Face aux dépassements et abus de l’administration
Les Algériens connaissent-ils leurs droits ?
Par Imaad Zoheir
Dérive : Passion, orgueil jusqu’au-boutisme, l’infantilisme des premières années de l’indépendance n’a, heureusement, pas laissé de stigmates profonds.
Il a laissé à peine quelques traces, vite oubliées et dont on rit de bon cœur aujourd’hui. C’était, souvenez-vous, la confusion totale des genres et des natures, des droits et des devoirs, des compétences suspectes et des patriotismes lourdement affichés.
C’est vrai qu’il n’y avait ni texte ni loi et encore moins de Constitution pour canaliser tous les abus et tous les dépassement commis, naïvement, au nom de la République et pis, au nom de la Révolution. Chaque responsable en poste avait sa petite «loi» derrière la tête et il l’appliquait quand bon lui semblait.
Un sous-préfet (le corps des chefs de daïra n’était pas encore né) régnait dans son fief de manière presque absolue. Il pouvait, par exemple, loger et déloger qui il voulait et donner de la promotion à qui il voulait.
Il n’avait de comptes à rendre ni à la justice ni à sa tutelle qui avait d’autres chats à fouetter. Un chef de kasma pouvait convoquer n’importe quel citoyen pour lui demander des comptes, il pouvait même intervenir dans les colonnes d’un journal au nom du parti FLN.
Il y a eu malheureusement pire : dans une grande ville du pays, un commissaire du parti, membre du comité culturel, s’est carrément substitué aux services de police et a, d’autorité, fermé des bars au centre-ville. Et en ces temps troubles, un fonctionnaire surpris en train de consommer de l’alcool a été immédiatement renvoyé de son administration. On a vu, dans cette même ville, un préfet fermer une salle de cinéma pour l’affecter à un commerçant. Mais le comble est venu de ce préfet qui s’était mis en tête de purifier les mœurs en faisant des barrages routiers pour débusquer les couples illégitimes.
Tous ces abus d’un autre âge, tous ces dépassements ridicules n’ont été possibles que parce que l’Etat était absent, en fait, il n’y avait pas d’Etat au sens moderne et juridique du terme. Le pays, au lendemain de l’indépendance, était dirigé par une poignée d’hommes qui sortaient d’une longue guerre de Libération nationale, qui avaient d’autres soucis en tête et qui affrontaient tous les problèmes en même temps. Voilà pour les pouvoirs publics.
Au niveau des quelques institutions encore embryonnaires, ce n’était pas non plus la joie. A la banque par exemple, on ne pouvait obtenir de crédits… que si l’on était fortement recommandé et chaperonné par un client solvable et sérieux qui en garantissait le remboursement. Au bureau de poste, on ne pouvait envoyer un mandat de plus de 10 000 anciens francs à l’étranger. Il fallait signer un formulaire dans lequel on jurait qu’on n’avait pas envoyé de mandats semblables par d’autres bureaux de poste. Bref c’était, ici et là, la grande vadrouille mais ô combien compréhensible.
PV d’huissier l L’état de nos routes est pour 60% dans la dégradation de nos véhicules. Certains nids-de-poule sont carrément des crevasses et pourraient même, en cas de pluie, créer des écosystèmes avec peut-être à la clef, plus tard, un morceau de récif corallien. Il existe dans nos grandes villes des avenues qui n’ont d’avenue que le nom. Celles-ci sont impraticables et lézardées dans tous les sens. Sur ces pistes, les véhicules sont si malmenés que quelques-uns s’immobilisent immédiatement. Un P-V d’huissier ferait peut-être réfléchir les élus.
I. Z.
5 février 2010 à 12 12 21 02212
La loi, rien que la loi
Evolution n Ce qui était valable et excusable au moment de l’indépendance, n’a plus cours aujourd’hui.
Les situations se sont clarifiées et les choses décantées avec le temps et surtout avec les nombreux arsenaux juridiques et statutaires qui ont vu le jour, au fur et à mesure que les problèmes se présentaient dans notre pays.
A moins d’être tombé sur la tête, il ne viendrait à l’esprit d’aucun wali en poste actuellement, de transformer une salle de cinéma en magasin de textile, un consulat en villa privée, et à aucun responsable de dresser des barrages et de se substituer à la police pour arrêter des couples illégitimes.
Ces abus d’un autre âge sont dépassés aujourd’hui et s’il y a de temps à autre des ratés dans la machine de l’Etat qui font grincer le rouage, tous les responsables sont à leur place et chacun est parfaitement conscient des limites qu’il est en droit d’investir et des espaces qui lui sont formellement interdits.
Mais est-ce que tout le monde joue le jeu ? Certainement pas et cela pour diverses raisons dont la plus importante est le fait que le citoyen ignore souvent ses droits les plus élémentaires. Par peur de la toute-puissance de l’Etat, des citoyens ont battu en retraite étant sûrs de perdre alors qu’ils étaient dans leur bon droit et que ce droit justement leur a été confisqué… par l’Etat même.
Quelques-uns, pas très courageux, se sont contentés de dénoncer les abus dont ils ont été victimes par lettres anonymes, d’autres un peu plus conscients des enjeux, par voie de presse sous la forme de placards publicitaires. Prudents, certains préfèrent adopter une autre stratégie moins contraignante et qui donne parfois quelques résultats : se constituer en délégation et faire pression sur un responsable d’institution pour le sensibiliser à un problème collectif.
Alors que le plus simple aurait été d’établir un constat par un huissier, de le présenter à qui de droit, en l’occurrence un tribunal, et le problème est posé dans son cadre légal. Bref, rien ne sert de faire appel aux subterfuges que nous venons de mentionner, l’idéal serait que chacun connaisse avec précision l’espace précis de ses droits pour pouvoir agir en toute légalité, en toute sérénité.
Et ce qui appartient à César reviendra à César.
I. Z.
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5 février 2010 à 12 12 22 02222
Un immense chantier
Facteurs n Deux raisons expliquent les dépassements commis : l’ignorance du citoyen de ses droits et l’impunité quasi absolue dont des institutions se targuent.
Sinon comment expliquer que des erreurs médicales avérées et prouvées n’aillent pas au-delà d’un sermon de circonstance ?
Comment expliquer que des patients soient obligés de ramener à l’hôpital, pour être pris correctement en charge, leur literie, leur couvert, leurs médicaments et même un ou plusieurs flacons de sang correspondant à leur groupe alors que les CHU sont tenus de les leur fournir ?
Les budgets de ces établissements se chiffrent par centaines de milliards. Comment expliquer encore qu’un dossier de crédit soit tout de suite approuvé et signé alors que des dossiers identiques et bien ficelés attendent dans la même banque pendant des mois ? Dans un cas comme dans l’autre, la parade est simple : le dernier mot devra revenir à la loi.
Comment expliquer qu’une compagnie de navigation aérienne comme Air Algérie, battant pavillon national, avait l’habitude de laisser poireauter pendant des heures ses passagers à l’aéroport sans leur offrir la moindre boisson chaude ? Et nous ne parlons pas de ces malheureux qui passaient la nuit sur un carton alors que la compagnie est tenue de les loger dans un hôtel de leur choix. A moins, bien sûr, qu’elle n’avait pas les mêmes cahiers des charges que les autres compagnies du monde.
Si des citoyens s’étaient solidarisés pour dénoncer devant les tribunaux le comportement de la compagnie nationale, le laisser-aller de l’hôpital, les erreurs médicales très graves chez le privé et la sélection plutôt bizarre des dossiers qui répond à d’autres critères que ceux fixés par le législateur en matière de crédit, le monde qui nous entoure serait nettement meilleur et ferait plus attention à ses dérives. Peu à peu — et nous le voyons tous les jours — des individus se démarquent de la logique de la fatalité et vont jusqu’au bout de leur force pour dénoncer la hogra et le laxisme auxquels ils ont été habitués pendant des années.
De simples citoyens engagent aujourd’hui carrément des procédures contre des wilayas, car s’estimant lésés dans le tracé de certains segments de l’autoroute Est-Ouest.D’autres engagent les mêmes procédures contre leurs sociétés pour licenciement abusif. Quelques-uns n’hésitent pas à traîner devant les tribunaux des maires pour différentes raisons. Un journaliste vient d’engager des poursuites judiciaires contre le maire d’une grande ville d’Algérie pour propos racistes et insultants.
Et comme l’affaire a pris de l’importance compte tenu de la qualité des deux protagonistes, aucune mission de conciliation n’a réussi à faire fléchir le journaliste qui a déclaré, et nous le citons : «Il faut que le citoyen se défende, il faut qu’il apprenne à ne pas se laisser faire et insulter par n’importe quel responsable. Je veux servir d’exemple.» Les chantiers où les droits du citoyen sont spoliés et méprisés sont très nombreux.
Les logements construits par des entrepreneurs privés sans fenêtre, sans porte, sans lavabo et parfois même sans aucune finition, les erreurs grossières de facture, les délestages intempestifs de courant qui grillent les appareils électroménagers et qui rendent inconsommable toute nourriture stockée dans les congélateurs, les erreurs dans la transcription de papiers administratifs officiels… et nous arrêtons la liste parce qu’il faudrait un bottin pour tout noter. Il y a donc du pain sur la planche. Il suffit de franchir le pas.
I. Z.
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5 février 2010 à 12 12 24 02242
Jusqu’au bout
n Ailleurs, sous d’autres cieux, les citoyens vont jusqu’au bout de leur conviction, jusqu’à la caricature presque. C’est le cas d’un Français plutôt irascible qui, au nom de la liberté individuelle, a refusé, plus d’une fois, d’attacher sa ceinture de sécurité quand il est dans son véhicule. Malgré les différentes remontrances des gendarmes et les dizaines de P-V qui lui ont été adressés, l’homme a porté plainte contre l’Etat au niveau de toutes les instances judiciaires de son pays jusqu’au Conseil d’Etat. Très procédurier, l’homme s’est battu pendant presque 10 ans devant tous les tribunaux jusqu’à épuisement de la dernière ressource que lui permettait la loi. Il y a vingt ans quand il était encore en vie, il ne portait toujours pas la ceinture. Dans notre pays, pareil énergumène serait traité de fou et on lui mettrait la camisole de force…
I. Z.
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5 février 2010 à 12 12 25 02252
Seul le citoyen…
Courage n Des associations qui ont déjà pignon sur rue,sont passées à l’offensive et donnent ainsi l’exemple.
Particulièrement, les associations de femmes qui se mobilisent et qui dénoncent régulièrement, par voie de presse ou de conférence, certains abus dont sont victimes d’autres femmes sur leurs lieux de travail ou même hors de leur centre d’activité. Elles vont, parfois, jusque devant les tribunaux où elles se constituent partie civile.
D’autres associations, tel le Bistouri d’or, activent dans une grande ville du pays pour orienter les malades à travers les dédales complexes de l’administration sanitaire afin qu’ils soient soignés et traités convenablement, particulièrement en ce qui concerne les opérations à cœur ouvert.
Quelques-unes se sont carrément substituées aux pouvoirs publics pour défendre et sauvegarder, contre l’outrage du temps, des patrimoines culturels de premier plan voués à la dégradation et à l’oubli. Mais, bien sûr, un citoyen responsable vaut mieux qu’une association responsable, encore faut-il qu’il connaisse avec précision l’arsenal de ses droits. En fin de compte connaissons-nous vraiment nos droits ? Apparemment si peu, et parfois pas du tout. Certains couacs dont nous sommes victimes sont d’ailleurs révélateurs de notre état d’esprit. Lorsque vous hélez un taxi pour une course personnelle, rien ne vous oblige si vous êtes un homme, à vous asseoir près du chauffeur et encore moins à discuter avec lui.
Si cette course se passe dans la même wilaya, entre deux villes, le chauffeur est tenu de vous déposer non pas à la station de taxi, mais à l’adresse exacte que vous lui avez indiquée à votre départ.
Pendant cette course et contrairement à ce qu’ils prétendent sans vergogne, les chauffeurs de taxi ne peuvent, en aucun cas, faire monter à bord d’autres clients.
Un autre couac, tout aussi révélateur que le précédent toujours dans le domaine du transport : Depuis quand et selon quelle loi, un candidat au permis de conduire est-il recalé par l’examinateur pour port de survêtement ? Si certains d’entre eux se sont laissés faire de peur d’indisposer, une fois de plus, l’examinateur, d’autres ont pris leur courage à deux mains pour voir directement le directeur de wilaya du transport et lui poser la question. Quelle que soit la réponse de ce responsable, qui arrondirait fatalement les angles pour éviter les vagues, l’idéal aurait été de porter l’affaire devant la justice pour que pareil incident ne se renouvelle pas et surtout pour forcer les pouvoirs publics à prendre statutairement des décisions en ce sens et trancher définitivement. C’est cela l’esprit citoyen, l’esprit responsable…
I. Z
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5 février 2010 à 12 12 26 02262
Seul le citoyen…
Courage n Des associations qui ont déjà pignon sur rue,sont passées à l’offensive et donnent ainsi l’exemple.
Particulièrement, les associations de femmes qui se mobilisent et qui dénoncent régulièrement, par voie de presse ou de conférence, certains abus dont sont victimes d’autres femmes sur leurs lieux de travail ou même hors de leur centre d’activité. Elles vont, parfois, jusque devant les tribunaux où elles se constituent partie civile.
D’autres associations, tel le Bistouri d’or, activent dans une grande ville du pays pour orienter les malades à travers les dédales complexes de l’administration sanitaire afin qu’ils soient soignés et traités convenablement, particulièrement en ce qui concerne les opérations à cœur ouvert.
Quelques-unes se sont carrément substituées aux pouvoirs publics pour défendre et sauvegarder, contre l’outrage du temps, des patrimoines culturels de premier plan voués à la dégradation et à l’oubli. Mais, bien sûr, un citoyen responsable vaut mieux qu’une association responsable, encore faut-il qu’il connaisse avec précision l’arsenal de ses droits. En fin de compte connaissons-nous vraiment nos droits ? Apparemment si peu, et parfois pas du tout. Certains couacs dont nous sommes victimes sont d’ailleurs révélateurs de notre état d’esprit. Lorsque vous hélez un taxi pour une course personnelle, rien ne vous oblige si vous êtes un homme, à vous asseoir près du chauffeur et encore moins à discuter avec lui.
Si cette course se passe dans la même wilaya, entre deux villes, le chauffeur est tenu de vous déposer non pas à la station de taxi, mais à l’adresse exacte que vous lui avez indiquée à votre départ.
Pendant cette course et contrairement à ce qu’ils prétendent sans vergogne, les chauffeurs de taxi ne peuvent, en aucun cas, faire monter à bord d’autres clients.
Un autre couac, tout aussi révélateur que le précédent toujours dans le domaine du transport : Depuis quand et selon quelle loi, un candidat au permis de conduire est-il recalé par l’examinateur pour port de survêtement ? Si certains d’entre eux se sont laissés faire de peur d’indisposer, une fois de plus, l’examinateur, d’autres ont pris leur courage à deux mains pour voir directement le directeur de wilaya du transport et lui poser la question. Quelle que soit la réponse de ce responsable, qui arrondirait fatalement les angles pour éviter les vagues, l’idéal aurait été de porter l’affaire devant la justice pour que pareil incident ne se renouvelle pas et surtout pour forcer les pouvoirs publics à prendre statutairement des décisions en ce sens et trancher définitivement. C’est cela l’esprit citoyen, l’esprit responsable…
I. Z
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup