Au coin de la cheminée
Zalgoum (3e partie)
Résumé de la 2ème partie : Les parents décident de marier leur fils avec sa sœur Zalgoum. Mais cette dernière qui les aide aux préparatifs, ignore tout de cela…
La jeune fille pensa que tous les animaux tenaient à ce qu’elle sache qui serait bientôt sa belle-sœur. Elle jeta quelques grains à la corneille.
— Le blé que tu tries c’est pour tes noces, car c’est toi que ton frère veut épouser, dit l’oiseau.
Zalgoum, stupéfaite, ne savait pas si elle avait très bien compris. Elle vit repasser l’hirondelle et lui fit don d’un gros morceau d’argile.
— La femme que ton frère va épouser, c’est toi, dit l’hirondelle.
Zalgoum prit une pleine poignée de couscous, qu’elle jeta à la vache.
— Tu roules le couscous de ta propre fête, Zalgoum, dit la vache, car la mariée, demain, ce sera toi.
Il n’y avait plus de doute à avoir. Aussi Zalgoum laissa-t-elle là son couscous. Elle alla tout de suite revêtir des habits de voyage et, prenant soin que nul ne la vît, sortit de la maison.
Elle traversa le village sans que personne prît garde à elle, marcha longtemps dans la forêt jusqu’à une grotte retirée, où elle se réfugia. Pour que personne n’eût l’idée de venir l’y chercher, à l’entrée de la grotte elle roula une roche énorme.
Tous les habitants du village, apprenant qu’elle avait disparu, se mirent à la chercher partout… en vain. Son frère, furieux, monta sur son cheval, écuma les moindres recoins de la forêt et ne trouva rien. Les parents, désespérés, ne savaient plus à quel moyen recourir.
Pendant ce temps leur berger continuait de conduire chaque matin son troupeau de chèvres dans la forêt. L’une d’elles, un jour, monta jusqu’à l’entrée d’une grotte, que barrait une grosse pierre. Elle se mit à donner de grands coups de corne dans le rocher pour essayer de pénétrer. Le berger, accouru pour la ramener au troupeau, soudain entendit une voix qui sortait de la grotte :
Ouste, chèvre, va de là Ou la gale te dévorera
Et va dire à mes père et mère : Zalgoum dans la grotte se terre !
Eberlué, il regarda partout autour de lui, mais ne vit personne. Le soir il conta l’aventure à son maître, qui décida de le suivre la fois suivante au pâturage, pour voir de ses yeux ce qui allait arriver. Dès qu’ils y furent, le lendemain, la chèvre de nouveau se dirigea vers la grotte et se mit à donner de furieux coups de corne sur la roche qui en bouchait l’entrée. Aussitôt une voix très distincte dit :
Ouste, chèvre, va de là Ou la gale te dévorera `
Et va dire à mes père et mère :
Que Zalgoum dans la grotte se terre !
Le père aussitôt reconnut la voix. Il se précipita :
— Zalgoum, ma fille, où es-tu ?
J’étais ta fille, ta fille, dit Zalgoum, Tu étais mon père, mon père,
Mais maintenant tu es mon beau-père.
Il essaya en vain de la faire sortir de la grotte et revenir à la maison.
— Mais, au moins, montre-moi ta main, que j’y pose un baiser.
Il vit sortir la main par une fente de l’entrée, y porta ses lèvres, puis, ne pouvant rien obtenir d’autre, s’éloigna. (à suivre…)
Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri
12 février 2010
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