Les trous noirs
par Abdou B.
«On n’est pas né pour la gloire lorsqu’on ne connaît pas le prix du temps».
L’équipe nationale de foot a terminé la CAN 2010 après avoir vécu sur les terrains une série d’attaques, de tricheries organisées au sein même d’une wilaya égyptienne (la CAF) qui manipule, rétribue et menace des dirigeants, des arbitres jusqu’aux chauffeurs de bus caillassés et qui roulent à une vitesse planifiée d’un point à un autre.
L’Egypte a remporté, pas forcément gagné, l’édition 2010 de la CAN, et cela relève du passé, sauf pour le peuple égyptien qui savoure en toute légitimité, sans trop savoir ce qui se passe dans les égouts de la CAF, un véritable trou noir. Ce peuple, ni plus mauvais ni moins bon que les autres peuples de la planète, sait-il au moins le minimum de ce que son gouvernement réserve à Ghaza et à la Palestine ? Sait-il ce que sera son avenir à lui, sur sa propre terre ? Rien n’est moins sûr pour ce trou, noir aussi.
La CAN terminée, chacun a retrouvé son chez-lui et son quant-à-soi. Reste tout le reste, autrement dit que va faire l’Algérie à propos de deux sigles qui ne renvoient qu’au sous-développement, à l’impuissance absolue et définitive, à la triche et aux détournements de fonds communs qui engraissent de patauds doctours, de gros dirigeants et qui financent le chef auto-consacré des pays arabes et les classements des pays africains en matière de foot et autres sports. La mainmise, pour l’éternité, du Caire sur la Ligue arabe et sur la CAF sont inadmissibles depuis des décennies et il va falloir y mettre un terme. Dans ces deux cas, la diplomatie algérienne est modérée ou peu offensive.
C’est selon le point de vue des pays concernés, de chaque peuple, de chaque stade de développement des sociétés civiles, de chaque classe politique, à supposer que celle-ci possède des idées, des plans et des programmes alternatifs à l’hégémonie de l’Egypte qui ne correspond ni à un développement économique, ni à celui d’une recherche scientifique, ni à un rayonnement politique, indûment octroyé par les USA et certains pays européens.
La compétence de la Ligue arabe caporalisée par l’Egypte et celle de la CAF sous hypnose ou anesthésiée renvoient à d’autres trous noirs d’où ne filtrent, à peine, que les budgets dévorés, soustraits du pouvoir d’achat et parfois à la survie de populations arabes et africaines.
L’équipe nationale de foot a parfaitement honoré son contrat et fait émerger d’un trou noir, qui a duré des décennies, la représentation algérienne pour ce sport en Afrique et dans le monde. Dans une adversité organisée avec méthode, le onze national s’est refait une santé en un laps de temps relativement court.
Il lui faut le temps de panser ses blessures et de terminer sa convalescence après l’aventure angolaise. Ce n’est pas du jour au lendemain, comme le croyaient de nombreux commentateurs et analystes, que l’on gagne la Coupe d’Afrique et qu’on accède au podium à la fin du Mondial qui approche plus vite qu’on ne croit.
Dans la foulée de l’émergence d’un onze qui a du coeur et du courage à revendre, sont apparues des faunes, elles aussi sorties de trous noirs, qui n’étaient pas au final si éloignées de la rente, de la médiocrité et de la facilité pour servir une jeunesse sincère, avide de symboles fédérateurs, de fêtes, de victoires à même de compenser des déficits en logements, d’emplois, de sexualité naturellement de son âge, d’harmonie sociale…
Des chansons bricolées en quelques minutes avec des paroles «ciselées» autour d’anciens joueurs que les moins de trente ans et les «paroliers» de la dernière n’ont jamais vu jouer. Et pour cause ! De leur côté, les médias lourds sortis des règles basiques de leur cahier des charges qui stipulent qu’il leur est exigé d’informer, de distraire et d’éduquer sont partis très loin dans un trou noir.
Une overdose de chansons politico-sportives aux couleurs de nationalisme le plus chauvin a été assenée aux citoyens en boucle, avant, pendant et même après une quatrième place arrachée haut la main, mais en dehors du podium. Tout ce qui s’apparente à l’officiel, à l’étatique n’avait d’yeux que pour l’EN, en attendant le Mondial, pour que les rites et rituels de la propagande la plus sous-développée soient resservis jusqu’à la nausée. L’EN doit être étatisée et peu importe les postures et les méthodes. Mais la diversion que l’on fait jouer à des sportifs à leur corps défendant n’est pas tenable sur la durée. Il y a d’autres trous dont il faudra bien sortir.
Dans le monde des sports de haut niveau à l’échelle internationale, il y a tellement de podiums desquels l’Algérie est absente sinon inexistante. Le tennis, le hand, le basket, le volley, l’athlétisme, la boxe, la natation, le ping-pong, la pétanque, le judo et d’autres pratiques, les équipes féminines sont autant de trous noirs pour l’Algérie. Et c’est autant de consécrations et de présences au niveau mondial qui font défaut. Un ministère est théoriquement chargé de la formation, de la compétition dans toutes les disciplines pour que le drapeau national soit hissé dans de lointaines contrées, pas uniquement dans les villes et villages de l’Algérie profonde. Il n’y a pas que le foot dans un pays qui a des ambitions et une jeunesse qui peut tout faire.
La dynastie des Fahmy sur la CAF et celle du Caire sur la Ligue arabe sont atteintes par la limite d’âge, la vitesse du monde et les enjeux dont les acteurs principaux sont désormais l’Asie, l’Inde, le Brésil, la science et les dernières technologies dans tous les domaines. Chanter les gloires du passé, c’est bien, mais construire celles du futur, c’est beaucoup mieux que de rechercher à l’infini des trous noirs pour y plonger le pays. Et il y a le temps qui passe.
4 février 2010
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