Le journal de Jean Mouhoub Amrouche de Tassadit Yacine Secrets de famille, secrets de combats
Natif d’Ighil Ali en 1909, il a grandi substantiellement dans la culture chrétienne et les premières expressions littérales d’Amrouche sont poétiques, qu’il s’échine à publier dès les premières années qu’il passe en Tunisie durant les années trente. Très attaché à la quête des origines, il publie tout de go un essai intitulé Éternel Jugurtha. Mais, l’homme n’est pas décidé à s’arrêter en si bon chemin. Butinant insatiablement et goulûment dans la riche tradition orale kabyle, il fait transcrire Les Chants Berbères de Kabylie en langue française auxquels il a donné une dimension planétaire et aisément accessible.
Elle est chercheuse, écrivaine et anthropologue, dont les multiples travaux sont résolument tournés vers l’enrichissement de la planète amazighe. La fille spirituelle de Mouloud Mammeri, alias Tassadit Yacine, directrice de la revue des études berbères «Awal», vient de publier aux éditions Alpha une œuvre singulièrement riche «Le journal de Jean Mouhoub Amrouche», un pavé déjà paru récemment en France chez Non Lieu. En fait, ce « Journal » de 442 pages est le résultat d’un travail de longue haleine qui a duré une dizaine d’années passées à éplucher les écrits et les réflexions d’Amrouche, reflets de ses menées combatives en faveur de la cause algérienne qu’il dirigeait sur différents fronts, intellectuel notamment. Ainsi, trouve-t-on dans ce « Journal » toute une panoplie d’articles inédits, d’échanges épiscopaux, de notes personnelles consignés entre 1928 à 1962, qui sont autant d’indices qui renseignent sur le caractère particulier de l’écrivain poète et ses relations avec son entourage immédiat.
Écrit sous forme de mémoires, «Le journal» déroule la saga d’une errance individuelle et familiale dans les arcanes de la savane qu’est la société algérienne alors sous le joug des fauves coloniaux que le fils de Fadhma Ath Mansour abordait avec une franche et farouche hostilité. Natif d’Ighil Ali en 1909, il a grandi substantiellement dans la culture chrétienne et les premières expressions littérales d’Amrouche sont poétiques, qu’il s’échine à publier dès les premières années qu’il passe en Tunisie durant les années trente. Très attaché à la quête des origines, il publie tout de go un essai intitulé Éternel Jugurtha. Mais, l’homme n’est pas décidé à s’arrêter en si bon chemin. Butinant insatiablement et goulûment dans la riche tradition orale kabyle, il fait transcrire Les Chants Berbères de Kabylie en langue française auxquels il a donné une dimension planétaire et aisément accessible. Homme de radio irascible et homme de plume impénitent, le frère de Taous a longtemps animé des émissions sur Radio Tunis, Radio France-Alger et Radio France-Paris. Dans la foulée, il a dirigé la revue littéraire parisienne l’Arche. Cependant, ses positions clairement anticoloniales lui ont valu d’être coupé des ondes françaises et il se dirige dès lors vers Radio de Lausanne où il a continué le chemin qu’il s’est tracé. Ironie du sort, un mal incurable a eu raison de sa santé ; et Amrouche mourut à quelques mois de l’indépendance de l’Algérie. A bientôt cinquante ans après sa mort, le nom de Amrouche demeure respecté et admiré loin de sa terre natale, et suprême paradoxe, il continu à a être malmené par les gardiens de la morale nationale, un nom auquel on donne des coups de triques que seule une intolérance atavique justifie. Bref, « Le journal » vient justement à une heure opportune pour remettre les pendules à l’heure, secouer les esprits frigorifiés par l’anathème et dire que l’Algérie pays de soleil, de couleurs et de beautés doit être aussi pays de bonté et de vivre ensemble. N’est-ce pas les vœux pieux de nos aïeux ?
Tarik Djerroud
18 février 2010
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