Culture (Jeudi 18 Février 2010)
PAUL BALTA À “LIBERTÉ”
“Je travaille plus lentement et je continue à écrire”
Par : Yacine Hirèche
Liberté : Vous êtes très présent au Maghreb des livres…
Paul Balta : Je suis membre du conseil d’administration de Coup de soleil. Je suis né à Alexandrie, ma mère était égyptienne, mon papa français, j’ai été pendant cinq ans correspondant du Monde au Maghreb, de 1973 à 1978. Au départ, l’association Coup de soleil était pour les pieds-noirs et les Maghrébins. Après, elle s’est ouverte à leurs amis, mais dès le début, j’avais été coopté, et il faut dire que le roi Hassan II et Boumediene, en deux circonstances différentes, m’avaient déjà dit que j’étais un maghrébin d’honneur.
Et, depuis, vous y êtes chaque année ?
Je viens pour le plaisir, mais là je viens pour signer. Comme j’ai sorti un petit livre sur l’islam, c’est la troisième édition. L’année dernière, j’ai signé Islam et islamisme, gare aux amalgames, l’année d’avant c’était la Méditerranée, berceau de l’avenir, et un peu plus tôt, en 2004, c’était Boire et manger en Méditerranée.
Est-ce l’urgence et les polémiques qui vous poussent à sortir autant de livres autour de l’islam et l’islamisme ?
Eh bien oui ! Parce que je trouve qu’en Occident, on fait de plus en plus l’amalgame entre les deux, et c’est très grave. Notamment avec l’histoire du voile et de la burqa… Mais ce n’est pas cela le plus important, à mon avis. Le plus important, c’est que pratiquement toutes les déclarations et les actions d’El-Qaïda vont contre le Coran, et ça il faut le dire ; et si l’on ne le répète pas, les gens ont tendance à mélanger les deux : les Arabes sont musulmans et les musulmans sont des terroristes, il y a aussi des Arabes chrétiens, et je trouve ce mélange très grave. Ensuite, et ça, on a tendance à l’oublier. Après tout, les États-Unis ont subi un tragique retournement de l’histoire, ils portent une grande responsabilité, ce sont eux qui, dans les années 1950, ont commencé à soutenir les Frères musulmans contre Nasser et les nationalistes. “Les frères” sont devenus la matrice des mouvements intégristes, et, ensuite, les États-Unis ont quand même aidé ben Laden contre les Soviétiques, puis ils ont arrêté, donc il s’est vengé. Depuis les années 1950, ils ont joué un rôle assez grave.
Cet intérêt que vous portez à ces questions a-t-il aussi des raisons plus personnelles ?
Parce que justement, à Alexandrie, où je suis né et ai vécu ma jeunesse, c’était une société cosmopolite, nous avions des voisins musulmans, juifs, nous nous fréquentions, nous nous connaissions bien…
Quels sont les auteurs que vous aimez lire et qu’on trouve ici, dans le Maghreb du livre ?
Il y a par exemple Assia Djebar, qui est aussi une amie, puisque quand j’étais correspondant à Alger, nous habitions le même immeuble, l’immeuble de la rue Shakespeare en face du lycée Descartes, donc nous habitions là, on se fréquentait et on est resté très amis. Il y a aussi Kateb Yacine, que je connaissais quand j’étais sur place. Un peu moins les récents, depuis mon hémiplégie, je travaille plus lentement et je continue à écrire.
18 février 2010
LITTERATURE