Vie chère et dépenses excessives
Une autre facette du paradoxe algérien
Par Imaad Zoheir
Caractère :C’est connu, l’Algérien est un râleur invétéré. Il n’est jamais content de son sort et sans doute, ne le sera jamais.
Il trouve, par exemple, que les factures d’électricité sont salées et que le courant reste encore trop cher, il trouve que l’eau est inabordable, que les locations d’appartements sont hors de prix que le carburant n’est pas donné, il râle contre Algérie Télécom dont les relevés sont exorbitants, il fulmine contre les concessionnaires automobiles qui affichent pour n’importe quelle cylindrée en exposition des tarifs hors de portée de n’importe quelle bourse. Et quand il lui arrive de faire son marché à la place de son épouse, il n’a pas de mots assez durs pour dire tout le mal qu’il pense des mandataires, des grossistes, des fellahs, des détaillants, des commerçants, des producteurs…Il dit à qui veut l’entendre qu’il trime pour boucler des fins de mois difficiles et fait croire à tout le monde, parfois à tort, parfois à raison, qu’il se bat comme un beau diable pour arrondir ses fins de mois. Il faut bien le reconnaître : il y a dans son discours quelques vérités qu’on ne peut occulter. Parce que être citoyen aujourd’hui et citoyen responsable n’est pas de tout repos. D’abord, les salaires, à quelques spécificités près, sont en général gelés.
Et lorsqu’il leur arrive exceptionnellement de prendre les escaliers, les prix, eux, ont plutôt tendance à prendre l’ascenseur. Tout le monde l’a constaté, tout est hors de portée aujourd’hui ou presque. Et, bien sûr, les petits salaires sont les premières victimes d’une inflation que personne ne peut juguler.
Et encore moins les économistes dont les orientations ont été, jusqu’à preuve du contraire, totalement inefficaces. Les petites bourses, bien sûr, n’ont eu que faire des «conseilleurs» et de l’incurie de leur système, ils ne désirent qu’une seule chose : améliorer leur sort et mettre fin à une précarité souvent synonyme de pauvreté. Alors pour sortir la tête de l’eau, les uns et les autres jonglent avec les crédits, les dettes, les prêts, les hypothèques, les traites, réalisent quelquefois une petite «affaire» parallèlement à leur job habituel, prêtent assistance ici pour quelques dinars (le fameux café) rendent service là-bas, interviennent, bref essaient de se rendre utiles en toute bonne foi en espérant au bout de leur peine quelque menu bakchich qui met, en général, un peu de beurre dans les épinards.
Certains pères de famille très courageux n’hésitent pas, en ces temps de disette, à s’occuper dans une seconde activité comme doubleur de taxi, revendeur de voitures d’occasion ou carrément comme clandestin.
Les opportunités ne manquent pas. Il suffit d’être robuste et patient…
I.Z.
6 février 2010 à 23 11 29 02292
Donner vie à ses envies
Changement n Après avoir longtemps été sevré des plaisirs de l’abondance et des papilles pour raison d’hygiène socialiste, l’Algérien réapprend, peu à peu, à vivre et même à très bien vivre.
Au point qu’il n’y a pas un couple dans nos villes ou dans nos villages qui n’a pas le nécessaire à la maison, c’est-à-dire l’essentiel plus quelques babioles. Nous ne citerons que les plus importants comme le réfrigérateur, la télévision et la machine à laver. 80% d’entre eux possèdent des postes radio à pile, un second téléviseur et pour certains un micro-ordinateur.
Et nous ne parlons pas des petites machines qui facilitent tellement la vie des femmes d’intérieur comme le mixeur, l’ouvre-boîte électrique, etc.
C’est vrai que les nouvelles dispositions du crédit et les procédés d’accès extrêmement facilités encouragent les Algériens à consommer toujours plus et à s’endetter davantage…
Au comptant ou à crédit, comme c’est la grande tendance actuellement, l’Algérien veut tout ce qui se présente sur le marché. Il fait la queue pour n’importe quel article qui suscite l’engouement, il fait la queue même s’il ne sait pas ce qu’il y a au bout de cette chaîne, il fait la queue pour ne pas être en reste, pour faire partie des «merguine» des «kafzine» de ceux qui ne s’en laissent pas compter et qui ont décidé de faire comme tout le monde de ne rien rater, de ne rien négliger, ni de laisser décider pour eux.
A tort ou à raison, les Algériens ont toujours eu l’impression d’avoir été bernés une fois et donc n’ont pas l’intention de se faire avoir encore. En fait, nous assistons aujourd’hui à un curieux phénomène où l’argent n’a qu’un prix relatif.
Et cela pour une raison très simple : les ménages à quelques rares exceptions, ne dressent pratiquement jamais de budget de fonctionnement. Ils dépensent au fur et à mesure de leurs besoins, c’est-à-dire au jour le jour.
Et lorsque arrive un gros pépin sans prévenir, ils font automatiquement appel au système «D», c’est-à-dire emprunter chez la famille, mettre au clou quelques bijoux de famille ou vendre la petite parcelle en friche léguée par les défunts parents au bled. C’est comme cela d’ailleurs que l’Algérien arrive à se sortir des situations financières difficiles pour faire comme tout le monde.
Pour l’Aïd el-adha par exemple, il achètera autant que faire se peut, le plus gros, le plus costaud et le plus robuste mouton…. Pour la voiture, il vendra sa vieille guimbarde pour acquérir, au terme d’un véritable parcours du combattant administratif et bancaire, la plus récente des «caisses» sur le marché. L’Algérien est en train de changer de mentalité, de façon de vivre, s’endette et finit comme tous les consommateurs du monde à travailler pour payer ses dettes. Ce qui ne semble pas le déranger dans la mesure où il a donné vie à ses envies…
I. Z.
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6 février 2010 à 23 11 29 02292
Vivre au-dessus de ses dettes
Conception n Pour le système socialiste, contrairement à ce que l’on a toujours prétendu, nous étions des bouches à nourrir. Sans plus.
Avec le libéralisme débridé que nous traversons au milieu des turbulences des marchés, nous sommes devenus des foyers à équiper. Par tous les moyens, la promo, la réclame, la pub, le crédit à la consommation, le crédit confort, le porte-à-porte, le démarchage, les annonces télés, les cadeaux à domicile, bref rien n’est trop beau pour séduire un pays dont le pactole destiné à l’investissement s’élève à plus de 100 milliards de dollars.
De manière générale et quelle que soit sa position financière surtout quand elle vire au rouge au niveau de sa banque, l’Algérien vit quelques degrés au-dessus de sa condition.
Et dans 90% des cas à cause (ou grâce) à leurs épouses qui tiennent absolument à garder le standing devant les voisins, à faire figure devant les étrangers et donner ainsi l’impression de familles soudées, à l’abri, loin du besoin. D’ailleurs, dans le dispatching du budget – quand il y a un dispatching car ce n’est pas toujours le cas –, le dernier mot revient toujours à l’épouse, qu’elle travaille ou qu’elle soit femme au foyer. C’est, du reste, sous leur pression que nos mariages sont de plus en plus chers et même parfois hors de prix. Normal, pour la dot de leur fille, elles exigent ce qu’il y a de plus cher et de plus chic sur le marché. Que ce soit les bijoux, les robes de soirée ou la literie. Sur ce plan, les mamans ont horreur de bâcler le mariage de leur fille et aucune étiquette de magasin ne les décourage. Elles refusent de solder le plus beau jour de leur rejeton. C’est la raison pour laquelle elles dépensent sans compter. Dans certaines familles de Tlemcen et de Mostaganem, cette dot est amassée sou après sou dès la naissance de la fille, pour amortir le «choc» et le «poids» d’une telle dépense tout au long des années. Dans d’autres, très peu prévoyantes au demeurant, les parents préfèrent la politique de la cigale à celle de la fourmi.
Et, bien sûr, les frais engagés dans pareille opération font fondre, en quelques jours d’emplette, les économies d’une vie quand ils ne se font pas endetter. Et c’est ainsi que des mamans mettent à plat la bourse de leurs maris.
Mais il faut leur reconnaître une qualité ces maris ! Ils ont d’autres cordes à leur arc. La palette de leur système «D» est sans limite, et ils retombent toujours sur leurs pattes. Criblé souvent par ces dettes nuptiales et les crédits, l’Algérien fait chaque mois des acrobaties pour payer les factures les plus urgentes. Cela, bien sûr, ne l’empêche pas de dormir et même de ronfler grassement au lit tous les matins, ni même de manger ou de rire. Quels que soient le fardeau de cette dette et la façon avec laquelle il s’en acquitte, l’Algérien a désormais pris goût aux délices de la consommation tous azimuts. Il ne reviendra pas en arrière. Il ne reviendra plus en arrière. Son sort est scellé.
Mystère… n Encore une pièce à verser au débat concernant la relation de l’Algérien et de l’argent. Comment expliquer, par exemple, que dans des foyers extrêmement modestes, le père et la mère font chaque année une omra aux lieux Saints de l’islam et se paient parfois même un pèlerinage. Et pourtant, ces familles ne roulent pas sur l’or tous les jours. Pour ce cas d’espèce comme pour d’autres, il semblerait que l’apport financier des émigrés ne soit pas totalement étranger au phénomène. Mais personne n’a jamais pu quantifier cet apport à l’échelle nationale.
I. Z.
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6 février 2010 à 23 11 30 02302
Un exercice périlleux
Mystère n Nous ne savons pas avec précision comment l’Algérien moyen gère son budget ni à quel point il se suffit à lui-même, c’est-à-dire sans l’apport d’un tiers.
Ce que nous savons, en revanche, avec certitude c’est qu’il ne se prive de rien. Il achète à tire-larigot tout ce qu’on lui propose surtout quand c’est à crédit, car la formule et assez nouvelle pour lui. Elle séduit tout le monde. Exit les paiements cash qui bloqueraient les meilleures volontés du monde. En fait, le rapport de l’Algérien avec l’argent est assez ambigu, complexé même et, à certains grades, indéfinissable. Sur ce plan, son comportement est vraiment curieux selon qu’il soit riche et aisé ou selon qu’il soit pauvre et sans le sou.
En période d’opulence, quand ses poches sont pleines et son compte bien garni, l’Algérien adore en général le montrer, ne serait-ce que par des «petits» signes extérieurs qui en disent long sur le volume de son bas de laine : la réfection de fond en comble de sa villa par exemple, l’acquisition d’une cylindrée plus récente et plus puissante et quelquefois même le changement d’épouse.
Quelques-uns parmi ces nantis, en revanche, restent étonnamment discrets sur leur fortune, surtout quand son origine est contestable. Ils changent rarement de voitures, ne font pas de «folies» inutiles et encore moins de frasques, mais investissent en secret ailleurs que dans leur commune d’origine. d’ouater sont «gênés» à l’évidence de porter la «croix des riches». Par pudeur ou par tactique, ils évitent tout signe ostentatoire qui trahirait leur origine et leur richesse.
Ils s’habillent simplement, parfois même humblement et marchent en rasant presque les murs. Ils sont discrets, et répugnent littéralement à faire étalage de leur opulence. Autant nous comprenons parfaitement les soucis des uns qui veulent paraître, pour que tout le monde le sache, qu’ils roulent sur de l’or et qu’ils font partie désormais des nantis et des autres qui, au contraire, voudraient rester dans l’anonymat, ne pas attirer l’attention autant nous ne comprenons pas la volonté affichée de ceux qui ne possèdent rien, du moins une partie d’entre eux, de vouloir briller par tous les moyens pour faire croire aux autres qu’ils sont au-dessus du besoin.
Quelques-uns vont même jusqu’à louer des voitures aux agences touristiques pour pouvoir accompagner leur épouse au bled et passer ainsi pour un petit bourgeois qui a réussi dans les affaires.
d’ouater s’endettent gravement et prennent des risques financiers énormes en habillant tous leurs enfants des marques les plus prestigieuses de Paris. Et comme l’euro prend à chaque fois de la hauteur avec des taux de change impossibles, ils finissent par payer cher leur folle envie de se démontrer. Cacher sa misère n’est pas blâmable, mais vouloir paraître riche à tout prix reste un exercice périlleux.
I. Z.
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