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4.Pourquoi les animaux ont une queue

29 janvier 2010

1.Contes

Au coin de la cheminée
Pourquoi les animaux ont une queue (4e partie)

Résumé de la 3e partie : Après la création de la mouche, tous les animaux se plaignent des désagréments que cette dernière leur cause…

Tiens, c’était donc toi, Araignée, dit Raluvhimba en la voyant arriver. Il m’avait bien semblé, aussi, sentir quelque chose tirer sur mon orteil.
— Salut, dit l’araignée. (Ce n’était pas le moment de gaspiller son temps en manières.) J’ai un message pour toi, de la part des animaux. Ils disent que les mouches sont un fléau. Qu’elles mordent et piquent et sucent le sang, et que personne ne veut plus d’elles. Il faut que tu les reprennes au plus vite.
— Comment ? dit Raluvhimba. Mais je ne peux pas reprendre ce que j’ai donné ! C’est ainsi. Et après tout, c’est la vie. Mais les mouches ne se nourrissent-elles donc pas, comme toi, de pousses tendres et de rosée ?
— Oh non, sûrement pas, dit l’araignée. Elles mordent à même la peau, et sucent le sang qui est dessous. Ce ne sont pas des amies. En tout cas, tel est le message dont les animaux m’ont chargée. Il faut que tu fasses quelque chose, et vite. Personnellement je n’ai pas à me plaindre, les mouches n’osent pas s’en prendre à moi, trop heureuses que je les délivre quand elles se prennent dans ma toile, mais pour mes amis, je l’avoue, il y a de quoi devenir fou.
Raluvhimba réfléchissait.
— Je n’arrive pas à croire que dans ma création les mouches soient une bavure.
Hélas, c’était le cas pourtant, et cela dès le commencement des temps ou presque. Oh, un modeste défaut, un tout petit vice de fabrication, mais de fort mauvais augure – et l’homme n’avait pas encore été créé.
— Ecoute, Araignée, dit Raluvhimba. Quand les mouches se prennent dans ta toile, si tu les y laissais au lieu de les délivrer ?
— Mais qu’est-ce que j’en ferais, moi, de ces mouches ?
— Tu pourrais les manger, par exemple.
— Beuark, dit l’araignée.
Cette seule pensée lui levait le cœur. Elle était végétarienne, la chair de mouche ne lui disait rien.
— Attends, dit Raluvhimba. J’ai une idée meilleure encore. Ce qu’il faut à mes animaux, c’est une queue pour chasser les mouches.
— Une queue ? dit l’araignée.
— Oui, une queue. Un prolongement souple, si tu préfères. Un peu comme ce qu’ont les oiseaux, pour mieux voler, et les poissons, pour mieux nager. Mais ce sera pour chasser les mouches.
— Et quand les fabriqueras-tu, ces queues ? demanda l’araignée. Ce doit être compliqué à faire, non ? Certainement plus compliqué que pour les oiseaux et les poissons.
— Aujourd’hui est le jour de la Lune, dit Raluvhimba. Va prévenir les animaux que demain matin, dès l’aube, je les attendrai dans la caverne Luvhimbi, sur le mont Tsha-wa-dinda. Là, je leur fournirai des queues. A tous.
— Parfait, dit l’araignée. Demain est donc le jour des queues. Le grand jour du marché aux queues.
Elle redescendit le long de son fil et s’en fut vivement annoncer la nouvelle. Quand les animaux comprirent de quoi il retournait, ils ne tinrent plus en place. Tous se mirent en route, sur-le-champ, pour le mont Tsha-wa-dinda. Seul le lapin, trop paresseux, préféra se rendormir. (à suivre…)

Contes d’Afrique noire Ashley Bryan

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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6 Réponses à “4.Pourquoi les animaux ont une queue”

  1. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 17/4/2010

    Au coin de la cheminée
    Chacun et chaque chose à sa place (4e partie et fin)

    Résumé de la 2e partie n Le précepteur prend la parole pour dire à ses élèves qu’il ne faut pas dénigrer tous les nobles…

    La pauvre vieille ! Elle a bien du mal à marcher ! dit-il.
    «Et, avant que ma mère ne s’en fût rendu compte, il était en bas, à la porte; ainsi lui, le vieux seigneur octogénaire, sortait pour épargner quelques pas à la vieille et lui remettre ses shillings. Ce n’est qu’un simple trait mais comme l’aumône de la veuve il va droit au cœur et le fait vibrer. C’est ce but que devraient poursuivre les poètes de notre temps. Pourquoi ne chantent-ils pas ce qui est bon et doux et ce qui réconcilie ?»
    Mais il est vrai qu’il y a un autre genre de nobles.
    — Cela sent la roture, ici ! disent-ils aux bourgeois.
    «Ces nobles-là, oui, ce sont de faux nobles, et l’on ne peut qu’applaudir à ceux qui les raillent dans leurs satires.»
    Ainsi parla le précepteur. C’était un peu long mais l’enfant avait eu le temps de tailler sa flûte.
    Il y avait grande réunion au château : hôtes venus de la capitale ou des environs, dames vêtues avec goût ou sans goût. La grande salle était pleine d’invités. Le fils du pasteur se tenait modestement dans un coin.
    On allait donner un grand concert. Le petit baron avait apporté sa flûte de saule, mais il ne savait pas souffler dedans, ni son père non plus.
    Il y eut de la musique et du chant. S’y intéressèrent surtout ceux qui exécutèrent. C’était bien assez, du reste.
    — Mais vous êtes aussi un virtuose ! dit au précepteur un des invités. Vous jouez de la flûte ! Vous nous jouerez bien quelque chose ?
    En même temps, il tendit au précepteur la petite flûte taillée près de l’abreuvoir. Puis, il annonça très haut et très distinctement que le précepteur du château allait exécuter un morceau sur la flûte. Le précepteur, comprenant qu’on allait se moquer de lui, ne voulait pas jouer, bien qu’il sût. Or, on le pressa, on le força, et il finit par prendre la flûte et la porter à sa bouche. Le merveilleux instrument ! Il émit un son strident comme celui d’une locomotive ; on l’entendit dans tout le château, et par-delà la forêt. En même temps s’élevait une tempête de vent qui sifflait :
    — Chacun à sa place !
    Le maître de la maison, comme enlevé par le vent, fut transporté à l’étable. Le bouvier fut emmené non dans la grande salle mais à l’office au milieu des laquais en livrée d’argent. Ces messieurs furent scandalisés de voir cet intrus s’asseoir à leur table !
    Dans la grande salle, la petite baronne s’envola à la place d’honneur, où elle était digne de s’asseoir. Le fils du pasteur prit place près d’elle ; tous deux semblaient être deux mariés. Un vieux comte, de la plus ancienne noblesse du pays, fut maintenu à sa place, car la flûte était juste, comme on doit l’être.
    L’aimable cavalier à qui l’on devait ce jeu de flûte, celui qui était fils de son père, alla droit au poulailler.
    La terrible flûte ! Mais fort heureusement, elle se brisa, et c’en fut fini du «Chacun à sa place !»
    Le jour suivant, on ne parlait plus de tout ce dérangement. Il ne resta qu’une expression proverbiale : «Ramasser la flûte». Tout était rentré dans l’ancien ordre. Seuls, les deux portraits de la gardeuse d’oies et du colporteur pendaient maintenant dans la grande salle, où le vent les avait emportés. Un connaisseur ayant dit qu’ils étaient peints de main de maître, on les restaura.
    «Chacun et chaque chose à sa place !» On y vient toujours. L’éternité est longue, plus longue que cette histoire.

    Conte d’Andersen

  2. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 17/4/2010

    Histoires vraies
    Massacre pour un oiseau voleur (2e partie)

    Résumé de la 1re partie n Les nandous regardent avec intérêt, fascinés par les éclairs que le soleil arrache aux casques des espagnols : ils adorent tout ce qui brille…

    Un des chefs espagnols hurle un ordre :
    — A l’oratoire de saint Ignace !
    Aussitôt sa troupe se replie vers la petite bâtisse, en aussi bon ordre que possible. Les adversaires ont très bien entendu et compris puisqu’eux aussi sont castillans. De l’intérêt des guerres fratricides… Ils essayent, de leur côté, de déborder l’ennemi pour être les premiers à encercler l’oratoire.
    Mais le chef, Don Ramon de la Serra, qui a eu le premier l’idée, se retrouve solidement installé avec ses hommes autour du petit édifice. Quelques cadavres jonchent l’herbe de la pampa. Don Ramon s’adresse à ses adversaires et annonce :
    — Dorénavant, messieurs, si vous voulez faire vos dévotions à notre grand saint, vous ne pourrez vous approcher de la statue bénie qu’après m’avoir payé un tribut de cinq pistoles !
    — Cinq pistoles ! Pour prier saint Ignace ! C’est impie ! Nous te ferons excommunier et ta vieille carcasse ira rôtir en enfer dès que nous aurons pu t’embrocher !
    — Cinq pistoles ou pas de dévotion !
    — Que les os de ton grand-père servent de baguettes pour frapper le tambour fait avec le ventre de ta mère !
    Comme on le voit, on ne plaisante pas avec la religion ni avec la famille en ce début du XVIIe siècle… Ceux qui n’ont pas réussi à entourer l’oratoire se sentent poussés à bout. La bataille reprend de plus belle : les uns avancent, les autres reculent mais personne ne l’emporte. Alors, comme le soleil est au zénith, il fait un peu trop chaud pour continuer à frapper d’estoc et de taille. Chaque clan campe sur ses positions et certains se mettent en quête d’ombre pour se rafraîchir. La torpeur saisit les combattants et les sentinelles elles-mêmes se mettent à somnoler un peu.
    Le nandou couve toujours son œuf. D’autres oiseaux, non loin de là, font entendre leur cri ou gobent quelques serpents après les avoir estourbis. C’est le moment que choisit un grand nandou pour s’approcher à pas lents et silencieux du champ de bataille. Peut-être voit-il briller dans l’herbe quelque médaille qui attire sa convoitise. Le nandou approche et personne ne le remarque. Le nandou, avec sa petite tête au bout d’un long cou flexible, inspecte les environs. La porte de l’oratoire est ouverte et l’ombre fraîche incite l’oiseau à explorer l’inconnu. Un soldat voit le nandou qui entre :
    — Miracle ! Regardez ! Même les nandous viennent faire leurs dévotions à saint Ignace !
    Du coup les soldats des deux camps, sans changer de place, se jettent à genoux et entonnent, pour l’instant à l’unisson, un «Gloria». Beau moment de ferveur et de communauté religieuse.
    Le nandou ressort enfin de l’oratoire. On s’attend presque à voir une auréole luire au-dessus de sa tête de ratite… Don Ramon, qui tient l’oratoire, décide d’y entrer pour voir si saint Ignace n’a pas fait quelque miracle. Une fois que ses yeux se sont habitués à l’obscurité il pousse un cri :
    — Madre de Dios !
    La petite statue d’ivoire n’est plus là. Saint Ignace a disparu. Don Ramon pense que dans le feu du combat quelque soldat de l’autre parti s’est introduit dans l’oratoire et a emporté le saint. Mais alors pourquoi les autres continueraient-ils à combattre s’ils sont maîtres du saint ?
    — Le petit saint est parti !
    Du coup les deux camps font spontanément la trêve pour venir constater l’incroyable. Un Espagnol plus instruit que les autres lance : (à suivre…)

    Pierre Bellemare

  3. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 15/4/2010

    Au coin de la cheminée
    Chacun et chaque chose à sa place (3e partie)

    Résumé de la 2e partie n Le seigneur, en menant une vie dissolue, est réduit à la mendicité. Son château a été acheté par un riche cordonnier…

    Tout en haut du tronc, là où les grandes branches prenaient naissance, il y avait tout un petit jardin avec des framboisiers et des aubépines. Un petit arbousier même avait poussé, mince et élancé, sur le vieil arbre qui se reflétait dans l’eau noire de l’abreuvoir. Un petit sentier abandonné traversait la cour tout près de là. Le nouveau manoir était sur le haut de la colline, près de la forêt. On avait de là une vue superbe.
    La demeure était grande et magnifique, avec des vitres si claires qu’on pouvait croire qu’il n’y en avait pas.
    Rien n’était en discordance. «Tout à sa place !» était toujours le mot d’ordre. C’est pourquoi tous les tableaux qui avaient jadis eu la place d’honneur dans le vieux manoir étaient suspendus maintenant dans un corridor. N’étaient-ce pas des «croûtes», à commencer par deux vieux portraits représentant, l’un, un homme en habit rouge coiffé d’une perruque, l’autre, une dame poudrée, les cheveux relevés et une rose à la main ? Une grande couronne de feuilles de saule les entourait. Il y avait de grands trous ronds dans la toile ; ils avaient été faits par les jeunes barons, lesquels, tirant à la carabine, prenaient pour cible les deux pauvres vieux, le conseiller de justice et sa femme, les deux ancêtres de la maison. Le fils du pasteur était précepteur au château. Il mena un jour les petits barons et leur sœur aînée, qui venait d’être confirmée, par le petit sentier qui conduisait au vieux saule. Quand on fut au pied de l’arbre, le plus jeune des barons voulut se tailler une flûte comme il l’avait déjà fait avec d’autres saules, et le précepteur arracha une branche.
    — Oh ! ne faites pas cela ! s’écria – mais trop tard – la petite fille. C’est notre illustre vieux saule ! Je l’aime tant ! On se moque de moi pour cela, à la maison, mais cela m’est égal. Il y a une légende sur le vieil arbre …
    Elle conta alors tout ce que nous venons de dire au sujet de l’arbre, du vieux château, de la gardeuse d’oies et du colporteur dont la famille illustre et la jeune baronne elle-même descendaient. Ces braves gens ne voulaient pas se laisser anoblir, dit-elle. «Chacun et chaque chose à sa place» était leur devise. L’argent ne leur semblait pas un titre suffisant pour qu’on les élevât au-dessus de leur rang. Ce fut leur fils, mon grand-père, qui devint baron. Il avait de grandes connaissances et était très considéré et très aimé du prince et de la princesse qui l’invitaient à toutes leurs fêtes. C’était lui que la famille révérait le plus, mais je ne sais pourquoi, il y a en moi quelque chose qui m’attire surtout vers les deux ancêtres. Ils devaient être si affables, dans leur vieux château où la maîtresse de la maison filait assise au milieu de ses servantes et où le maître lisait un livre tout haut.
    Le précepteur prit la parole :
    — Il est à la mode dit-il, chez nombre de poètes, de dénigrer les nobles, en disant que c’est chez les pauvres, et, de plus en plus, à mesure qu’on descend dans la société, que brille la vraie noblesse. Ce n’est pas mon avis ; c’est chez les plus nobles qu’on trouve les plus nobles traits. Ma mère m’en a conté un, et je pourrais en ajouter plusieurs. Elle faisait visite dans une des premières maisons de la ville où ma grand-mère avait, je crois, été gouvernante de la maîtresse de la maison. Elle causait dans le salon avec le vieux maître, un homme de la plus haute noblesse. Il aperçut dans la cour une vieille femme qui venait, appuyée sur des béquilles. Chaque semaine, on lui donnait quelques shillings. (à suivre…)

    Conte d’Andersen

  4. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 15/4/2010

    Histoires vraies
    Massacre pour un oiseau voleur (1re partie)

    Cette histoire nous ramène quatre cents ans en arrière. Et dans une contrée alors sauvage. Aux abords de la forêt amazonienne, un nandou couve l’œuf que sa femelle vient de pondre. De cette scène banale vont découler des événements qui vont bouleverser tout un continent pendant cent cinquante ans. Pour l’instant nous sommes aux environs de l’an 1600 et le nandou couve. Les nandous sont les cousins américains des autruches. Ils sont ornés de plumes noires ou brunâtres. Du haut de leur 1,70 mètre ils surveillent l’horizon des pampas pratiquement inhabitées que de nouveaux hommes troublent depuis peu. Les hommes de fer et de feu qui animent cette aventure sont les successeurs des conquistadores. Il y a longtemps que les Espagnols ont mis le pied sur le Nouveau Monde. Depuis déjà soixante-dix ans, les Européens, tout d’abord menés par Sébastien Cabot, explorent avec avidité ces contrées et ces pampas au cœur de l’Amérique du Sud.
    Nous sommes aux abords de la forêt amazonienne, dans de vastes étendues qui ne se nomment pas encore le Paraguay. Un nandou couve, et des hommes se frayent un passage parmi les hautes herbes et la forêt. A partir de ce non-événement, les faits historiques les plus surprenants, les plus dramatiques, une tragédie et même un génocide vont se succéder durant plus de cent cinquante ans. Le nandou couve mais bientôt le soleil au zénith va l’inciter à une petite pause. La tragédie commence.
    Quelques années auparavant les Jésuites, hommes en soutanes noires, membres d’un ordre fondé par saint Ignace de Loyola, furent les premiers conquérants d’une province nommée «Paraguay», énorme région qui inclut l’Argentine actuelle, le Chili, l’Uruguay et le sud du Brésil. De quoi galoper à l’aise si le cheval était un animal un peu plus répandu qu’il ne l’est alors. Pour l’instant le nandou couve et nous sommes au cœur de ces régions riches et sans défense, près du rio Tebicuary. Régions encore sauvages où l’on rencontre en même temps des bandes armées et sans scrupule tout aussi bien que des lieux de prière. La même dévotion à saint Ignace de Loyola anime sincèrement deux groupes d’assassins catholiques apostoliques et romains. Au milieu du fracas des combats à l’épée, on trouve un oratoire, petit, fragile, une construction légère en pisé, recouverte de tuiles. Une petite porte de bois grossièrement ornée en marque l’entrée. A l’intérieur, quelques chandeliers de métal supportent quelques cierges qui sont parfois allumés. Pour marquer la dévotion au saint de l’endroit : saint Ignace lui-même.
    Sa statue a été sculptée dans une défense d’ivoire africain et transportée jusqu’ici à bord d’un de ces galions qui amènent en Amérique des hommes ambitieux et remportent vers l’Espagne de Philippe III des monceaux d’or, d’objets de culte précolombiens, de pierres précieuses, de lingots d’argent. Aujourd’hui, comme chaque jour dans l’Amérique du Sud en pleine conquête, des hommes revêtus d’armures et coiffés de casques disparates se battent. A une distance respectueuse de grands oiseaux les observent : les nandous. Les oiseaux fixent de leurs gros yeux ronds et noirs les cuirasses métalliques qui brillent au soleil. Le fracas des épées ne les inquiète pas. Sans doute savent-ils qu’en cas de danger leur aptitude à la vitesse les mettrait rapidement hors de portée.
    Les Espagnols, entre deux coups de rapière, ont peut-être aperçu les grands nandous mais leur présence les laisse indifférents, car si les premiers conquistadores ont capturé les grands oiseaux pour les faire rôtir, ils y ont vite renoncé : les grosses volailles sont immangeables. Leurs œufs, à la rigueur. Les Espagnols ferraillent donc à qui mieux mieux et les nandous les regardent. Les nandous regardent avec d’autant plus d’intérêt qu’ils sont fascinés par les éclairs que le soleil arrache aux casques, aux poignards et à tout cet attirail métallique : les nandous adorent tout ce qui brille ! (à suivre…)

    Pierre Bellemare

  5. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 13/4/2010

    Histoires vraies
    Les chiens sauvages et l’enfant (4e partie)

    Résumé de la 3e partie n On découvre que l’enfant s’appelle Vania, un garçon de 6 ans qui vivait seul avec son père alcoolique depuis la mort de sa mère dans un accident de la circulation…

    Vania, du haut de ses 6 ans anémiés et martyrisés, a pris petit à petit l’habitude de chercher des compléments alimentaires dans les pauvres poubelles de la ville.
    De recherches administratives en dossiers incomplets, l’administration soviétique finit par fournir un élément : Vania, qui se nomme Bakouneff, aurait été placé deux ans auparavant par un père incapable de le supporter plus longtemps dans un foyer pour orphelins. Mais il se serait échappé et serait allé rejoindre les cinquante mille enfants sans foyer qui traînent dans les rues de Moscou et des autres villes soviétiques, se nourrissant de bribes de nourriture disputées aux rats, logeant dans des caves abandonnées.
    La saleté de Vania et son jeune âge lui ont sans doute évité de se trouver en butte à des propositions malhonnêtes qui l’auraient conduit à la prostitution.
    On pense que c’est au cours de luttes farouches entre enfants et chiens pour de la nourriture issue des poubelles d’un hôtel que Vania serait tombé nez à nez avec une grosse chienne qui aurait sans doute perdu un chiot. Une sorte de coup de foudre entre humain et animal.
    La chienne est le chef d’une meute hétéroclite. Et c’est sans doute elle qui a invité -à sa manière- l’enfant à les suivre. Les autres chiens n’ont pas voix au chapitre. Ou peut-être sont-ils compatissants envers ce petit d’homme qui est bien incapable de leur faire du mal ?
    D’autres témoignages, d’autres rapports viennent compléter le tableau : Vania s’habitue petit à petit à la chaleur animale du groupe. Il suit sa «mère adoptive» jusqu’à une décharge publique où la meute a élu domicile. A la belle saison, il n’a sans doute pas d’autre choix que de s’habituer à la compagnie permanente des puces. Il a attrapé la gale, mais personne ne sait depuis quand. Un badigeonnage complet vient à bout du parasite auquel Vania ne semblait plus sensible.
    Vania donne d’autres détails sur sa vie de «chien»
    — La nuit, les chiens se couchaient sur moi pour me tenir chaud. «Maman chien» me donnait des os à ronger et quand elle trouvait de la viande elle m’en apportait toujours un morceau.
    En entendant cela, le personnel hospitalier, pourtant habitué à en entendre des vertes et des pas mûres, frissonne de dégoût : la viande sortie des poubelles, avariée, puante, grouillante de vers… Le bon cœur de «maman chien» leur donne la nausée. Et l’hiver ? Eh bien ! Vania passe deux hivers sous sa couverture de chiens vivants ! Il faut dire que l’hiver 1996, dans la région de Moscou, a atteint des records de froid sidérants : moins 30°. Cet hiver-là, la neige est tombée si drue qu’elle avait atteint le premier étage des tristes immeubles du village. Comment un enfant nu a-t-il pu survivre ?
    Vania emmène ses accompagnateurs jusqu’à un immeuble, lequel, pour des raisons inconnues, n’a jamais été terminé. Une porte en fer rouillée donne accès au sous-sol. Dans les couloirs obscurs et déserts de la cave, des restes de nourriture, des os à demi rongés dénoncent la présence récente de la meute qui a servi de famille à l’enfant. On fait une contre-enquête et l’on finit par découvrir le père de Vania. Entre deux bouteilles de vodka, le géniteur semble peu intéressé par le destin de son rejeton. D’une voix pâteuse, il parvient à réveiller dans sa mémoire le souvenir d’un enfant qui devait être coupable de tous les défauts : Comme sa putain de mère ! La garce a foutu le camp… Que le diable l’emporte ! Vania ? Ah oui! il me semble bien que c’était Vania ! Petite vache. Je l’ai dressé à coups de ceinturon. Lui apprendre à vivre ! Respect à son père qui le nourrissait ! Aucune reconnaissance ! (à suivre…)

    Pierre Bellemare

  6. passé précieux Dit :

    Une date, un fait Edition du 12/4/2010

    Au coin de la cheminée
    Le jardinier et ses maîtres (5e partie et fin)

    Résumé de la 4e partie n Les maîtres retirent du bouquet de fleurs composé par Larsen, une fleur bleue qu’ils offrent à la princesse…

    «Oh ! les compliments, les éloges, voilà ce qu’il aime ! disaient les maîtres ; il est comme un enfant gâté.» Un jour d’automne s’éleva une tempête épouvantable ; elle ne fit qu’aller en augmentant toute la nuit. Sur la lisière du bois, une rangée de grands arbres furent arrachés avec leurs racines. Les deux arbres couverts de nids d’oiseaux furent aussi renversés. On entendit jusqu’au matin les cris perçants, les piaillements aigus des corneilles effarées, dont les ailes venaient frapper les fenêtres. «Vous voilà satisfait, Larsen, dirent les maîtres, voilà ces pauvres vieux arbres par terre !
    Maintenant, il ne reste plus ici de trace des anciens temps, tout est détruit, comme vous le désiriez. Ma foi, cela nous a fait de la peine.» Le jardinier ne répondit rien : il réfléchit aussitôt à ce qu’il ferait de ce nouvel emplacement, bien situé au soleil. En tombant, les deux arbres avaient abîmé les buis taillés en pyramides, lesquels furent enlevés. Larsen les remplaça par des arbustes et des plantes pris dans les bois et dans les champs de la contrée. Jamais jardinier n’avait encore eu cette idée. Il réunit là, le genévrier de la bruyère du Jutland, lequel ressemble tant au cyprès d’Italie, le houx toujours vert, les plus belles fougères semblables aux palmiers. Le sol était couvert de jolies fleurs des prés et des bois.
    Cela formait un charmant coup d’œil. A la place des vieux arbres fut planté un grand mât au haut duquel flottait l’étendard du Danebrog, et tout autour se dressaient des perches où, en été, grimpait le houblon. En hiver, à Noël, selon un antique usage, une gerbe d’avoine fut suspendue à une perche pour que les oiseaux prissent part à la fête : «Il devient sentimental sur ses vieux jours, ce bon Larsen, disaient les maîtres, mais ce n’en est pas moins un serviteur fidèle et dévoué.» Vers le nouvel an, une des feuilles illustrées de la capitale publia une gravure du vieux château. On y voyait le mât avec le Danebrog, et la gerbe d’avoine au bout d’une perche. Et dans le texte, on faisait ressortir ce qu’avait de touchant cette ancienne coutume de faire participer les oiseaux du bon Dieu à la joie générale des fêtes de Noël : on félicitait ceux qui l’avaient remise en pratique. «Vraiment, tout ce que fait ce Larsen, on le tambourine aussitôt, dirent les maîtres. Il a de la chance. Nous devons presque être fiers qu’il veuille bien rester à notre service.»
    Ce n’était là qu’une façon de parler. Ils n’en étaient pas fiers du tout et n’oubliaient pas qu’ils étaient les maîtres et qu’ils pouvaient, s’il leur plaisait, renvoyer leur jardinier, ce qui eût été sa mort, tant il aimait son jardin. Aussi ne le firent-ils pas. C’étaient de bons maîtres ! Mais ce genre de bonté n’est pas fort rare et c’est heureux pour les gens comme Larsen.

    Conte du monde

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