Anansé l’araignée cherche un imbécile à berner (2e partie)
Résumé de la 1re partie : L’araignée est à la recherche d’un imbécile pour pêcher avec lui et vendre le poisson sans le payer. Un corbeau se propose à ce poste…
Le corbeau attendit à l’ombre d’un fromager (Grand arbre tropical). Mais sitôt l’araignée hors de vue, le faucon vint le trouver.
— Frère, méfie-toi d’Anansé. Tout ce qu’elle cherche, c’est un imbécile, pour faire le travail à sa place. Et quand le poisson sera pris, dis-toi qu’elle compte aller le vendre et se garder tous les sous pour elle.
— Hé là, dit le corbeau. Je n’en savais rien, moi ! Mais maintenant je sais. Merci, Faucon. Ne m’en dis pas plus, j’ai mon idée. Je vais faire semblant d’être d’accord avec Anansé, et nous verrons qui de nous deux fera tout le travail et qui se gardera les sous. L’araignée revint bientôt avec son coutelas.
— Viens, Corbeau. Allons dans la brousse couper des tiges de palmier pour nos nasses.
Au pied du premier palmier, le corbeau dit à l’araignée :
— Anansé, donne-moi ce couteau. Je vais couper les tiges. Toi, tu restes assise ici et tu prends ma fatigue, d’accord ?
Mais l’araignée n’était pas d’accord.
— Holà, Corbeau, tu me prends pour quoi ?
Pour une imbécile ? Non non, c’est moi qui coupe. Toi, tu restes assis là et tu te charges de toute la fatigue.
Et l’araignée coupa, coupa, des heures durant, tandis que le corbeau se prélassait à l’ombre en poussant de grands soupirs épuisés.
Les tiges coupées, le corbeau aida l’araignée à les lier en botte et déclara :
— Allons, Anansé, laisse-moi porter ce fardeau. Toi, tu n’as qu’à me suivre. Je te laisse la fatigue et le tour de reins,
— Taratata, Corbeau ! Tu me prends pour quoi, pour une imbécile ? Pas question. Aide-moi plutôt à charger ce paquet sur ma tête.
C’est moi qui le porterai, pas d’histoires. A toi la fatigue et le tour de reins.
Et le corbeau se contenta de suivre, en soupirant et gémissant à la perfection, comme s’il souffrait le martyre à chaque pas. Anansé l’araignée transportait le fardeau.
Devant la case de l’araignée, le corbeau l’aida à se décharger et déclara :
— Et maintenant, laisse-moi fabriquer ces nasses. Mais si, mais si, laisse-moi faire. A toi la fatigue et les crampes aux doigts.
— Jamais ! dit l’araignée. Tu veux rire. Si quelqu’un s’y connaît en tissage et vannerie, c’est bien moi. Laisse-moi tresser ces tiges et à toi la fatigue. Le corbeau se vautra sur la meilleure natte de la case, et se mit à gémir, à geindre, à soupirer avec plus d’ardeur que jamais.
— Imbécile, dit l’araignée. Tu n’as donc rien dans la cervelle ? A t’entendre on te croirait à l’article de la mort. Et elle se mit à l’ouvrage. Et croise, et tords, et tisse et tresse, au bout d’un long après-midi elle avait confectionné deux belles nasses. (à suivre…)
Récit et légendes de la Grande Kabylie par B. Yabès
28 janvier 2010
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