Culture : CONTENTIEUX ENTRE L’ÉCRIVAIN ABDERAHMAN ZAKAD ET SON ÉDITEUR
Une violence qui aurait pu être évitée
Au-delà de ce contentieux et quels que soient les tenants et les aboutissants, cela nous renvoie, hélas, aux relations auteurs-éditeurs et la garantie à l’auteur d’un niveau suffisant de sécurité juridique et de reconnaissance morale et matérielle de ses droits.
Lorsque Abderahman Zakad, auteur de plusieurs romans
( Trabendo, paru aux éditions Marsa‚ Paris, en 2002 ; Le vent dans le musée, aux éditions Alpha en 2006, et le Terroriste aux éditions Mille-Feuilles en 2009), a décidé de médiatiser l’affaire brutale l’ayant opposé à son éditeur, en l’occurrence Sid-Ali Sekhri, il n’a certainement pas mesuré l’impact d’une telle histoire tout aussi malheureuse que sordide sur le monde de l’édition. Il faut peut-être revenir au début du drame, car c’est d’un drame qu’il s’agit, vu que c’est entre un auteur et un éditeur que le problème s’est posé d’une manière brutale, puisque l’on est arrivé aux mains. Deux acteurs privilégiés de l’acte d’écrire et de l’acte de publier jettent dans la consternation une opinion publique qui ne comprend pas. En vérité, ce contentieux et sa finalité malheureuse poussent peut-être à se poser des questions quant à la codification du métier d’éditeur, et du respect des droits d’auteur. Au-delà du contentieux d’aujourd’hui, c’est tout le drame des relations auteur-éditeur qui s’y profile brutalement. Mais avant tout, revenant à l’histoire d’Abderahman Zakad qui explique dans sa lettre que ce n’est qu’après s’être plaint à l’Office national des droits d’auteur (ONDA) et au ministère (courriers joints), et après plusieurs lettres de rappel à son éditeur demandant d’être reçu afin de régler le contentieux (courriers restés sans réponses), qu’il a fait appel à l’ONDA et avait joint une copie de ce courrier dans une ultime lettre à son éditeur qui conçoit de le recevoir enfin. La première question qui nous vient donc à l’esprit est pourquoi l’éditeur a attendu plus d’une année pour recevoir son auteur ? Ensuite, pourquoi les termes d’un contrat très basique ne sont-ils pas respectés ? A ces questions, Sid-Ali Sekhri répond qu’il avait justement demandé à Zakad de le rejoindre à l’Île Lettrée, soit le 4 février 2010, pour lui remettre un chèque et résilier leur contrat. Zakad explique donc que son éditeur a accepté finalement de le recevoir mais pas dans sa librairie ni dans un bureau, mais plutôt à l’Île Lettrée, un café plein de monde. «L’éditeur me fait entrer, me demande de m’asseoir. Je dis non merci, n’ayant pas l’habitude d’entrer dans les cafés. Il me dit “on va discuter du contrat”. Je réponds que je ne parle pas du contrat dans un café, on n’est pas à l’aise. Il s’énerve et m’emmène dans un réduit qui n’est autre que la cuisine du café.» L’écrivain avait estimé, dira-t-il, qu’il ne pouvait pas discuter dans ce lieu inadéquat pour régler ce genre de problème, ce qui a fait monter le ton entre les deux hommes et a poussé à l’irréparable : Zakad s’en sort avec un nez cassé, le visage tuméfié, pouvant à peine tenir debout, explique-t-il. Il faut rappeler que l’homme est âgé de 73 ans, fragile de santé et pas très robuste. Il s’en sort avec un certificat médical de 21 jours d’incapacité délivrée par un médecin légiste de l’hôpital Mustapha où il avait été transporté par le Samu. Son éditeur expliquera pour sa part qu’il n’a fait que se défendre devant l’agressivité de l’auteur qui lui a sauté dessus, il ne l’a touché qu’accidentellement. Cela s’était passé après lui avoir proposé un chèque en lui expliquant qu’il allait mettre terme à son contrat. Zakad s’insurge : «Pourquoi frapper son éditeur, alors que celui-ci tente de me remettre un chèque ? C’est lorsque j’ai refusé de discuter avec lui dans la cuisine du café que j’ai reçu un violent coup de tête.» Mais pourquoi cette histoire a tourné ainsi au vinaigre, tout cela aurait pu être évité. Qu’est-ce qui s’était passé réellement pour en arriver là, à ce stade de la colère? Zakad parle de mépris et de fuite en avant de son éditeur, ce dernier estime que son auteur s’était montré irrespectueux dans ses courriers et il n’avait pas à entretenir de ce fait une relation avec lui. Quelle que soit l’issue de cette histoire, quels que soient les tenants et les aboutissants, en se fiant aux versions des uns et des autres, le problème semble plus profond encore, comment un auteur et un éditeur, évoluant logiquement dans un milieu «privilégié », n’ont pas pu s’asseoir à une table pour régler ce litige ?
Nassira Belloula
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/02/16/article.php?sid=95797&cid=16
16 février 2010
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