Histoires vraies
Le voyage de Carlos (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie : Carlos réussit à surmonter toutes les étapes sauf qu’aux Etats-Unis vu l’état de sa vieille Ford, on la lui met à la fourrière…
Tout n’est pourtant pas perdu. Les Etats-Unis sont le pays des médias et l’affaire a commencé à faire grand bruit. Une campagne est organisée, tant dans les journaux qu’à la télévision, des dons sont réunis et, bientôt, il y a assez d’argent pour payer deux billets d’avion pour New York. C’est ainsi que Carlos Restelli et son fils font à l’aéroport une arrivée de vedettes.
Ils sont immédiatement dirigés vers la clinique du docteur Rusk et celui-ci prend le Chilien en main. Le docteur est quelqu’un de sérieux.
C’est surtout dans l’orthopédie qu’il est spécialisé. Il ne prétend pas faire marcher les paralytiques, être une succursale de Lourdes, il a simplement mis au point des appareils très perfectionnés pour tirer le maximum des malades, compte tenu de leur handicap.
Avec Carlos Restelli, aidé par tout son personnel, il a à cœur de se surpasser. Mais son confrère qui l’avait examiné à la frontière avait raison : le handicap du Chilien est beaucoup trop lourd ; les deux jambes et un bras, c’est trop et, de plus, il est trop frêle de constitution. On lui construit une chaise roulante dernier modèle qu’il peut manœuvrer avec sa main valide, et c’est tout.
Le miracle espéré ne s’est pas produit. Carlos Restelli est reparti dans le même état physique, même si, grâce à une souscription, c’était en avion, et s’il a mis quelques heures pour faire en sens inverse le trajet qui lui avait pris des mois. Son interminable et épuisante odyssée n’aura quand même pas été inutile : il l’a dit dans la lettre de remerciement qu’il a envoyée une fois chez lui.
Il ne l’a pas écrite lui-même et pas seulement à cause de son bras droit défaillant. Il voulait que ce soit une belle lettre, comme en envoient les gens qui ont fait des études et puis aussi qu’elle soit en anglais, dans la langue du docteur, par politesse. Là encore, c’est à la cathédrale qu’il a trouvé l’aide nécessaire. Un prêtre bilingue l’a rédigée pour lui. La voici, sans autre commentaire. C’est la conclusion de cette histoire, une belle conclusion
Cher Docteur,
Merci de tout cœur. Certes, j’avais beaucoup espéré. Quand on a fait des milliers de kilomètres sur les routes, risqué à chaque instant de tomber dans un précipice, abandonné sa famille, entraîné son fils dans le plus périlleux des voyages, on a le droit de tout espérer. Mais j’ai vu à l’hôpital que d’autres avaient été tout aussi cruellement frappés par le sort, que des Américains très riches étaient parmi eux et qu’ils étaient tout aussi à plaindre que moi. J’ai appris ainsi à mieux vivre avec mon malheur. Je sais aussi que la science humaine a tout fait pour m’aider et qu’il n’y a rien d’autre de possible pour moi. Je peux maintenant m’occuper de ma famille la conscience tranquille, car j’ai tout tenté. Et, Docteur, en définitive, je crois que c’est cela, le miracle.
D’après Pierre Bellemare
29 janvier 2010
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