par K. Selim
« Saddam Hussein dispose d’armes de destruction massive – ADM -susceptibles d’être déployées en quarante-cinq minutes», affirmait un dossier belliciste déposé à la chambre des Communes par le Premier ministre travailliste Tony Blair le 24 septembre 2002. Cet argument constituait la justification majeure de la participation britannique à l’invasion de l’Irak en 2003.
Il n’y avait pas en Irak l’ombre de la moindre arme de destruction massive. Saddam Hussein avait démantelé ses fameuses ADM. Des commissions d’enquête de l’ONU dirigées par des agents américains de diverses nationalités se sont évertuées, sans succès, à dénicher ces fameuses ADM pendant des mois avant le débarquement des troupes anglo-américaines. Des centaines d’experts et des millions de dollars ont été dépensés pour trouver ce que les Irakiens juraient ne pas posséder. En vain et en pure perte. Les dirigeants du monde entier savaient que l’arsenal irakien en déshérence ne comprenait aucun armement susceptible d’entrer dans la catégorie qui obsédait en apparence les néoconservateurs américains et leurs supplétifs britanniques.
Tony Blair ne l’ignorait pas : conseillé par les spin-doctors, modernes héritiers de Goebbels et experts en manipulation des consciences, il a repris l’argument à son compte pour convaincre une opinion plus que réticente devant un engagement militaire dont elle ne comprenait ni le sens ni les objectifs. Il est vrai également qu’elle était préparée de longue date à se laisser convaincre.
L’ex-fringant Premier ministre du «New» Labour a comparu pendant six heures devant «The Iraq Inquiry», aussi appelé Commission Chilcot (du nom de son président). Ce comité de sages, nommé par le chef du gouvernement Gordon Brown, est formellement chargé de faire la lumière sur les conditions de l’intervention britannique en Irak et «d’en tirer les leçons appropriées». Les enquêteurs très urbains de la Commission Chilcot reviennent sur les zones d’ombre. Notamment sur la signification du fameux délai de 45 minutes suffisant pour le déploiement par Saddam Hussein de ses inexistantes ADM, ou sur l’interprétation de Tony Blair de la portée réelle de la résolution 1441 sur la base de laquelle les USA et la Grande-Bretagne ont attaqué l’Irak.
L’illégalité de l’invasion au regard du droit et des résolutions de l’ONU ? Les réponses sont évasives ou confondantes : «Bush estimait qu’il n’était pas besoin d’une résolution explicite…». A l’aise dans l’esquive, Tony Blair a-t-il réellement convaincu les membres de la Commission Chilcot ? On ne le saura pas avant la publication du rapport prévue pour la fin de l’année. Mais en embarquant son auditoire sur le terrain d’une géostratégie moyen-orientale de la guerre préemptive, Blair a confirmé un indéniable talent de communicateur. Qui porte la responsabilité d’une guerre meurtrière déclenchée sous un prétexte grossier ? Mensonge, tromperie, manipulation de l’information, tout est escamoté.
Blair n’hésite pas à reprendre l’argument pour défendre aujourd’hui l’idée d’une attaque préventive contre l’Iran et sa prétendue menace nucléaire.
Au final, à l’issue de ce numéro de communication, quelle vérité peut ressortir de ces auditions ? Tony Blair sera-t-il jugé pour forfaiture et crimes de guerre ? On peut en douter, mais il a de bonnes chances de rester dans l’histoire comme l’incarnation britannique de l’amoralité sanglante et du cynisme politique au service de l’agression.
30 janvier 2010
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