L’Alliance de Philippe GaillardBellounis-France, la sinistre alliance !
Il est ancien d’Algérie, journaliste patenté et une plume passionnée d’Histoire, Philippe Gaillard vient de publier ces jours-ci un ouvrage de grand intérêt. Dans L’Alliance, publié chez L’Harmattan, l’auteur prend une loupe grossissante pour mieux regarder et dépoussiérer l’un des épisodes fratricides de la guerre d’Algérie. Sous-titré La Guerre d’Algérie du général Bellounis (1957-1958), il revient avec une foule de détails sur la personnalité, l’itinéraire et le combat du renégat algérien. Natif de Bordj Ménaïl, en Kabylie en 1912, Bellounis s’est illustré sur plusieurs fronts mais pas de la même manière. Son certificat d’études
lui a donné un bagout salvateur dans lequel il a puisé un secours précieux lorsqu’il est mobilisé en Alsace lors de la seconde Guerre Mondiale, ou il a été blessé, emprisonné et enfin libéré par les Allemands. De retour au bercail, il est connu en militant farouche au sein du PPA puis au MTLD. Cependant, à l’aube de la Guerre de Libération, en messaliste convaincu, il a préféré rejoindre l’obédience du MNA. Et signe par cet acte, un douloureux premier divorce ! Entre le FLN et le MNA, les joutes sont mortelles, chacun jurait d’avoir la peau de l’autre dans une guerre sans merci, étendue jusque sur le sol de l’Hexagone. Sur le terrain, le général Bellounis réunit un bataillon de quelque 4 000 mille fidèles et campe son QG à Guenzet, en Kabylie sétifoise. Sans danger, en apparence. Mal lui en a pris, il est sitôt pourchassé par les combattants du colonel Amirouche, chef de la Wilaya III. Le général s’enfuit et se fait oublier pour quelques temps au Sud. Puis, il se fait de nouveau parler de lui du côté du Djurdjura. Quelques jours après le massacre de Melouza, ayant faussement flairé une fin lamentable du FLN, qu’il voyait comme un suppôt du communisme, il vient parapher une solide alliance avec l’armée coloniale en mai 1957 et caresse ouvertement le rêve de s’octroyer une stature incontournable pour les négociants français qui, en catimini, trouve en lui une bonne gâchette capable de corser la pilule au FLN d’Abane et de Didouche. Mais nourri de projets individualistes aux antipodes des tropismes coloniaux, son habileté inquiète Guy Mollet, Président du Conseil sous beffroi gaulliste, récipiendaire d’une missive dans laquelle le général se montre de plus en plus exigeant. Nous sommes en mai 1958. La France décide alors de lâcher son vieux sbire. Remis à la place qui est la sienne, Bellounis signe-là un deuxième divorce !
Puis, isolé et honni, conscient qu’il est désormais pris entre deux feux, il amorce dès lors une fuite harassante avant de tomber entre les mains revêches d’un peloton blindé français qui le traquait non loin de Boussaâda, où il trouve la mort, criblé par quatre balles dans la poitrine. Fin d’une sinistre épopée. Mais, qui l’a tué ?… Le suspens demeure entier !
Étalé sur 262 pages, à première vue L’Alliance de Philippe Gaillard est un ouvrage qui se situe à mi-chemin entre l’essai, le document et l’enquête. Mais, sachant que l’auteur (soldat du contingent) est présent à Boussaâda en juillet 1958, à la mort de Bellounis, l’opus se drape soudain d’un valeureux témoignage et s’entoure ainsi d’une touche de crédibilité étayée par une curiosité intellectuelle profonde qui est loin des hommages pompeux ou des blâmes haineux, in fine ; force est de reconnaître qu’il éclaire suffisamment un pan important de notre Histoire souvent occultée.
Tarik Djerroud
31 janvier 2010
Colonisation