Nelson Mandela l’Algérien
Vingt ans après la libération de Mandela des prisons sud-africaines, Pretoria fête son héros : un homme qui s’est inspiré de l’exemple algérien.
Nelson Mandela est l’icône de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Hier, le pays a fêté les vingt ans de sa libération, en 1990, après vingt-sept années passées dans les geôles du régime ségrégationniste. Ce que l’on sait moins, c’est que Mandela s’est inspiré de l’Algérie et de sa révolution dans son combat contre le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Petit rappel biographique. Né le 18 juillet 1918, dans la province du Cap oriental, Nelson Mandela appartient à un clan royal. Dans les années 1940, il se sensibilise au nationalisme africain et à la doctrine de la non-violence à l’université de Fort Harare où il poursuit des études de droit.
De son vrai nom Rolihlahla, « celui par qui les problèmes arrivent », en xhosa, l’apprenti avocat s’engage au sein du Congrès national africain (ANC). Alors que le régime au pouvoir institutionnalise l’apartheid, Nelson Mandela devient vice-président du parti. Il amorce un mouvement de désobéissance civique envers certaines lois. En 1958, il épouse Winnie Madikizela, qui sera sa femme trente-quatre ans durant. Le parti est interdit en 1960. Suite à la répression sanglante d’une manifestation la même année, les résistants anti-apartheid jugent qu’il est temps de délaisser la non-violence. L’ANC prend les armes en 1961. S’engage alors un mouvement de guérilla pour résister au régime d’apartheid. C’est là qu’apparaît la jonction avec un pays en lutte pour son indépendance : l’Algérie.
En 1961, Mandela rencontre, au Maroc, le docteur Moustapha Chawki, membre du GPRA en exil. Ce dernier va lui raconter l’histoire de la résistance algérienne contre le colonialisme français. Pour Mandela, il existe de nombreuses similitudes entre la guerre d’Algérie et la situation en Afrique du Sud ou une petite minorité de Blancs exploite la majorité noire du pays. Moustapha Chawki va conseiller Mandela dans sa stratégie pour libérer son peuple. Selon lui, la révolution algérienne n’a pas pour but une victoire militaire contre l’ennemi français. Ce sont les sphères politiques et économiques qui feront tomber le colonialisme. Il va conseiller à Mandela de ne pas négliger l’arme de la diplomatie et du rapport de force politique plutôt que d’insister sur le côté militaire. En 1962, Nelson Mandela est invité à Alger par le président Ahmed Ben Bella pour une parade militaire.
C’est à ce moment que le premier président de la République algérienne indépendante va proposer à Mandela de soutenir financièrement son parti, l’ANC, et d’installer en Algérie des camps d’entraînement pour la rébellion sud-africaine anti-apartheid. Les visites de Mandela en Algérie seront ensuite ultra secrètes. « Le ministre de la Défense de l’époque, le colonel Houari Boumediène avait ordonné de ne pas divulguer la présence de Mandela en Algérie. Seul un groupe restreint d’initiés savait que le héros de la libération de l’Afrique du Sud était en Algérie », raconte l’ancien ambassadeur d’Algérie en Afrique du Sud, Nourredine Djoudi. M. Djoudi parle l’anglais et sera d’une aide indispensable pour Mandela en Algérie où l’on parle l’arabe et le francais.
Parmi les instructeurs militaires de Mandela en Algérie, figurent des noms devenus connus comme Chérif Belkacem ou le général Mohamed Lamari. Nelson Mandela va s’inspirer du modèle algérien mais son idéal révolutionnaire va être rattrapé par les réalités du moment. Accusé de sabotage et de complot contre l’Etat, Mandela est condamné à la prison à vie lors du procès de Rivonia en 1964. Mais depuis sa cellule, il continue de distiller sa pensée et d’encourager ses camarades qui poursuivent la lutte. « Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » Dans les années 1980, il devient alors pour le monde entier le symbole de la lutte contre l’apartheid.
Dès sa libération en 1990, il entame des négociations avec le pouvoir qui cède. Il reçoit le prix Nobel de la Paix conjointement avec Frederik De Klerk, qui a assuré la transition avec lui, en 1993. Le 27 avril 1994, Nelson Mandela triomphe aux premières élections multiraciales et affirme vouloir construire une « nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et le monde ». Il met en place la commission Vérité et réconciliation pour construire une unité nationale. Plus tard, ce sera au tour de l’Algérie de s’inspirer du modèle sud-africain pour proposer sa loi sur la réconciliation nationale. Cette absence de rancune est précisément ce qui aura caractérisé sa personnalité et interpellé le monde. A la fin de son mandat en 1999, il quitte la vie politique. L’archevêque anglican Desmond Tutu résume ainsi ce que symbolise Mandela, « une icône mondiale de la réconciliation ».
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12 février 2010
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