Au coin de la cheminée
Anansé l’araignée cherche un imbécile à berner (3e partie )
Résumé de la 2 e partie n Le corbeau ayant été prévenu par le faucon des desseins de l’araignée, la contraint, par ruse, à exécuter toutes les tâches…
Le corbeau sauta sur ses pattes.
— Anansé, cette fois, sois gentille. Laisse-moi porter ces nasses à l’eau. A ton tour de prendre la fatigue. Moi je n’en peux plus, tu sais !
— Tiens donc ! dit l’araignée. Sûrement pas ! Je les ai fabriquées, je les transporte.
Toi, suis-moi, et prends la fatigue. D’ailleurs tu fais ça très bien.
Et ils descendirent au rivage. L’araignée allait à pas comptés, les nasses en équilibre sur sa tête. Le corbeau suivait, traînant la patte, avec des gémissements à faire frémir la brousse entière.
Au bord de l’eau, le corbeau dit :
— Anansé, tu ne le sais peut-être pas, mais une bête féroce habite là, dans la mer. Laisse-moi me mettre à l’eau et poser ces nasses. Et si jamais la bête me mord, à toi de mourir à ma place.
— Turlututu, dit l’araignée. Ce n’est tout de même pas que tu crois que je vais dire oui ? Non non, ces nasses, c’est moi qui les pose. Si la bête me mord, tu meurs.
Et l’araignée, en pataugeant, alla poser les nasses et les garnit d’appâts. Pendant ce temps, les pattes au sec, le corbeau la regardait faire. Puis tous deux rentrèrent se coucher dans la case de l’araignée.
Le lendemain, au petit jour, ils descendirent en hâte au rivage. Dans chaque nasse, il y avait un poisson. Le corbeau dit à l’araignée :
— Deux poissons, quelle chance, Anansé ! Ces deux-là, prends-les, ils sont pour toi. Demain, il y en aura quatre, et ce sera mon tour de les prendre.
— Tricheur ! s’écria l’araignée. Tu me prends pour quoi, pour une imbécile ? Merci bien. Ces deux poissons, tu peux te les garder. Demain, c’est moi qui prendrai les quatre. Le corbeau prit les poissons sans se faire prier. Avec une poignée de manioc, un peu d’huile et des épices, il se mijota un bon fou-tou (Plat complet africain aux innombrables variantes : viande ou poisson plus céréales) et s’en régala tout seul.
Le lendemain, de bon matin, le corbeau et l’araignée retournèrent inspecter les nasses. Il y avait là quatre poissons. Le corbeau dit à l’araignée :
— Quatre poissons, quelle chance, Anansé ! Prends-les, ils sont à toi. Les prochains seront pour moi. Demain, avec tout cet appât, il en aura bien huit au moins !
Mais l’araignée se récria :
— Dis donc ! Tu crois que je vais me laisser faire ? Ces quatre-là, prends-les, je n’en veux pas. Demain les huit seront pour moi.
Le corbeau prit les poissons et les mit à frire tous les quatre. Il se mitonna un foutou de roi et n’en laissa pas une miette.
Le lendemain, dans les nasses, il y avait huit poissons superbes. Le corbeau dit à sa commère :
— Huit poissons, et des gros ! Tu en as de la chance, Araignée ! Allons, prends-les, moi j’attends demain. Il y en aura seize, c’est certain. Et ils seront pour moi, bien sûr.
— J’aimerais voir ça ! dit l’araignée. Non mais, tu me prends pour une imbécile ? La pêche d’aujourd’hui, je te la laisse. Je me réserve celle de demain. (à suivre…)
Récit et légendes de la Grande Kabylie par B. Yabès
28 janvier 2010
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