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2.La fille du charbonnier – Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

7 février 2010

1.Contes

Au coin de la cheminée
La fille du charbonnier (2e partie)

Résumé de la 1re partie : Le roi, amateur d’énigmes, en proposait quelquefois à ses sujets qui devaient les résoudre sous peine de perdre la vie. Le charbonnier, dont une des filles est renommée pour son intelligence, en trouve une…

Le charbonnier était perplexe : d’un côté il avait peur qu’en révélant l’existence et surtout l’intelligence de sa fille, le roi ne la soumît à de nouvelles et peut-être dangereuses épreuves, mais de l’autre il craignait que le roi, découvrant qu’il avait menti, ne tirât de lui un terrible châtiment. A la réflexion il jugea qu’il était préférable de dire la vérité :
— II est vrai, Sire, dit-il.
— Qui est-ce ?
— Une fille, dit le charbonnier évasivement.
— Une fille ? Alors je veux l’épouser.
Le charbonnier donna des signes d’affolement.
— Eh bien, s’écria le roi, qu’attends-tu pour me dire où se trouve cette fille ?
— C’est que, dit le charbonnier en bégayant… elle est trop jeune… et… de toute façon… indigne de vous.
— Indigne ?… la fille qui t’a tiré d’un si mauvais pas ?
— C’est que…
— Eh bien, quoi ?
Le charbonnier hésita, puis précipitamment :
— C’est ma fille !… Vous n’allez pas épouser la fille d’un charbonnier ?
— Si fait ! dit le roi. Tu diras à ta fille de se préparer. Je lui donne tout le temps… la valeur de mon arbre, ajouta-t-il en riant. Dans douze mois exactement, mes hommes viendront la chercher et je l’épouserai.
Le charbonnier, pensant que la dernière proposition du roi n’était que lubie de prince, s’en désintéressa et finit par l’oublier.
Mais douze mois jour pour jour après la réunion au palais, les hommes du roi se présentèrent avec une caravane chargée de cadeaux princiers. Leur maître les avait chargés de les remettre à sa fiancée et aussi de venir lui rapporter si la future reine était belle.
— Et surtout, avait-il dit, surtout écoutez bien ce qu’elle vous dira et venez me le redire exactement, ou sinon…
En cours de route les serviteurs avaient trouvé les présents du roi si abondants et si précieux qu’ils en avaient prélevé une partie pour eux-mêmes.
Ils ne virent en arrivant que les sept filles du charbonnier, dont six étaient occupées à se pomponner, à se farder et à se mirer dans les glaces. La septième s’affairait pour les recevoir dignement. Les serviteurs, ne voyant qu’elles à la maison, demandèrent :
— Où est votre père ?
— Il est allé mettre de l’eau dans de l’eau, dit la plus jeune.
Les serviteurs se regardèrent.
— Où est votre mère ?
— Elle est allée voir ce qu’elle n’a jamais vu.
— Vos frères ?
— Ils sont allés donner des coups et en recevoir. Les serviteurs du roi étaient effarés. Ils ne comprenaient rien aux paroles de la jeune fille ; certains se demandaient même si elle avait toute sa raison, mais ils se rappelèrent les ordres du roi et prirent soin de bien retenir tout ce qu’ils venaient d’entendre, afin de le rapporter fidèlement. Ils remirent alors les présents que leur maître leur avait confiés. (à suivre…)

Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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6 Réponses à “2.La fille du charbonnier – Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La fille du charbonnier (3e partie)

    Résumé de la 2e partie n Voulant épouser la fille qui a trouvé l’énigme, le roi lui envoie une caravane chargée de cadeaux. Il demande à ses serviteurs de bien écouter les propos de sa fiancée et de les lui rapporter fidèlement…

    Le père, la mère et les garçons, chacun de son côté, rentrèrent bientôt. Ils furent très étonnés de voir chez eux les hommes du roi, dont tout le monde avait oublié les recommandations. Heureusement la jeune fille avait déjà préparé pour ses parents et leurs hôtes le repas, qu’elle leur servit elle-même. Quand on arriva aux poulets, elle en prit un qu’elle découpa. A son père elle donna la tête, à sa mère le dos, à.ses sœurs les ailes, à ses frères la poitrine et aux serviteurs du roi… les pattes. Ceux-ci étaient de plus en plus intrigués, mais ils se gardèrent bien de le laisser paraître, de peur de mécontenter celle qui allait être bientôt leur reine.
    Quand ils furent sur le point de prendre congé, la jeune fille se tourna vers le chef des serviteurs et lui dit :
    — Quand vous serez retournés auprès de votre maître, vous lui présenterez mes respects et en même temps, n’oubliez pas, je vous prie, de lui rapporter exactement ce que je vais vous dire. Dites-lui qu’il manque des étoiles au ciel, de l’eau à la mer et à la perdrix du duvet.
    Les serviteurs n’en revenaient pas. Ils répétèrent néanmoins plusieurs fois les paroles de la jeune fille afin de les retenir et de les répéter au roi.
    Ils trouvèrent leur maître impatient de les revoir.
    — Vite ! dit-il. Redites-moi tout et prenez garde de ne rien oublier.
    Ils racontèrent tout par le menu, veillant à ne rien laisser paraître de leur surprise, pour ne pas indisposer le roi.
    — Quand nous avons demandé où étaient son père, sa mère et ses frères, elle a dit que le premier était allé mettre de l’eau dans de l’eau, la seconde voir ce qu’elle n’avait jamais vu et les derniers donner des coups et en recevoir.
    — Sire, ajouta le chef des serviteurs, nous vous rapportons très exactement les paroles de la jeune fille.
    — Elles sont claires, dit le roi.
    Les serviteurs restèrent bouche bée.
    — La mère, reprit le roi, est allée assister une femme en couches. Elle allait donc voir un enfant qu’elle n’avait jamais vu jusque-là.
    — C’est ce qu’elle a dit en rentrant, dit le chef des serviteurs, médusé.
    — Le père, continua le roi, est allé dévier l’eau de la rivière pour actionner la roue de son moulin. L’eau, une fois sortie du moulin, retourne évidemment à la rivière. Le meunier a donc réintroduit de l’eau dans de l’eau.
    — Exactement ! s’écrièrent deux ou trois serviteurs en même temps.
    — Quant aux jeunes frères, ils sont sortis sur la place jouer au pugilat avec les garçons de leur âge.
    Les serviteurs, émerveillés, convinrent que cela aussi était vrai.
    — II y a encore autre chose, dit le chef des serviteurs.
    — Et quoi ?
    Il raconta l’étrange partage du poulet.
    — C’est un poulet très bien partagé, dit le roi.
    — Assurément, mais, Sire, nous n’avons rien compris.
    — Rien de plus facile, dit le roi. A son père la jeune fille a donné la tête, car il est la tête de la famille, à sa mère le dos car c’est sur elle que repose le poids de toute la maison, à ses frères la poitrine parce qu’ils en sont le rempart et les défenseurs, à ses sœurs les ailes car elles doivent un jour prendre mari et s’envoler, et à vous les pattes car sur vos pieds vous êtes allés jusqu’à elle et sur vos pieds vous deviez repartir. (à suivre…)

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  2. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La fille du charbonnier (4e partie)

    Résumé de la 3e partie n La jeune fille s’adresse au chef des serviteurs auquel elle demande de rapporter ses dires au roi : qu’il manque des étoiles au ciel, de l’eau à la mer et à la perdrix du duvet.

    Les serviteurs étaient admiratifs et se félicitaient que la jeune fille, du moins, n’ôte pas remarqué les larcins qu’ils avaient faits sur les cadeaux qui lui étaient destinés.
    — C’est tout ? demanda le roi.
    — Il y a une dernière chose, dit le chef des serviteurs. Avant de nous donner congé, la jeune fille nous a enjoints de vous répéter ses paroles exactement.
    — Lesquelles ?
    — Elle a dit de vous dire qu’au ciel il manquait des étoiles, à la mer de l’eau et à la perdrix du duvet.
    — Misérables ! s’écria le roi. Qu’avez-vous fait de mes présents ?
    Le chef des serviteurs devint blême.
    — Nous les avons remis, dit-il.
    — Vous avez tout remis ? cria le roi.
    Les serviteurs, se voyant pris, se prosternèrent dans la poussière pour demander pardon à leur maître.
    — En prélevant des émaux sur les bijoux de la jeune fille, dit le roi, vous avez enlevé à son ciel des étoiles. En prenant une partie des parfums, vous avez puisé de l’eau dans la mer. En vous appropriant des étoffes d’or et de soie, vous avez dénudé de duvet ma colombe !… Debout ! dit-il. Je ne veux pas ternir de votre châtiment le souvenir de ce jour.
    Et il leur pardonna.
    Peu de temps après, le roi célébra son mariage. Les fêtes durèrent sept jours et sept nuits. Le charbonnier vit sa condition changer du jour au lendemain. II avait peine à croire au miracle qui faisait de lui le père de la reine. Le roi, quant à lui, était tout à la joie d’avoir dans son palais une épouse qui pourrait lui donner la réplique et jouer à armes égales avec lui au jeu des énigmes et des propos allégoriques. Mais en même temps, il appréhendait qu’un jour la reine ne finît par avoir sur lui le dessus. Aussi la mit-il en garde dès le premier soir :
    — Je sais que de tous les hommes, de toutes les femmes qui habitent mon royaume, tu es la seule à pouvoir, le cas échéant, me damer le pion. Mais je t’avertis : je suis le roi et jamais je n’admettrai que ta parole ait barre sur la mienne, en quelque occasion que ce soit. Si cela devait arriver un jour, rappelle-toi bien : ce jour-là sera le dernier que tu auras passé ici, car tu sortiras de ce palais pour n’y plus jamais revenir.
    — Je m’en souviendrai, dit-elle.
    A quelque temps de là, la reine, étant sortie prendre le frais sur une des hautes terrasses du palais, entendit la conversation des deux hommes qu’elle ne voyait pas dans la rue. L’un d’eux contait à l’autre sa dernière mésaventure :
    — Je viens, lui disait-il, d’arriver dans cette ville, où je suis étranger. J’y venais monté sur un jeune poulain que je venais d’acheter. En chemin, j’ai rattrapé un homme qui lui-même se dirigeait ici sur sa mule et nous avons fait route ensemble plusieurs jours. Pendant tout ce temps, il n’a pas cessé de prodiguer ses soins à mon poulain et à sa mule, il les a tellement familiarisés l’un à l’autre qu’à la fin les deux animaux ne pouvaient plus se quitter. En arrivant devant la porte de la ville, il me dit qu’il était très fatigué par le long voyage que nous venions d’accomplir et me demanda de rentrer dans la cité chercher des logements, pendant qu’il resterait là pour garder nos montures. J’y allai et trouvai deux maisons, fort convenables et de plus, contiguës. (à suivre…)

    Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

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  3. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La fille du charbonnier (5e partie)

    Résumé de la 4e partie n Le roi épousa la jeune fille, mais il l’avertit qu’il est le roi et jamais il n’admettrait que sa parole ne prenne le dessus sur la sienne, sinon…

    «Je revenais, tout heureux d’annoncer à mon compagnon la bonne nouvelle, mais, à mon grand étonnement, à l’endroit où je l’avais laissé il n’y avait personne. J’appelai, cherchai partout dans les environs, mais en vain. Il était parti, emportant les bêtes avec lui.
    « Je rentrai en ville, fort contrarié, car j’étais à court d’argent. Je comptais sur la revente de mon poulain pour m’en procurer un peu, en attendant d’en gagner assez pour pouvoir demeurer là quelque temps. Je passai la nuit à remuer dans mon esprit les différents moyens de pourvoir à ma subsistance. Au matin je sortis sur la place où je comptais me renseigner. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’y vis mon homme, qui y déambulait avec sa mule et… mon poulain, que déjà il mettait en vente.
    J’allai à lui et lui demandai pourquoi il n’avait pas attendu mon retour la veille à la porte de la ville. Je le priai en même temps de me restituer mon poulain.
    «Je ne sais pas de quoi vous parlez, me dit-il. Ce poulain est né de la mule que vous voyez ici et tous les. deux sont à moi.
    «J’eus beau lui rappeler tous les événements de ces derniers jours que nous avions passés ensemble, il. continua de soutenir qu’il ne me connaissait pas et que, de toute façon, le poulain que je réclamais était le rejeton de sa mule, et donc à lui. Il prenait à témoin le groupe de badauds qui grossissait autour de nous et qu’il finit par convaincre que j’étais un escroc qui en voulait à son bien.
    — Il fallait l’assigner en justice, dit l’homme à qui le premier s’adressait.
    — J’en sors.
    — Et où est le poulain ?
    — Avec mon compagnon, car il a gagné le procès.
    — Est-ce possible ?
    —  Tout à fait, dit l’homme. Pourtant j’étais sûr de mon fait, quand nous nous sommes présentés au tribunal. J’ai exposé ma requête et le roi a demandé à mon adversaire de présenter sa défense. L’autre, qui, je m’en suis aperçu trop tard, était un grand fourbe, se fit tout humble et soumis. Il dit qu’il s’en remettait entièrement à la justice du roi, qu’il comprenait fort bien qu’un étranger qui arrivait sans ressources et pour la première fois dans la ville, usât de tous les expédients pour s’en procurer, mais qu’il ne tenait pas à être, lui, la victime de pareils agissements. «Heureusement, dit-il, votre justice est là pour défendre les innocents contre les menées des aigrefins. Je n’ai jamais vu cet homme avant ce jour-ci. La mule et le poulain, la mère et le fils, sont à moi. Je les ai acquis honnêtement, avec mes deniers, afin de me rendre en votre ville, où je savais pouvoir commercer librement, sous la protection de vos justes lois, reconnues jusque chez vos ennemis.»
    «— Vous n’avez pas de témoin ni l’un ni l’autre ? dit le roi.
    «— Non, dit mon bon compagnon, mais, Sire, si votre bonté permet que j’avance une suggestion, il y a peut-être un moyen de trancher.
    — Lequel ? demanda le roi.
    J’en demande d’avance pardon à Votre Majesté. Mais qu’on fasse venir devant elle les deux animaux l’un après l’autre. (à suivre…)

    Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

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  4. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La fille du charbonnier (6e partie)

    Résumé de la 5e partie n L’étranger raconte, furieux, comment il vient de perdre son procès et par la même son poulain…

    Puis qu’on lâche le poulain : s’il va vers cet homme, c’est qu’il lui appartient, j’ai menti et je suis prêt à subir le châtiment que votre justice jugera bon de m’infliger. Mais, si le poulain va vers la mule, alors je pense que la cause est entendue et je demande que justice me soit rendue.
    «Il parla ainsi parce qu’il savait que, pendant tout le temps qu’avait duré notre voyage de compagnie, il avait tout fait pour habituer les deux animaux l’un à l’autre et les rendre inséparables. Mais le roi n’avait pas d’autre moyen de décider. Il donna l’ordre d’amener les deux montures et ce qui devait arriver arriva : dès que le poulain eut vu la mule, il courut vers elle en gambadant et tous les deux commencèrent à se mordre et à se pourlécher.
    «Les conseillers du roi, le roi lui-même se sont mis à rire. Ils ont attribué le poulain au bon apôtre qui, pendant toute cette scène, se tenait modestement dans un coin, pendant que j’enrageais. J’ai été de plus condamné à payer une forte amende, qui m’a délesté du peu d’argent qui me restait encore, si bien que me voilà étranger, seul et à peu près complètement démuni, dans cette ville où de surcroît je ne connais personne.
    A mesure que l’homme déroulait les péripéties de sa malheureuse aventure, le cœur de la reine se soulevait d’indignation. Aussi, dès qu’il eut fini, s’approcha-t-elle du bord de la terrasse et l’interpella-t-elle :
    — Tout n’est pas perdu, étranger.
    Les deux hommes levèrent la tête en même temps pour voir d’où venait la voix, mais ils ne virent rien.
    —  Vous n’avez pas besoin de me voir, dit la reine, l’essentiel est que vous m’entendiez et que vous vous conformiez très exactement à ce que je vais vous dire.
    — Mais l’affaire a été jugée, dit l’étranger.
    — Qu’importe ? La bonne foi du roi a été surprise, car tu n’as pas su défendre ta cause.
    — Comment le saurais-je davantage une autre fois ?
    — En faisant ce que je vais te dire.
    L’étranger ne demandait pas mieux que de croire cette voix qui descendait du ciel, car, après le paiement de son amende, il était réduit à la dernière extrémité.
    — Vous me sauveriez la vie, dit-il.
    — Demain, dit la reine, tu vas te présenter de nouveau au tribunal du roi. Il te demandera ce que tu veux encore et tu lui diras : «Sire, j’ai planté près de la rivière un carré de fèves. Mais les poissons sont sortis et me l’ont mangé.» Il te dira : «Tu es un imposteur, car tu sais bien ce que l’on dit, que le jour où les poissons sortiront de l’eau ce sera la fin du monde.» Alors tu lui répondras : «Il est vrai, Sire, mais ne dit-on pas aussi que le jour où les mules auront des poulains le monde sera détruit ?»
    L’étranger était transporté de joie. Il chercha à voir celle qui lui parlait ainsi, pour l’assurer de sa gratitude, mais elle avait disparu.
    Le lendemain il se présenta dès l’aube devant le tribunal et attendit patiemment que le roi sortît de ses appartements pour rendre la justice. Celui-ci, en effet, ne tarda pas, mais, dès qu’il l’eut vu, oubliant les autres plaignants, il s’adressa directement à lui. (à suivre…)

    Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

    Histoires vraies
    Toute la fortune de l’Angleterre (4e partie)

    Résumé de la 3e partie n Sir Kingsley confie à Graig la mission de transporter les richesses du Royaume-Uni au Canada…

    Le chargement à bord de «l’Emerald» commence. Dès le début, les marins font des réflexions devant le poids inimaginable de ces caisses qui ne font pas plus de quarante centimètres de long et qui sont étiquetées «Poisson». Il faut bien leur dire quelque chose. Alexander Craig s’adresse à l’officier responsable des opérations :
    — Il s’agit de matériel de guerre très très secret. Je compte sur vos hommes pour garder le silence.
    — Entendu, monsieur. Personne ne parlera.
    Le chargement est long et difficile, car il ne se limite pas à un simple problème de manutention. Un navire de guerre comme «l’Emerald» est normalement étudié pour ne transporter que son carburant, ses munitions et les équipements dont il a besoin. Une cargaison d’un tel poids risque de modifier son centre de gravité et de le rendre vulnérable en cas de tempête, ainsi que de modifier la ligne de tir des canons. Il faut donc répartir les caisses le plus également possible. On en met un peu partout : dans les cales, dans les coursives, dans l’infirmerie, dans le mess et même dans les cabines du commandant Flynt et d’Alexander. Tout cela, évidemment, multiplie les risques d’indiscrétion, même si l’on peut faire confiance aux marins de Sa Majesté.
    23 juin 1940, minuit. Tous feux éteints, le croiseur «Emerald» quitte la rade de Greenock. Au poste de commandement, Flynt échange ses impressions avec Alexander. Il n’est guère optimiste.
    — La chose s’annonce mal. Le radio vient de m’avertir que les Allemands diffusent un message depuis Brest : «Nous savons que vous préparez un convoi. Nos sous-marins vous attendent !»
    — Il s’agit peut-être d’intoxication.
    — Peut-être. Mais la menace ne peut pas être prise à la légère. Les Allemands ont coulé 350 000 tonnes de navires marchands le mois dernier.
    — Vous m’avez dit que deux destroyers anti-sous-marins nous rejoindraient en pleine mer.
    — Oui, mais pourront-ils rester ? On annonce une très sérieuse tempête.
    Une tempête… Alexander Craig fait une grimace de contrariété. Jusqu’à présent, son seul contact avec la mer se limitait à un bain de pieds dans la station balnéaire de Brighton. Il n’avait jamais voulu se rendre en France, de peur d’avoir le mal de mer en traversant le Channel. Mais, comme on dit, à la guerre comme à la guerre !
    La météo ne s’était pas trompée. Alors que «l’Emerald» vient de dépasser l’Irlande la tempête se lève d’un coup. Elle est si violente que malgré sa masse le croiseur est ballotté en tous sens. S’il parvient tout de même à garder son cap et sa vitesse, il n’en est pas de même des deux destroyers qui l’accompagnent. Ils sont beaucoup plus petits et ils doivent réduire considérablement l’allure pour ne pas couler. Sans eux, «l’Emerald» serait sans protection contre les sous-marins, car ceux-ci sont en dessous du mauvais temps et ils peuvent parfaitement envoyer leurs torpilles. Alors, pour rester à leur hauteur, il fait des zigzags au milieu des vagues gigantesques.
    Alexander Craig, lui, n’a pas le temps de se préoccuper des sous-marins : il ne pense qu’à ses caisses. Et il a du souci à se faire. La tempête a rompu les amarres de plusieurs d’entre elles. (à suivre…)

    D’après Pierre Bellemare

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La fille du charbonnier (7e partie)

    Résumé de la 6e partie n Sur conseil de la reine qui lui a dit qu’une mule ne peut mettre bas un poulain, l’étranger se rend chez le roi pour contester sa décision…

    Encore toi ? cria-t-il. J’ai déjà jugé ton cas hier et tu as été condamné.
    Puis, se tournant vers ses serviteurs :
    — Qu’on lui donne vingt coups de fouet, pour oser se représenter devant le tribunal après justice rendue.
    — Sire, s’écria l’étranger, je demande grâce à Votre Majesté, car ce n’est pas pour l’affaire d’hier que je viens.
    — C’est pour une autre ? Mais… tu es un mauvais coucheur… Que t’est-il encore arrivé ?
    — Sire, vous me voyez réduit à la dernière extrémité, car j’avais planté un carré de fèves près de la rivière. Le moment venu de les récolter, des poissons sont sortis de l’eau et les ont toutes mangées. Sire, je n’avais rien d’autre et je viens porter plainte devant votre justice.
    Le roi se tourna vers son conseil :
    — Que vous semble de ce cas ?
    Après délibération, les conseillers décidèrent qu’il fallait tendre un filet dans la rivière pour attraper les poissons voleurs. Le roi aussitôt s’adressa à ses gardes :
    — Qu’on arrête tout le monde, le plaignant et les conseillers. Comme les gardes ne comprenaient pas et hésitaient à arrêter les vénérables conseillers du royaume, le roi leur dit :
    — Cet homme prétend que des poissons sont sortis de la rivière pour lui manger ses fèves ; mes conseillers, quand j’en réfère à eux, ne trouvent rien d’autre à me recommander que de tendre un filet pour les attraper. Avez-vous oublié ce que l’on dit ?
    Les gardes et les conseillers restaient muets.
    — Ne dit-on pas, continua le roi, que, le jour où les poissons sortiront de l’eau, ce sera la fin du monde ?
    L’homme aussitôt se précipita pour embrasser les genoux du roi et implorer son pardon.
    — Il est vrai, Sire, dit-il, on dit cela des poissons, mais Sire, de grâce, ne dit-on pas aussi que, le jour où les mules auront des poulains, les temps seront révolus ?
    Le roi sursauta comme si on l’éveillait d’un mauvais rêve. Il passa sa main sur son front.
    — Il est vrai, je l’avais oublié et je te remercie, étranger, de m’en avoir fait souvenir. Mais pourquoi ne me l’avoir pas rappelé dès hier ?
    — C’est seulement cette nuit que je m’en suis avisé.
    Le roi regarda le plaignant et douta qu’il eût pu imaginer le stratagème qui lui avait permis de rétablir la vérité et de gagner son procès :
    — Mais, dit-il, l’histoire des poissons et de ton champ de fèves, tu ne l’as pas trouvée tout seul ? L’homme jugea préférable de ne pas cacher la vérité au roi :
    — Sire, une voix du ciel me l’a inspirée.
    — Du ciel ? cria le roi. Te rends-tu compte, étranger, que tu es en train de blasphémer ? Prétendrais-tu par hasard que le ciel t’a élu pour communiquer avec toi ?.
    — Loin de moi cette impudence, dit l’homme, mais j’ai dit la vérité. Du reste je n’étais pas seul et si vous me donnez permission d’aller dans la ville, je vous amènerai l’homme qui était avec moi, quand la voix nous est parvenue. -
    — Où étiez-vous ? demanda le roi.
    L’homme indiqua l’endroit et dit que la voix semblait sortir des terrasses qui dominaient la place. (à suivre…)

    Contes berbères de Kabylie Mouloud Mammeri

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