Au coin de la cheminée
La patience
Deux jeunes rois, dont les royaumes respectifs s’étendaient de part et d’autre du fleuve, étaient amis et se rencontraient souvent.
Un jour où ils festoyaient, l’un d’eux déclara :
— Nous sommes encore célibataires. Nous devrions songer à nous marier.
— Oui, répondit l’autre.
— Tu as une sœur qui est très belle, déclara le premier. Accepterais-tu de me la donner ?
— Oui, mais à condition que tu m’accordes la main de ta propre sœur.
C’est ainsi que les deux rois devinrent beaux-frères. Ils l’étaient à double titre, puisque chacun d’eux avait épousé la sœur de l’autre.
Peu de temps après leurs mariages, les deux amis décidèrent que le premier qui aurait un fils recevrait de l’autre trois lions en or.
Le temps passa. Et un matin, l’épouse du premier roi mit au monde une fille. Au même moment, naissait un prince de l’autre côté du fleuve.
Le premier roi dut s’endetter pour réunir l’or nécessaire à la fabrication des trois lions. Lorsqu’ils furent prêts, il alla les remettre à son ami. Ce fut l’occasion de longues réjouissances.
Les deux rois continuaient de se voir chaque semaine. Leurs enfants grandissaient. Toutes les fois que le père de la princesse demandait à son ami des nouvelles de son fils, celui-ci répondait en plaisantant :
— Le prince vaut trois lions d’or. Et ta fille ?
— La princesse grandit, répondait l’autre invariablement.
Quelques années plus tard, le père du prince dit à son ami :
— Accepterais-tu que nos deux enfants se marient ensemble ?
— Oui, dit le père de la princesse. Mais quel est le montant de la dot ?
— Choisis toi-même !
— La princesse vaut trois lions d’or.
— Très bien, dit le père du prince.
Il se leva alors et serra la main de son ami afin de sceller leur accord. Puis il le prit familièrement par le bras en ajoutant :
— Tu es l’homme le plus patient que je connaisse. Tu as su attendre le temps qu’il fallait pour récupérer ton or.
Contes du Niger Jean Muzi
5 février 2010
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