèrent dans le lac. Quand ils arrivèrent, le prince faillit éclater de joie.
— Je ne vous attendais plus, dit-il.
— Rappelez-vous mes paroles, dit Ali quels que soient les obstacles !
Le prince se précipita sur le coffre pour l’ouvrir et y renfermer Fiancée du Soleil.
— Inutile maintenant, dit Ali, car Génie Ravisseur n’est plus.
Il ne leur restait plus que quelques journées de désert à faire encore. Le prince, tout à la joie de revoir Fiancée du Soleil, ne pensait plus qu’à la fête qu’ils allaient donner quand ils seraient revenus. Mais Ali Demmo veillait. La nuit, pendant que le prince et la princesse dormaient, il restait les yeux ouverts jusque tard dans la nuit, guettant le moindre bruit..
Un soir qu’ils étaient campés au pied d’un arbre, il entendit des voix sortir des hautes branches au-dessus de sa tête : c’étaient les oiseaux qui se parlaient entre eux.
— Dommage, dit l’un, pour l’homme qui veille au pied de cet arbre. Il ne sait pas que cette nuit un serpent va venir lui souffler sur le visage et le changer en pierre.
— Le pire, dit l’autre oiseau, c’est que, pour qu’il ressuscite, il faut que son ami tue pour lui son fils et vienne frotter la statue de pierre avec le sang qu’il aura lui-même fait couler.
Ali Demmo était épouvanté et ne savait que faire réveiller le prince et la princesse et tout leur conter A quoi bon, puisque de toute façon, ils ne pourraient rien faire pour lui ? Les laisser dormir ? Mais quelle serait leur angoisse quand, à leur réveil, ils ne le trouveraient pas ! Ali résolut d’éveiller le prince seul. Celui-ci s’empara aussitôt de son sabre.
— Quoi? Qu’y a-t-il ?
— Pour l’instant, rien, dit Demmo.
— Comment, pour l’instant ? Pourquoi m’as-tu réveillé ? (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
19 février 2010 à 19 07 26 02262
Histoires vraies
L’Atlantide (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Stanley Haussner est contraint de se poser en pleine mer et il pense que la «Rose-Marie» sera son cercueil…
Stanley Haussner a fermé les yeux instinctivement. Il sent l’eau entrer dans la carlingue, atteindre ses pieds, ses jambes, le niveau de son siège. Il regarde de nouveau et il découvre le miracle : l’appareil est inondé, mais il flotte, suivant docilement le mouvement des vagues, heureusement peu élevées.
Stanley lève la tête. Le plafond s’interpose entre le ciel et lui, et cela, il ne peut pas le supporter. Il se doute que ce qui s’est produit n’est qu’un répit, que tôt ou tard il va couler, et il ne veut pas se noyer dans ce cercueil flottant. Il veut mourir à l’air libre ! II s’empare d’un tournevis et attaque la tôle. Il y met des heures, mais il parvient à pratiquer un trou suffisant pour y passer la tête. Il scrute l’horizon en tous sens : pas le moindre navire en vue. Seule présence visible, des mouettes viennent se poser sur la carlingue. Il les appelle, il leur parle. Elles lui apportent un réconfort moral, même si elles ne lui sont d’aucun secours.
Le reste de la journée s’écoule sans le moindre fait nouveau et la nuit paraît. Si la «Rose-Marie» continue à flotter vaillamment, les heures qui suivent, passées dans l’obscurité, sont terribles. Stanley Haussner est debout, la tête dans l’ouverture, les jambes dans l’eau jusqu’aux genoux. Il a soif, il a faim, il est tenaillé par l’angoisse, mais il est si épuisé que, malgré cela, il s’endort dans cette position.
Heureusement, les nuits sont courtes en juin. La même aurore précoce que la veille se lève, du côté de l’Europe où il n’ira pas. Stanley Haussner n’en peut plus d’être ainsi trempé. Il lui faut absolument agrandir l’ouverture pour aller à l’extérieur, s’asseoir sur le fuselage, être enfin au sec, même si, avec la houle, il risque de tomber à l’eau. Il entreprend donc avec son tournevis de faire un trou assez grand pour y passer tout entier. L’effort est épuisant et lui prend une bonne partie de la journée, mais il réussit.
Midi est déjà passé lorsqu’il peut enfin se hisser dehors. Aussitôt, il pousse un cri :
— Un bateau !
Effectivement, à l’horizon, un point noir surmonté d’un panache de fumée apparaît et disparaît au gré des vagues. Pris d’un espoir insensé, Stanley Haussner bondit sur l’aile, il arrache sa chemise et l’agite frénétiquement en hurlant. Il fait cela jusqu’à la limite de ses forces. Quand il s’arrête, épuisé, il constate que le point noir et la fumée ont disparu. Il se laisse tomber sur l’aile, manquant de se retrouver à l’eau et de tout faire chavirer. Le navire ne l’a pas vu et comment en serait-il autrement ? Ce qui était un cargo ou un paquebot ne lui apparaissait que comme un point, alors comment aurait-on pu l’apercevoir, lui, qui dépasse à peine des vagues ?
Stanley Haussner s’effondre sur le fuselage. Il a la tentation de se jeter à la mer pour en finir plus vite.
L’instinct de survie est quand même le plus fort. Il reste ainsi sans bouger jusqu’à la nuit, qu’il passe dans la carlingue à moitié inondée. S’il avait jusqu’ici réussi à dormir, cette fois la soif l’en empêche. Alors qu’elle était à peu près tolérable, elle s’empare de lui d’une manière insupportable. Comme boisson, il avait emporté une bouteille d’eau minérale et une Thermos de café, plus une boîte de jus de tomate en conserve. Tout cela est sous l’eau. Il a peur, dans le noir, de provoquer des dégâts irréparables. Il se mettra à la tâche dès le lever du jour. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare