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Émile Zola UNE PAGE D’AMOUR (1878) 3ème partie -Chapitre III

16 février 2010

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Chapitre III

La convalescence dura des mois. En août, Jeanne était encore au lit. Elle se levait une heure ou deux, vers le soir, et c’était une immense fatigue pour elle que d’aller jusqu’à la fenêtre, où elle restait allongée dans un fauteuil, en face de Paris incendié par le soleil couchant. Ses pauvres jambes refusaient de la porter ; comme elle le disait avec un pâle sourire, elle n’avait point assez de sang pour un petit oiseau,

il fallait attendre qu’elle mangeât beaucoup de soupe. On lui coupait de la viande crue dans du bouillon. Elle avait fini par aimer ça, parce qu’elle aurait bien voulu descendre jouer au jardin. Ces semaines, ces mois qui coulaient, passèrent, monotones et charmants, sans qu’Hélène comptât les jours. Elle ne sortait plus, elle oubliait le monde entier, auprès de Jeanne. Pas une nouvelle du dehors n’arrivait jusqu’à elle. C’était, devant Paris emplissant l’horizon de sa fumée et de son bruit, une retraite plus reculée et plus close que les saints ermitages perdus dans les rocs. Son enfant était sauvée, cette certitude lui suffisait, elle employait les journées à guetter le retour de la santé, heureuse d’une nuance, d’un regard brillant, d’un geste gai. A chaque heure, elle retrouvait sa fille davantage, avec ses beaux yeux et ses cheveux qui redevenaient souples. Il lui semblait qu’elle lui donnait la vie une seconde fois. Plus la résurrection était lente, et plus elle en goûtait les délices, se souvenant des jours lointains où elle la nourrissait, éprouvant, à la voir reprendre des forces, une émotion plus vive encore qu’autrefois, lorsqu’elle mesurait ses deux petits pieds dans ses mains jointes, pour savoir si elle marcherait bientôt. – 182 – Cependant, une inquiétude lui restait. A plusieurs reprises, elle avait remarqué cette ombre qui blêmissait le visage de Jeanne, tout d’un coup méfiante et farouche. Pourquoi, au milieu d’une gaieté, changeait-elle ainsi brusquement ? Souffrait-elle, lui cachait-elle quelque réveil de la douleur ? – Dis-moi, ma chérie, qu’as-tu ?… Tu riais tout à l’heure, et te voici le coeur gros. Réponds-moi, as-tu bobo quelque part ? Mais Jeanne, violemment, tournait la tête, s’enfonçait la face dans l’oreiller. – Je n’ai rien, disait-elle d’une voix brève. Je t’en prie, laissemoi. Et elle gardait des rancunes d’un après-midi, les yeux fixés sur le mur, s’entêtant, tombant à de grandes tristesses que sa mère désolée ne pouvait comprendre. Le docteur ne savait que dire ; les accès se produisaient toujours lorsqu’il était là, et il les attribuait à l’état nerveux de la malade. Surtout il recommandait qu’on évitât de la contrarier. Un après-midi, Jeanne dormait. Henri, qui l’avait trouvée très bien, s’était attardé dans la chambre, causant avec Hélène, occupée de nouveau à ses éternels travaux de couture devant la fenêtre. Depuis la terrible nuit où, dans un cri de passion, elle lui avait avoué son amour, tous deux vivaient sans une secousse, se laissant aller à cette douceur de savoir qu’ils s’aimaient, insoucieux du lendemain, oublieux du monde. Auprès du lit de Jeanne, dans cette pièce émue encore de l’agonie de l’enfant, une chasteté les protégeait contre toute surprise des sens. Cela les calmait, d’entendre son haleine d’innocente. Pourtant, à mesure que la malade se montrait plus forte, leur amour, lui aussi, prenait des forces ; du sang lui venait, ils demeuraient côte à côte, frémissants, jouissant de l’heure présente, sans vouloir se – 183 – demander ce qu’ils feraient lorsque Jeanne serait debout et que leur passion éclaterait, libre et bien portante. Pendant des heures, ils se berçaient de quelques paroles, dites de loin en loin, à voix basse, pour ne pas réveiller la petite. Les paroles avaient beau être banales, elles les touchaient profondément. Ce jour-là, ils étaient très attendris l’un et l’autre. – Je vous jure qu’elle va beaucoup mieux, dit le docteur. Avant quinze jours, elle pourra descendre au jardin. Hélène piquait vivement son aiguille. Elle murmura : – Hier, elle a encore été bien triste… Mais, ce matin, elle riait ; elle m a promis d’être sage. Il y eut un long silence. L’enfant dormait toujours, d’un sommeil qui les enveloppait l’un et l’autre d’une grande paix. Quand elle reposait ainsi, ils se sentaient soulagés, ils s’appartenaient davantage. – Vous n’avez plus vu le jardin ? reprit Henri. Il est plein de fleurs à présent. – Les marguerites ont poussé, n’est-ce pas ? demanda-t-elle. – Oui, la corbeille est superbe… Les clématites sont montées jusque dans les ormes. On dirait un nid de feuilles. Le silence recommença. Hélène, cessant de coudre, l’avait regardé avec un sourire, et leur pensée commune les promenait tous deux dans des allées profondes, des allées idéales, noires d’ombre et où tombaient des pluies de roses. Lui, penché sur elle, buvait la légère odeur de verveine, qui montait de son peignoir. Mais un froissement de linge les troubla. – 184 – – Elle s’éveille, dit Hélène qui leva la tête. Henri s’était écarté. Il jeta également un regard du côté du lit. Jeanne venait de prendre son oreiller entre ses petits bras ; et, le menton enfoncé dans la plume, elle avait à présent la face entièrement tournée vers eux. Mais ses paupières restaient closes ; elle parut se rendormir, l’haleine de nouveau lente et régulière. Vous cousez donc toujours ? demanda-t-il, en se rapprochant. – Je ne puis rester les mains inoccupées, répondit-elle. C’est machinal, ça règle mes pensées… Pendant des heures, je pense à la même chose sans fatigue. Il ne dit plus rien, il suivait son aiguille qui piquait le calicot avec un petit bruit cadencé ; et il lui semblait que ce fil emportait et nouait un peu de leurs deux existences. Pendant des heures, elle aurait pu coudre, il serait resté là, à entendre le langage de l’aiguille, ce bercement qui ramenait en eux le même mot, sans les lasser jamais. C’était leur désir, des journées passées ainsi, dans ce coin de paix, à se serrer l’un près de l’autre, tandis que l’enfant dormait et qu’ils évitaient de remuer, afin de ne point troubler son sommeil. Immobilité délicieuse, silence où ils entendaient leurs coeurs, douceur infinie qui les ravissait dans une sensation unique d’amour et d’éternité ! – Vous êtes bonne, vous êtes bonne, murmura-t-il à plusieurs reprises, ne trouvant que cette parole pour exprimer la joie qu’il lui devait. Elle avait de nouveau levé la tête, n’éprouvant aucune gêne à se sentir si ardemment aimée. Le visage d’Henri était près du sien. Un instant, ils se contemplèrent. – Laissez-moi travailler, dit-elle à voix très basse. Je n’aurai jamais fini. – 185 – Mais, à ce moment, une inquiétude instinctive la fit se tourner. Et elle vit Jeanne, la face toute pâle, qui les regardait, de ses yeux grandis, d’un noir d’encre. L’enfant n’avait pas bougé, le menton dans la plume, serrant toujours l’oreiller entre ses petits bras. Elle venait seulement d’ouvrir les yeux, et elle les regardait. – Jeanne, qu’as-tu ? demanda Hélène. Es-tu malade ? Veuxtu quelque chose ? Elle ne répondait pas, elle ne bougeait pas, n’abaissait même pas les paupières, avec ses grands yeux fixes, d’où sortait une flamme. L’ombre farouche était descendue sur son front, ses joues blêmissaient et se creusaient. Déjà elle renversait les poignets, comme à l’approche d’une crise de convulsions. Hélène se leva vivement, en la suppliant de parler ; mais elle gardait sa raideur entêtée, elle arrêtait sur sa mère des regards si noirs, que celle-ci finissait par rougir et balbutier : – Docteur, voyez donc, que lui prend-il ? Henri avait reculé sa chaise de la chaise d’Hélène. Il s’approcha du lit, voulut s’emparer d’une des petites mains qui étreignaient si rudement l’oreiller. Alors, à ce contact, Jeanne parut recevoir une secousse. D’un bond elle se tourna vers le mur, en criant : – Laissez-moi, vous !… Vous me faites du mal ! Elle s’était enfouie sous la couverture. Vainement, pendant un quart d’heure, tous deux essayèrent de la calmer par de douces paroles. Puis, comme ils insistaient, elle se souleva, les mains jointes, suppliante. – Je vous en prie, laissez-moi… Vous me faites du mal. Laissez-moi. – 186 – Hélène, bouleversée, alla se rasseoir devant la fenêtre. Mais Henri ne reprit pas sa place auprès d’elle. Ils venaient de comprendre enfin, Jeanne était jalouse. Ils ne trouvèrent plus un mot. Le docteur marcha une minute en silence, puis il se retira, en voyant les regards anxieux que la mère jetait sur le lit. Dès qu’il se fut éloigné, elle retourna près de sa fille, l’enleva de force entre ses bras. Et elle lui parlait longuement. – Écoute, ma mignonne, je suis seule… Regarde-moi, réponds-moi… Tu ne souffres pas ? Alors, c’est que je t’ai fait de la peine ? Il faut tout me dire… C’est à moi que tu en veux ? Qu’estce que tu as sur le coeur ? Mais elle eut beau l’interroger, donner à ses questions toutes les formes, Jeanne jurait toujours qu’elle n’avait rien. Puis, brusquement, elle cria, elle répéta : – Tu ne m’aimes plus… tu ne m’aimes plus… Et elle éclata en gros sanglots, elle noua ses bras convulsifs autour du cou de sa mère, en lui couvrant le visage de baisers avides. Hélène, le coeur meurtri, étouffant d’une tristesse indicible, la garda longtemps sur sa poitrine, en mêlant ses larmes aux siennes et en lui faisant le serment de ne jamais aimer personne autant qu’elle. A partir de ce jour, la jalousie de Jeanne s’éveilla pour une parole, pour un regard. Tant qu’elle s’était trouvée en danger, un instinct lui avait fait accepter cet amour qu’elle sentait si tendre autour d’elle et qui la sauvait. Mais, à présent, elle redevenait forte, elle ne voulait plus partager sa mère. Alors, elle se prit d’une rancune pour le docteur, d’une rancune qui grandissait sourdement et tournait à la haine, à mesure qu’elle se portait mieux. Cela couvait dans sa tête obstinée, dans son petit être soupçonneux et muet. Jamais elle ne consentit à s’en expliquer nettement. Elle-même ne savait pas. Elle avait mal là, quand le docteur s’approchait trop près de sa mère ; et elle mettait les deux – 187 – mains sur sa poitrine. C’était tout, ça la brûlait, tandis qu’une colère furieuse l’étranglait et la pâlissait. Et elle ne pouvait pas empêcher ça ; elle trouvait les gens bien injustes, elle se raidissait davantage, sans répondre, lorsqu’on la grondait d’être si méchante. Hélène, tremblante, n’osant la pousser à se rendre compte de son malaise, détournait les yeux devant ce regard d’une enfant de onze ans, où luisait trop tôt toute la vie de passion d’une femme. – Jeanne, tu me fais beaucoup de peine, lui disait-elle, les larmes aux yeux, lorsqu’elle la voyait dans un accès d’emportement fou, qu’elle contenait et dont elle étouffait. Mais cette parole, toute-puissante autrefois, qui la ramenait en larmes aux bras d’Hélène, ne la touchait plus. Son caractère changeait. Dix fois dans une journée, elle montrait des humeurs différentes. Le plus souvent, elle avait une voix brève et impérative, parlant à sa mère comme elle aurait parlé à Rosalie, la dérangeant pour les plus petits services, s’impatientant, se plaignant toujours. – Donne-moi une tasse de tisane… Comme tu es longue ! On me laisse mourir de soif. Puis, lorsque Hélène lui donnait la tasse : – Ce n’est pas sucré… Je n’en veux pas. Elle se recouchait violemment, elle repoussait une seconde fois la tisane, en disant qu’elle était trop sucrée. On ne voulait plus la soigner, on le faisait exprès. Hélène, qui craignait de l’affoler davantage, ne répondait pas, la regardait, avec de grosses larmes sur les joues. Jeanne surtout réservait ses colères pour les heures où venait le médecin. Dès qu’il entrait, elle s’aplatissait dans le lit, elle – 188 – baissait sournoisement la tête, comme ces animaux sauvages qui ne tolèrent pas l’approche d’un étranger. Certains jours, elle refusait de parler, lui abandonnant son pouls, se laissant examiner, inerte, les yeux au plafond. D’autres jours, elle ne voulait même pas le voir, et elle se cachait les yeux de ses deux mains, si rageusement, qu’il aurait fallu lui tordre les bras, pour les écarter. Un soir, elle eut cette parole cruelle, comme sa mère lui présentait une cuillerée de potion : – Non, ça m’empoisonne. Hélène resta saisie, le coeur traversé d’une douleur aiguë, craignant d’aller au fond de cette parole. – Que dis-tu, mon enfant ? demanda-t-elle. Sais-tu bien ce que tu dis ?… Les remèdes ne sont jamais bons. Il faut prendre celui-là. Mais Jeanne garda son silence entêté, tournant la tête pour ne pas avaler la potion. A partir de ce jour, elle fut capricieuse, prenant ou ne prenant pas les remèdes, selon son humeur du moment. Elle flairait les fioles, les examinait avec méfiance sur la table de nuit. Et quand elle en avait refusé une, elle la reconnaissait ; elle serait plutôt morte que d’en boire une goutte. Le digne monsieur Rambaud pouvait seul la décider parfois. Elle l’accablait maintenant d’une tendresse exagérée, surtout lorsque le docteur était là ; et elle coulait vers sa mère des regards luisants, pour voir si elle souffrait de cette affection qu’elle témoignait à un autre. – Ah ! c’est toi, bon ami ! criait-elle dès qu’il paraissait. Viens t’asseoir là, tout près… Tu as des oranges ? Elle se soulevait, elle fouillait en riant ses poches, où il y avait toujours des friandises. Puis, elle l’embrassait, jouant toute une comédie de passion, satisfaite et vengée du tourment qu’elle croyait deviner sur la face pâle de sa mère. Monsieur Rambaud – 189 – rayonnait d’avoir ainsi fait la paix avec sa petite chérie. Mais, dans l’antichambre, Hélène, en allant à sa rencontre, venait de l’avertir, d’un mot rapide. Alors, tout d’un coup, il semblait apercevoir la potion sur la table. – Tiens ! tu bois donc du sirop ? Le visage de Jeanne s’assombrissait. Elle disait à demi-voix : – Non, non, c’est mauvais, ça pue, je ne bois pas de ça ! – Comment ! tu ne bois pas de ça ? reprenait monsieur Rambaud, d’un air gai. Mais je parie que c’est très bon… Veux-tu me permettre d’en boire un peu ? Et, sans attendre la permission, il s’en versait une large cuillère et l’avalait sans une grimace, en affectant une satisfaction gourmande. – Oh ! exquis ! murmurait-il. Tu as bien tort… Attends, rien qu’un petit peu. Jeanne, amusée, ne se défendait plus. Elle voulait bien de tout ce que monsieur Rambaud avait goûté, elle suivait avec attention ses mouvements, semblait étudier sur son visage l’effet de la drogue. Et le brave homme, en un mois, se gorgea ainsi de pharmacie. Lorsque Hélène le remerciait, il haussait les épaules. – Laissez donc ! c’est très bon ! finissait-il par dire, convaincu lui-même, partageant pour son plaisir les médicaments de la petite. Il passait les soirées auprès d’elle. L’abbé, de son côté, venait régulièrement tous les deux jours. Et elle les gardait le plus longtemps possible, elle se fâchait lorsqu’elle les voyait prendre leurs chapeaux. A présent, elle redoutait d’être seule avec sa mère – 190 – et le docteur, elle aurait voulu qu’il y eût toujours du monde là, pour les séparer. Souvent elle appelait Rosalie sans motif. Quand ils restaient seuls, ses regards ne les quittaient plus, les poursuivaient dans tous les coins de la chambre. Elle pâlissait, dès qu’ils se touchaient la main. S’ils venaient à échanger une parole à voix basse, elle se soulevait, irritée, voulant savoir. Même elle ne tolérait plus que la robe de sa mère, sur le tapis, effleurât le pied du docteur. Ils ne pouvaient se rapprocher, se regarder, sans qu’aussitôt elle fût prise d’un tremblement. Sa chair endolorie, son pauvre petit être innocent et malade avait une irritation de sensibilité extrême, qui la faisait brusquement se retourner, lorsqu’elle devinait que, derrière elle, ils s’étaient souri. Les jours où ils s’aimaient davantage, elle le sentait dans l’air qu’ils lui apportaient ; et, ces jours-là, elle était plus sombre, elle souffrait comme souffrent les femmes nerveuses, à l’approche de quelque violent orage. Autour d’Hélène, tout le monde regardait Jeanne comme sauvée. Elle-même s’était peu à peu abandonnée à cette certitude. Aussi finissait-elle par traiter les crises comme des bobos d’enfant gâtée, sans importance. Après les six semaines d’angoisse qu’elle venait de traverser, elle éprouvait un besoin de vivre. Sa fille, maintenant, pouvait se passer de ses soins pendant des heures ; c’était une détente délicieuse, un repos et une volupté que de vivre ces heures, elle qui depuis si longtemps ne savait plus si elle existait. Elle fouillait ses tiroirs, retrouvait avec joie des objets oubliés, s’occupait de toutes sortes de menues besognes, pour reprendre le train heureux de sa vie journalière. Et, dans ce renouveau, son amour grandissait, Henri était comme la récompense qu’elle s’accordait d’avoir tant souffert. Au fond de cette chambre, ils se trouvaient hors du monde, ayant perdu le souvenir de tout obstacle. Rien ne les séparait plus que cette enfant, secouée de leur passion. Alors, justement, ce fut Jeanne qui fouetta leurs désirs. Toujours entre eux, avec ses regards qui les épiaient, elle les forçait à une contrainte continuelle, à une comédie d’indifférence dont ils sortaient plus frissonnants. Pendant des journées, ils ne – 191 – pouvaient échanger un mot, en sentant qu’elle les écoutait, même lorsqu’elle paraissait prise de somnolence. Un soir, Hélène avait accompagné Henri ; dans l’antichambre, muette, vaincue, elle allait tomber entre ses bras, lorsque Jeanne, derrière la porte refermée, s’était mise à crier : « Maman ! maman ! » d’une voix furieuse, comme si elle avait reçu le contrecoup du baiser ardent dont le médecin effleurait les cheveux de sa mère. Vivement, Hélène dut rentrer, car elle venait d’entendre l’enfant sauter du lit. Elle la trouva grelottante, exaspérée, accourant en chemise. Jeanne ne voulait plus qu’on la quittât. A partir de ce jour, il ne leur resta qu’une poignée de main, à l’arrivée et au départ. Madame Deberle était depuis un mois aux bains de mer avec son petit Lucien ; le docteur, qui disposait de toutes ses heures, n’osait passer plus de dix minutes auprès d’Hélène. Ils avaient cessé leurs longues causeries, si douces, devant la fenêtre. Quand ils se regardaient, une flamme grandissante s’allumait dans leurs yeux. Ce qui surtout acheva de les torturer, ce furent les changements d’humeur de Jeanne. Elle fondit en larmes, un matin, comme le docteur se penchait au-dessus d’elle. Durant toute une journée, sa haine se tourna en une tendresse fébrile ; elle voulut qu’il restât près de son lit, elle appela sa mère vingt fois, comme pour les voir côte à côte, émus et souriants. Celle-ci, bienheureuse, rêvait déjà une longue suite de jours semblables. Mais dès le lendemain, lorsque Henri arriva, l’enfant le reçut si durement, que la mère, d’un regard, le supplia de se retirer ; toute la nuit, Jeanne s’était agitée avec le regret furieux d’avoir été bonne. Et, à chaque instant, de pareilles scènes se reproduisirent. Après les heures exquises que l’enfant leur accordait, dans ses moments de caresses passionnées, les mauvaises heures arrivaient comme des coups de fouet, qui leur donnaient le besoin d’être l’un à l’autre. Alors, un sentiment de révolte anima peu à peu Hélène. Certes, elle serait morte pour sa fille. Mais pourquoi la méchante enfant la torturait-elle à ce point, maintenant qu’elle était hors de danger ? Lorsqu’elle s’abandonnait à une de ces rêveries qui la – 192 – berçaient, quelque rêve vague où elle se voyait marcher avec Henri dans un pays inconnu et charmant, tout d’un coup l’image raidie de Jeanne se levait ; et c’étaient de continuels déchirements dans ses entrailles et dans son coeur. Elle souffrait trop de cette lutte entre sa maternité et son amour. Une nuit, le docteur vint, malgré la défense formelle d’Hélène. Depuis huit jours, ils n’avaient pu échanger une parole. Elle refusait de le recevoir ; mais lui, doucement, la poussa dans la chambre, comme pour la rassurer. Là, tous deux croyaient être sûrs d’eux-mêmes. Jeanne dormait profondément. Ils s’assirent à leur place accoutumée, près de la fenêtre, loin de la lampe ; et une ombre calme les enveloppait. Pendant deux heures, ils causèrent, rapprochant leurs visages pour parler plus bas, si bas, qu’ils mettaient à peine un souffle dans la grande chambre ensommeillée. Parfois, ils tournaient la tête, jetant un coup d’oeil sur le fin profil de Jeanne, dont les petites mains jointes reposaient au milieu du drap. Mais ils finirent par l’oublier. Leur balbutiement montait. Hélène, tout d’un coup, s’éveilla, dégagea ses mains qui brûlaient sous les baisers d’Henri. Et elle eut l’horreur froide de l’abomination qu’ils avaient failli commettre là. – Maman ! maman ! bégayait Jeanne, brusquement agitée, comme tourmentée de quelque cauchemar. Elle se débattait dans son lit, les yeux lourds de sommeil, en cherchant à se mettre sur son séant. – Cachez-vous, je vous en supplie, cachez-vous, répétait Hélène avec angoisse. Vous la tuez, si vous restez là. Henri disparut vivement dans l’embrasure de la fenêtre, derrière un des rideaux de velours bleu. Mais l’enfant continuait à se plaindre. – Maman, maman, oh ! que je souffre ! – 193 – – Je suis là, près de toi, ma chérie… Où souffres-tu ? – Je ne sais pas… C’est par là, vois-tu. Ça me brûle. Elle avait ouvert les yeux, la face contractée, et elle appuyait ses deux petites mains sur sa poitrine. – Ça m’a pris tout d’un coup… Je dormais, n’est-ce pas ? J’ai senti comme un grand feu. – Mais c’est passé, tu ne sens plus rien ? – Si, si, toujours. Et, d’un regard inquiet, elle faisait le tour de la chambre. Maintenant, elle était complètement réveillée, l’ombre farouche descendait et blêmissait ses joues. – Tu es seule, maman ? demanda-t-elle. – Mais oui, ma chérie ! Elle secoua la tête, regardant, flairant l’air, avec une agitation qui grandissait. – Non, non, je le sais bien… Il y a quelqu’un… J’ai peur, maman, j’ai peur ! Oh ! tu me trompes, tu n’es pas seule… Une crise nerveuse se déclarait, elle se renversa dans le lit en sanglotant, en se cachant sous la couverture, comme pour échapper à quelque danger. Hélène, affolée, fit immédiatement sortir Henri. Il voulait rester pour soigner l’enfant. Mais elle le poussa dehors. Elle revint, elle reprit Jeanne entre ses bras, pendant que celle-ci répétait cette plainte, qui résumait chaque fois ses grosses douleurs. – 194 – – Tu ne m’aimes plus, tu ne m’aimes plus ! – Tais-toi, mon ange, ne dis pas cela, cria la mère. Je t’aime plus que tout au monde… Tu verras bien si je t’aime ! Elle la soigna jusqu’au matin, résolue à lui donner son coeur, épouvantée de voir son amour retentir si douloureusement dans cette chère créature. Sa fille vivait son amour. Le lendemain, elle exigea une consultation. Le docteur Bodin vint comme par hasard et examina la malade, qu’il ausculta en plaisantant. Puis, il eut un long entretien avec le docteur Deberle, resté dans la pièce voisine. Tous deux tombèrent d’accord que l’état présent n’offrait aucune gravité ; mais ils craignaient des complications, ils interrogèrent longuement Hélène, en se sentant devant une de ces névroses qui ont une histoire dans les familles et qui déconcertent la science. Alors, elle leur dit ce qu’ils savaient déjà en partie, son aïeule enfermée dans la maison d’aliénés des Tulettes, à quelques kilomètres de Plassans, sa mère morte tout d’un coup d’une phtisie aiguë, après une vie d’affolement et de crises nerveuses. Elle, tenait de son père, auquel elle ressemblait de visage, et dont elle avait le sage équilibre. Jeanne, au contraire, était tout le portrait de l’aïeule ; mais elle restait plus frêle, elle n’en aurait jamais la haute taille ni la forte charpente osseuse. Les deux médecins répétèrent une fois encore qu’il fallait de grands ménagements. On ne pouvait trop prendre de précautions avec ces affections chloroanémiques, qui favorisent le développement de tant de maladies cruelles. Henri avait écouté le vieux docteur Bodin avec une déférence qu’il n’avait jamais eue pour un confrère. Il le consultait sur Jeanne, de l’air d’un élève qui doute de lui. La vérité était qu’il finissait par trembler devant cette enfant ; elle échappait à sa science, il craignait de la tuer et de perdre la mère. Une semaine se passa. Hélène ne le recevait plus dans la chambre de la malade. Alors, de lui-même, frappé au coeur, malade, il cessa ses visites. – 195 – Vers la fin du mois d’août, Jeanne put enfin se lever et marcher dans l’appartement. Elle riait soulagé ; en quinze jours, elle n’avait pas eu une crise. Sa mère, toute à elle, toujours auprès d’elle, avait suffi pour la guérir. Dans les premiers temps, l’enfant restait méfiante, goûtait ses baisers, s’inquiétait de ses mouvements, exigeait sa main avant de s’endormir, et voulait la garder pendant son sommeil. Puis, voyant que personne ne montait plus, qu’elle ne la partageait plus, elle avait repris confiance, heureuse de recommencer leur bonne vie d’autrefois, toutes deux seules à travailler devant la fenêtre. Chaque jour, elle redevenait rose. Rosalie disait qu’elle fleurissait à vue d’oeil. Certains soirs, cependant, à la tombée de la nuit, Hélène s’abandonnait. Depuis la maladie de sa fille, elle restait grave, un peu pâle, avec une grande ride au front, qu’elle n’avait point auparavant. Et lorsque Jeanne s’apercevait d’un de ces moments de lassitude, d’une de ces heures désespérées et vides, elle-même se sentait très malheureuse, le coeur gros d’un vague remords. Doucement, sans parler, elle se pendait à son cou. Puis, à voix basse : – Tu es heureuse, petite mère ? Hélène avait un tressaillement. Elle se hâtait de répondre : – Mais oui, ma chérie. L’enfant insistait. – Tu es heureuse, tu es heureuse ?… Bien sûr ? – Bien sûr… Pourquoi veux-tu que je ne sois pas heureuse ? – 196 – Alors, Jeanne la serrait étroitement dans ses petits bras, comme pour la récompenser. Elle voulait l’aimer si fort, disaitelle, si fort, qu’on n’aurait pas pu trouver une mère aussi heureuse dans tout Paris. Chapitre IV En août, le jardin du docteur Deberle était un véritable puits de feuillage. Contre la grille, les lilas et les faux ébéniers mêlaient leurs branches, tandis que les plantes grimpantes, les lierres, les chèvrefeuilles, les clématites, poussaient de toutes parts des jets sans fin, qui se glissaient, se nouaient, retombaient en pluie, allaient jusque dans les ormes du fond, après avoir couru le long des murailles ; et, là, on aurait dit une tente attachée d’un arbre à l’autre, les ormes se dressaient comme les piliers puissants et touffus d’un salon de verdure. Ce jardin était si petit, que le moindre pan d’ombre le couvrait. Au milieu, le soleil à midi faisait une seule tache jaune, dessinant la rondeur de la pelouse, flanquée de ses deux corbeilles. Contre le perron, il y avait un grand rosier, des roses thé énormes qui s’épanouissaient par centaines. Le soir, quand la chaleur tombait, le parfum en devenait pénétrant, une odeur chaude de roses s’alourdissait sous les ormes. Et rien n’était plus charmant que ce coin perdu, si embaumé, où les voisins ne pouvaient voir, et qui apportait un rêve de forêt vierge, pendant que des orgues de Barbarie jouaient des polkas dans la rue Vineuse. – Madame, disait chaque jour Rosalie, pourquoi Mademoiselle ne descend-elle pas dans le jardin ?… Elle serait joliment à son aise sous les arbres. La cuisine de Rosalie était envahie par les branches d’un des ormeaux. Elle arrachait des feuilles avec la main, elle vivait dans la joie de ce colossal bouquet, au fond duquel elle n’apercevait plus rien. Mais Hélène répondait : – 197 – – Elle n’est pas encore assez forte, la fraîcheur de l’ombre lui ferait du mal. Cependant, Rosalie s’entêtait. Quand elle croyait avoir une bonne idée, elle ne la lâchait point aisément. Madame avait tort de croire que l’ombre faisait du mal. C’était plutôt que Madame craignait de déranger le monde ; mais elle se trompait, Mademoiselle ne dérangerait pour sûr personne, car il n’y avait jamais âme qui vive, le monsieur n’y paraissait plus, la dame devait rester aux bains de mer jusqu’au milieu de septembre ; cela était si vrai, que la concierge avait demandé à Zéphyrin de donner un coup de râteau, et que, depuis deux dimanches, Zéphyrin et elle y passaient l’après-midi. Oh ! c’était joli, c’était joli à ne pas croire ! Hélène refusait toujours. Jeanne semblait avoir une grosse envie d’aller dans le jardin, dont elle avait souvent parlé pendant sa maladie ; mais un sentiment singulier, un embarras qui lui faisait baisser les yeux, paraissait l’empêcher d’insister auprès de sa mère. Enfin, le dimanche suivant, la bonne se présenta, tout essoufflée, en disant : – Oh ! Madame, il n’y a personne, je vous le jure. Il n’y a que moi et Zéphyrin qui ratisse… Laissez-la venir. Vous ne pouvez pas vous imaginer comme on est bien. Venez un peu, rien qu’un peu, pour voir. Et elle était si convaincue, qu’Hélène céda. Elle enveloppa Jeanne dans un châle et dit à Rosalie de prendre une grosse couverture. L’enfant, ravie, d’un ravissement muet que témoignaient seuls ses grands yeux brillants, voulut descendre l’escalier sans être aidée, pour montrer sa force. Derrière elle, sa mère avançait les bras, prête à la soutenir. En bas, lorsqu’elles mirent les pieds dans le jardin, toutes deux poussèrent un cri. Elles ne le reconnaissaient pas, tant ce fourré impénétrable ressemblait peu au coin propre et bourgeois qu’elles avaient vu au printemps. – 198 – – Quand je vous le disais ! répétait Rosalie triomphante. Les massifs s’étaient élargis, changeant les allées en étroits sentiers, dessinant tout un labyrinthe où les jupes s’accrochaient au passage. On aurait cru l’enfoncement lointain d’une forêt, sous la voûte des feuillages qui laissait tomber une lumière verte, d’une douceur et d’un mystère charmants. Hélène cherchait l’orme au pied duquel elle s’était assise en avril. – Mais, dit-elle, je ne veux pas qu’elle reste là. L’ombre est trop fraîche. – Attendez donc, reprit la bonne. Vous allez voir. En trois pas, on traversait la forêt. Et là, au milieu du trou de verdure, sur la pelouse, on trouvait le soleil, un large rayon d’or qui tombait, tiède et silencieux, comme dans une clairière. En levant la tête, on ne voyait que des branches se détachant sur la nappe bleue du ciel, avec une légèreté de guipure. Les roses thé du grand rosier, un peu fanées par la chaleur, dormaient sur leurs tiges. Dans les corbeilles, des marguerites rouges et blanches, d’un ton ancien, dessinaient des bouts de vieilles tapisseries. – Vous allez voir, répétait Rosalie. Laissez-moi faire. C’est moi qui vais l’arranger. Elle venait de plier et d’étaler la couverture au bord d’une allée, à l’endroit où l’ombre finissait. Puis, elle fit asseoir Jeanne, les épaules couvertes de son châle, en lui disant d’allonger ses petites jambes. De cette façon, l’enfant avait la tête à l’ombre et les pieds au soleil. – Tu es bien, ma chérie ? demanda Hélène. – 199 – – Oh ! oui, répondit-elle. Tu vois, je n’ai pas froid. On dirait que je me chauffe à un grand feu… Oh ! comme on respire, comme c’est bon ! Alors, Hélène, qui regardait d’un air inquiet les volets fermés de l’hôtel, dit qu’elle remontait un instant. Et elle adressa toutes sortes de recommandations à Rosalie : elle veillerait bien au soleil, elle ne laisserait pas Jeanne là plus d’une demi-heure, elle ne la quitterait pas du regard. – N’aie donc pas peur, maman ! s’écria la petite, qui riait. Il ne passe point de voitures ici. Quand elle fut seule, elle prit des poignées de graviers, à côté d’elle, jouant à les faire tomber en pluie, d’une main dans l’autre. Cependant, Zéphyrin ratissait. Lorsqu’il avait vu Madame et Mademoiselle, il s’était hâté de remettre sa capote, pendue à une branche ; et il restait debout, ne ratissant plus, par respect. Durant toute la maladie de Jeanne, il était venu à son habitude chaque dimanche ; mais il se glissait dans la cuisine avec tant de précautions, qu’Hélène n’aurait jamais soupçonné sa présence, si Rosalie, chaque fois, n’avait demandé des nouvelles de sa part, en ajoutant qu’il partageait le chagrin de la maison. Oh ! il se faisait aux belles manières, comme elle le disait ; il se décrassait joliment à Paris. Aussi, appuyé sur son râteau, adressait-il à Jeanne un branlement de tête sympathique. Lorsqu’elle l’aperçut, elle sourit. – J’ai été bien malade, dit-elle. – Je sais, mademoiselle, répondit-il en mettant une main sur son coeur. Puis, il voulut trouver quelque chose de gentil, une plaisanterie qui égayât la situation. Et il ajouta : – Votre santé s’est reposée, voyez-vous. Maintenant, ça va ronfler. – 200 – Jeanne avait repris une poignée de cailloux. Alors, content de lui, riant d’un rire silencieux qui lui fendait la bouche d’une oreille à l’autre, il se remit à ratisser, de toute la force de ses bras. Le râteau, sur le gravier, avait un bruit régulier et strident. Au bout de quelques minutes, Rosalie, qui voyait la petite absorbée dans son jeu, heureuse et bien tranquille, s’éloigna d’elle pas à pas, comme attirée par le grincement du râteau. Zéphyrin était de l’autre côté de la pelouse, en plein soleil. – Tu sues comme un boeuf, murmura-t-elle. Ôte donc ta capote. Mademoiselle ne sera pas offensée, va ! Il retira sa capote et la pendit de nouveau à une branche. Son pantalon rouge, dont une courroie serrait la ceinture, lui montait très haut, tandis que sa chemise de grosse toile bise, tenue au cou par un col de crin, était si raide qu’elle bouffait et l’arrondissait encore. Il retroussa ses manches en se dandinant, histoire de montrer une fois de plus à Rosalie deux coeurs enflammés qu’il s’était fait tatouer au régiment, avec cette devise : Pour toujours. – Es-tu allé à la messe, ce matin ? demanda Rosalie qui lui faisait subir tous les dimanches cet interrogatoire. – A la messe… à la messe…. répéta-t-il en ricanant. Ses deux oreilles rouges s’écartaient de sa tête tondue très ras, et toute sa petite personne ronde exprimait un air profondément goguenard. – Sans doute que j’y suis allé, à la messe, finit-il par dire. – Tu mens ! reprit violemment Rosalie. Je vois bien que tu mens, ton nez remue !… Ah ! Zéphyrin, tu te perds, tu n’as seulement plus de religion… Méfie-toi ! – 201 – Pour toute réponse, d’un geste galant, il voulut la prendre à la taille. Mais elle parut scandalisée, elle cria : – Je te fais remettre ta capote, si tu n’es pas convenable !… Tu n’as pas honte ! Voilà Mademoiselle qui te regarde. Alors, Zéphyrin ratissa de plus belle. Jeanne, en effet, venait de lever les yeux. Le jeu la lassait un peu ; après les cailloux, elle avait ramassé des feuilles et arraché de l’herbe ; mais une paresse l’envahissait, elle jouait mieux à ne rien faire, à regarder le soleil qui la gagnait petit à petit. Tout à l’heure, ses jambes seules, jusqu’aux genoux, trempaient dans ce bain chaud de rayons ; maintenant, elle en avait jusqu’à la taille, et la chaleur montait toujours, elle la sentait qui grandissait en elle comme une caresse, avec des chatouilles bien gentilles. Ce qui l’amusait surtout, c’étaient les taches rondes, d’un beau jaune d’or, qui dansaient sur son châle. On aurait dit des bêtes. Et elle renversait la tête, pour voir si elles grimperaient jusqu’à sa figure. En attendant, elle avait joint ses deux petites mains dans du soleil. Comme elles paraissaient maigres ! comme elles étaient transparentes ! Le soleil passait au travers, et elles lui semblaient jolies tout de même, d’un rose de coquillage, fines et allongées, pareilles aux menottes enfantines d’un Jésus. Puis, le grand air, ces gros arbres autour d’elle, cette chaleur, l’avaient un peu étourdie. Elle croyait dormir, et pourtant elle voyait, elle entendait. Cela était très bon, très doux. – Mademoiselle, si vous vous reculiez, dit Rosalie qui était revenue près d’elle. Le soleil vous chauffe trop. Mais Jeanne, d’un geste, refusa de remuer. Elle se trouvait trop bien. A présent, elle ne s’occupait plus que de la bonne et du petit soldat, cédant à une de ces curiosités d’enfants pour les choses qu’on leur cache. Sournoisement, elle baissa les yeux, voulant faire croire qu’elle ne regardait pas ; et, entre ses longs cils, elle guettait, pendant qu’elle semblait tout assoupie. – 202 – Rosalie demeura encore là quelques minutes. Elle était sans force contre le bruit du râteau. De nouveau, elle rejoignit Zéphyrin, pas à pas, comme malgré elle. Elle le grondait de ses nouvelles allures ; mais, au fond, elle était saisie, prise au coeur, pleine d’une sourde admiration. Le petit soldat, dans ses longues flâneries avec les camarades, au jardin des Plantes et sur la place du Château-d’Eau, où était sa caserne, acquérait les grâces balancées et fleuries du tourlourou parisien. Il en apprenait la rhétorique, les épanouissements galants, les entortillements de style, si flatteurs pour les dames. Des fois, elle restait suffoquée de plaisir, en écoutant des phrases qu’il lui rapportait avec un dandinement des épaules, et dans lesquelles des mots qu’elle ne comprenait pas la faisaient devenir toute rouge d’orgueil. L’uniforme ne le gênait plus ; il jetait les bras à se les décrocher, d’un air crâne ; il avait surtout une façon de porter son shako sur la nuque, qui découvrait sa face ronde, le nez en avant, tandis que le shako, mollement, accompagnait le roulis du corps. Puis, il s’émancipait, buvait la goutte, prenait la taille au sexe. Bien sûr qu’il en savait plus long qu’elle, maintenant, avec ses manières de ricaner et de ne pas en dire davantage. Paris le dégourdissait trop. Et, ravie, furieuse, elle se plantait devant lui, hésitant entre les deux envies de le griffer ou de se laisser dire des bêtises. Cependant, Zéphyrin, en ratissant, avait tourné l’allée. Il se trouvait derrière un grand fusain, lançant à Rosalie des oeillades obliques, pendant qu’il semblait l’amener contre lui, à petits coups, avec son râteau. Quand elle fut tout près, il la pinça rudement à la hanche. – Crie pas, c’est comme je t’aime ! murmura-t-il en grasseyant. Et mets ça par-dessus ! Il la baisait au petit bonheur, sur l’oreille. Puis, comme Rosalie, à son tour, le pinçait au sang, il lui colla un autre baiser, sur le nez cette fois. Elle était écarlate, bien contente au fond, exaspérée de ne pouvoir lui allonger un soufflet, à cause de Mademoiselle. – 203 – – Je me suis piquée, dit-elle en revenant près de Jeanne, pour expliquer le léger cri qu’elle avait jeté. Mais l’enfant avait vu la scène, au travers des branches grêles du fusain. Le pantalon rouge et la chemise du soldat faisaient une tache vive dans la verdure. Elle leva lentement les yeux sur Rosalie, la regarda un instant, pendant qu’elle rougissait davantage, les lèvres humides, les cheveux envolés. Puis, elle baissa de nouveau les paupières, reprit une poignée de cailloux, n’eut pas la force de jouer ; et elle resta les deux mains dans la terre chaude, somnolente, au milieu de la grande vibration du soleil. Un flot de santé remontait en elle et l’étouffait. Les arbres lui semblaient gigantesques et puissants, les roses la noyaient dans un parfum. Elle songeait à des choses vagues, surprise et ravie. – A quoi pensez-vous donc, mademoiselle ? demanda Rosalie inquiète. – Je ne sais pas, à rien, répondit Jeanne. Ah ! si, je sais… Vois-tu, je voudrais vivre très vieille… Et elle ne put expliquer cette parole. C’était une idée qui lui venait, disait-elle. Mais, le soir, après le dîner, comme elle restait songeuse et que sa mère l’interrogeait, elle posa tout à coup cette question : – Maman, est-ce que les cousins et les cousines se marient ensemble ? – Sans doute, dit Hélène. Pourquoi me demandes-tu ça ? – Pour rien… Pour savoir. – 204 – Hélène était d’ailleurs habituée à ses questions extraordinaires. L’enfant se trouva si bien de l’heure passée dans le jardin qu’elle y descendit tous les jours de soleil. Les répugnances d’Hélène disparurent peu à peu ; l’hôtel demeurait fermé, Henri ne se montrait pas, elle avait fini par rester et s’asseoir près de Jeanne, sur un bout de la couverture. Mais, le dimanche suivant, elle s’inquiéta en voyant, le matin, les fenêtres ouvertes. – Pardi ! on fait prendre l’air aux appartements, disait Rosalie, pour l’engager à descendre. Quand je vous jure qu’il n’y a personne ! Ce jour-là, le temps était plus chaud encore. Une grêle de flèches d’or criblait les feuillages. Jeanne, qui commençait à devenir forte, marcha pendant près de dix minutes, appuyée au bras de sa mère. Puis, fatiguée, elle revint sur sa couverture, en faisant à Hélène une petite place. Toutes deux se souriaient, amusées de se voir ainsi par terre. Zéphyrin, qui avait fini de ratisser, aidait Rosalie à cueillir du persil, dont des touffes perdues poussaient le long de la muraille du fond. Tout à coup, il y eut un grand bruit dans l’hôtel ; et, comme Hélène songeait à se sauver, madame Deberle parut sur le perron. Elle arrivait, en robe de voyage, parlant haut, très affairée. Mais, quand elle aperçut madame Grandjean et sa fille par terre, devant la pelouse, elle se précipita, les combla de caresses, les étourdit de paroles. – Comment ! c’est vous !… Ah ! que je suis heureuse de vous voir !… Embrasse-moi, ma petite Jeanne. Tu as été bien malade, n’est-ce pas, mon pauvre chat ? Mais ça va mieux, te voilà toute rose… Que de fois j’ai pensé à vous, ma chère ! Je vous ai écrit, vous avez reçu mes lettres ? Vous avez dû passer des heures bien terribles. Enfin, c’est fini… Voulez-vous me permettre de vous embrasser ? – 205 – Hélène s’était mise debout. Elle dut se laisser poser deux baisers sur les joues et les rendre. Ces caresses la glaçaient, elle balbutiait : – Vous nous excuserez d’avoir envahi votre jardin. – Vous voulez rire ! reprit impétueusement Juliette. N’êtesvous pas ici chez vous ? Elle les quitta un instant, remonta le perron, pour crier à travers pièces toutes ouvertes : – Pierre, n’oubliez rien, il y a dix-sept colis ! Mais elle revint tout de suite et parla de son voyage. – Oh ! une saison adorable. Nous étions à Trouville, vous savez. Un monde sur la plage, à s’écraser. Et tout ce qu’il y a de mieux… J’ai eu des visites, oh ! des visites… Papa est venu passer quinze jour avec Pauline. N’importe, on est content de rentrer chez soi… Ah ! ne vous ai pas dit… Mais non, je vous conterai ça plus tard. Elle se baissa, embrassa Jeanne de nouveau, puis devint sérieuse posa cette question : – Est-ce que j’ai bruni ? – Non, je ne m’aperçois pas, répondit Hélène, qui la regardait. Juliette avait ses yeux clairs et vides, ses mains potelées, son joli visage aimable. Elle ne vieillissait pas ; l’air de la mer luimême n’avait pu entamer la sérénité de son indifférence. Elle semblait revenir d’une course dans Paris, d’une tournée chez ses fournisseurs, avec le reflet des étalages sur toute sa personne. – 206 – Pourtant, elle débordait d’affection, et Hélène demeurait d’autant plus gênée, qu’elle se sentait raide et mauvaise. Au milieu de la couverture, Jeanne ne bougeait pas ; elle levait seulement sa fine tête souffrante, les mains serrées frileusement au soleil. – Attendez, vous n’avez pas vu Lucien, s’écria Juliette. Il faut le voir… Il est énorme. Et lorsqu’on lui eut amené le petit garçon, que la femme de chambre débarbouillait de la poussière du voyage, elle le poussa, elle le retourna, pour le montrer. Lucien, gros, joufflu, tout hâlé d’avoir joué sur la plage, au vent du large, crevait de santé, un peu empâté même, et l’air bourru, parce qu’on venait de le laver. Il était mal essuyé, une joue humide encore, rose du frottement de la serviette. Quand il aperçut Jeanne, il s’arrêta, surpris. Elle le regardait, avec son pauvre visage maigri, d’une pâleur de linge, dans le ruissellement noir de ses cheveux, dont les boucles tombaient jusqu’aux épaules. Ses beaux yeux élargis et tristes lui tenaient toute la face ; et, malgré la forte chaleur, elle avalait un petit tremblement, tandis que ses mains frileuses se tendaient toujours comme devant un grand feu. – Eh bien ! tu ne vas pas l’embrasser ? dit Juliette. Mais Lucien semblait avoir peur. Il finit par se décider, avec précaution, en allongeant les lèvres, pour approcher de la malade le moins possible. Puis, il se recula vite. Hélène avait de grosses larmes au bord des yeux. Comme cet enfant se portait ! Et sa Jeanne qui était si essoufflée pour avoir fait le tour de la pelouse ! Il y avait des mères bien heureuses ! Juliette, tout d’un coup, comprit sa cruauté. Alors, elle se fâcha contre Lucien. – Tiens, tu es une bête !… Est-ce qu’on embrasse les demoiselles comme ça ?… Vous n’avez pas idée, ma chère, il est devenu impossible, à Trouville. – 207 – Elle s’embrouillait. Heureusement pour elle, le docteur parut. Elle s’en tira par une exclamation. – Ah ! voilà Henri ! Il ne les attendait que le soir. Mais elle avait pris un autre train. Et elle expliquait longuement pourquoi, sans parvenir à être claire. Le docteur écoutait en souriant. – Enfin, vous êtes ici, dit-il. C’est tout ce qu’il faut. Il venait d’adresser à Hélène un salut muet. Son regard, un instant, tomba sur Jeanne ; puis, embarrassé, il détourna la tête. La petite avait soutenu ce regard gravement ; et, dénouant ses mains, d’un geste instinctif, elle saisit la robe de sa mère, elle l’attira près d’elle. – Ah ! le gaillard ! répétait le docteur, qui avait soulevé Lucien et qui le baisait sur les joues. Il pousse comme un charme. – Eh bien ! et moi, on m’oublie ? demanda Juliette. Elle avançait la tête. Alors, il ne lâcha pas Lucien, il le garda sur un bras, tout en se penchant pour baiser également sa femme. Tous trois se souriaient. Hélène, très pâle, parla de remonter. Mais Jeanne refusa ; elle voulait voir, ses lents regards s’arrêtaient sur les Deberle, puis revenaient vers sa mère. Lorsque Juliette avait tendu les lèvres au baiser de son mari, une flamme s’était allumée dans les yeux de l’enfant. – Il est trop lourd, continuait le docteur, en remettant Lucien par terre. Alors, la saison a été bonne ?… J’ai vu hier Malignon, il m’a conté son séjour là-bas… Tu l’as donc laissé partir avant vous ? – 208 – – Oh ! il est insupportable ! murmura Juliette, qui devint sérieuse, avec un air de figure embarrassé. Il nous a fait enrager tout le temps. – Ton père espérait pour Pauline… Notre homme ne s’est pas prononcé ? – Qui ! lui, Malignon ? cria-t-elle surprise et comme offensée. Puis, elle eut un geste d’ennui. Ah ! laisse donc, un toqué !… Que je suis heureuse d’être chez moi ! Et elle eut, sans transition apparente, une de ces effusions qui surprenaient, avec sa nature d’oiseau charmant. Elle se serra contre son mari, levant la tête. Lui, indulgent et tendre, la tint un instant entre ses bras. Ils semblaient avoir oublié qu’ils n’étaient pas seuls. Jeanne ne les quittait pas des yeux. Une colère faisait trembler ses lèvres décolorées, elle avait sa figure de femme jalouse et méchante. La douleur dont elle souffrait était si vive, qu’elle dut détourner les yeux. Et ce fut à ce moment qu’elle aperçut, au fond du jardin, Rosalie et Zéphyrin qui continuaient à chercher du persil. Pour ne pas déranger le monde sans doute, ils s’étaient coulés au plus épais des massifs, accroupis l’un et l’autre. Zéphyrin, sournoisement, avait pris un pied de Rosalie, pendant que celle-ci, sans parler, lui allongeait des tapes. Jeanne, entre deux branches, voyait la face du petit soldat, une lune bon enfant, très rouge, crevant d’un rire amoureux. Il y eut une poussée, le petit soldat et la bonne roulèrent derrière les verdures. Le soleil tombait d’aplomb, les arbres dormaient dans l’air chaud, sans qu’une feuille remuât. Il venait de dessous les ormes une odeur, l’odeur grasse de la terre que la bêche ne retournait jamais. Lentement, les dernières roses thé laissaient leurs pétales – 209 – pleuvoir un à un sur le perron. Alors, Jeanne, la poitrine gonflée, ramena les yeux sur sa mère ; et, en la retrouvant immobile et muette devant ce qui se passait là, elle eut pour elle un regard de suprême angoisse, un de ces regards profonds d’enfant que l’on n’ose interroger. Cependant, madame Deberle s’était rapprochée, en disant : – J’espère que nous allons nous voir… Puisque Jeanne se trouve bien, il faut qu’elle descende tous les après-midi. Hélène cherchait déjà une excuse, prétextait qu’elle ne voulait pas trop la fatiguer. Mais Jeanne intervint vivement : – Non, non, le soleil est si bon… Nous descendrons, madame. Vous me garderez ma place, n’est-ce pas ? Et comme le docteur restait en arrière, elle lui sourit. – Docteur, dites donc à maman que l’air ne me fait pas de mal. Il s’avança, et cet homme fait à la douleur humaine eut une rougeur légère aux joues parce que cette enfant lui parlait avec douceur. – Sans doute, murmura-t-il, le grand air ne peut que hâter la convalescence. – Ah ! tu vois bien, petite mère, il faudra que nous venions, dit-elle avec un adorable regard de tendresse, tandis que des larmes s’étranglaient dans sa gorge. Mais Pierre avait reparu sur le perron ; les dix-sept colis de Madame étaient rentrés. Juliette, suivie de son mari et de Lucien, se sauva, en déclarant qu’elle était sale à faire peur et qu’elle allait – 210 – prendre un bain. Quand elles furent seules, Hélène s’agenouilla sur la couverture, comme pour renouer le châle autour du cou de Jeanne. Puis, à voix basse : – Tu n’es donc plus fâchée contre le docteur ? L’enfant fit un long signe de tête. – Non, maman. Il y eut un silence. Hélène, de ses mains tremblantes et maladroites, semblait ne pouvoir serrer le noeud du châle. Jeanne alors murmura : – Pourquoi en aime-t-il d’autres ?… Je ne veux pas… Et son regard noir devint dur, tandis que ses petites mains tendues caressaient les épaules de sa mère. Celle-ci voulut se récrier ; mais elle eut peur des paroles qui lui venaient aux lèvres. Le soleil baissait ; toutes deux remontèrent. Cependant, Zéphyrin avait reparu, avec un bouquet de persil, qu’il épluchait en lançant à Rosalie des regards assassins. La bonne, à distance, se méfiait, maintenant qu’il n’y avait plus personne ; et comme il la pinçait, au moment où elle se baissait pour rouler la couverture, elle lui appliqua un coup de poing dans le dos, qui rendit un bruit de tonneau vide. Cela le remplit d’aise. Il en riait encore en dedans, lorsqu’il rentra dans la cuisine, épluchant toujours son persil. A partir de ce jour, Jeanne mit une obstination à descendre dans le jardin, dès qu’elle y entendait la voix de madame Deberle. Elle écoutait avidement les cancans de Rosalie sur le petit hôtel voisin, s’inquiétant de la vie qu’on y menait, s’échappant de la chambre parfois et venant elle-même guetter à la fenêtre de la cuisine. En bas, enfoncée dans un petit fauteuil que Juliette lui faisait apporter du salon, elle paraissait surveiller la famille, réservée avec Lucien, impatiente de ses questions et de ses jeux, surtout lorsque le docteur était là. Alors, elle s’allongeait, comme – 211 – lasse, les yeux ouverts, regardant. C’était pour Hélène une grande souffrance que ces après-midi. Elle revenait pourtant, elle revenait malgré les révoltes de tout son être. Chaque fois qu’Henri, à son retour, mettait un baiser sur les cheveux de Juliette, elle avait un élancement au coeur. Et, à ces moments-là, si, pour cacher son visage bouleversé, elle feignait de s’occuper de Jeanne, elle trouvait l’enfant plus pâle qu’elle, avec ses yeux noirs grands ouverts, le menton convulsé d’une colère contenue. Jeanne endurait ses tourments. Les jours où sa mère, à bout de force, agonisait d’amour en détournant les yeux, elle-même restait si sombre et si brisée, qu’il fallait la remonter et la coucher. Elle ne pouvait plus voir le docteur s’approcher de sa femme sans changer de visage, frémissante, le poursuivant du regard enflammé d’une maîtresse trahie. – Je tousse le matin, lui dit-elle un jour. Il faut venir, vous me verrez. Des pluies tombèrent. Jeanne voulut que le docteur recommençât ses visites. Elle allait beaucoup mieux cependant. Sa mère, pour la contenter, avait dû accepter deux ou trois dîners chez les Deberle. L’enfant, le coeur si longtemps déchiré par un combat obscur, parut se calmer, lorsque sa santé fut enfin complètement rétablie. Elle répétait sa question : – Tu es heureuse, petite mère ? – Oui, bien heureuse, ma chérie. Alors, elle rayonnait. On devait lui pardonner ses anciennes méchancetés, disait-elle. Elle en parlait comme d’une attaque indépendante de sa volonté, d’un mal de tête qui l’aurait prise tout d’un coup. Quelque chose se gonflait en elle, bien sûr elle ne savait pas quoi. Toutes sortes d’idées se battaient, des idées vagues, de vilains rêves qu’elle n’aurait seulement pu répéter. Mais c’était passé, elle guérissait, ça ne reviendrait plus. – 212 -

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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