par El-Guellil
Dès que sa poitrine a commencé à dire bonjour, elle a été «m’senna». C’est-à-dire enfermée à la maison, interdite de rencontres. Ni koulij, ni dekhla, la kherja.
«R’jeal el youm, ça déconne, ça s’amuse, ça fait les quatre cents coups, mais dès qu’il s’agit d’épousailles, ils optent pour bent eddar». C’était la conviction de ses parents.
La machine à laver existe, mais il fallait qu’elle apprenne à tout laver manuellement. El msemmène, elle en a fabriqué jusqu’à maigrir. El berkoukess, le couscous, el ftil. Experte en repassage, elle l’est devenue au point où la meilleure machine de pressing rougirait devant la qualité des plis. Des plis commencent à sillonner son front. Des plis et des soumissions pour le mariage, elle n’en a point eu. Les ans, ça ne pardonne pas. Ça passe vite, le temps. El bent kebrett. Sa mère décide alors de la faire sortir. «Au moins qu’on la découvre. Qu’elle apprenne à connaître les jeunes de son âge. Vaaaazy donc les mariages. Les fêtes de famille. On la poussait même à des tours de pistes sous des rythmes à la mode. Mes ses jambes étaient tellement ennemies que ses hanches refusaient le tempo. Quelques garçons tentaient l’approche, mais dès qu’ils découvraient qu’elle n’avait oualou ferrass, ils lui faisaient la tête. Soirée gâchée pour la maman qui, de loin, épiait le manège.
«Choufi lui conseilla une rencontre «hend ancien». Ta fille aussi sajia qu’elle est, si elle n’a pas trouvé d’époux c’est que quelque part il y a une «m’dira» qui la suit. Je connais une voisine experte en la chose. Elle a un majmar rabbani».
Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Rendez-vous est pris. «Dhorb el khfif, la mènera à derb el mariage khfif drif», leur assura la guezzana experte en majmar. Ça n’a pas raté, elle a aujourd’hui beaucoup d’ans, peu de dents. Elle est de tous les mariages. Tayyaba, tayba, spécialistes de tous les tajines. Elle se fait de l’argent fou à défaut d’amour fou !
16 février 2010
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