par Kamel Daoud
Une théorie de la restauration de l’Algérie comme pays habitable et pas invivable se pose cette question: «Pourquoi notre Etat, régime, Pouvoir, ministres et Calife ne sont pas comme Saâdane ?», calmes, sages, heureux, gagnant-gagnant pour tous et humbles comme c’est impossible pour tout décolonisé et décolonisateur. Une façon de dire que le mal est dans l’entraîneur de la RADP ou ses entraîneurs.
Avec des Pères du peuple comme le sélectionneur national, il est supposé que le pays pourrait aller tirer des penaltys sur la lune, contre le sous-développement et qu’on sera tous gagnants là où nous allons rien qu’en chantant l’hymne et en agitant des drapeaux. Est-ce vrai ? A moitié, pour être juste. Car l’autre question est encore plus vraie: «Pourquoi n’avons-nous pas un peuple qui ressemble à nos joueurs de l’EN ?». Car il ne suffit pas d’avoir un bon entraîneur, mais aussi de bons joueurs pour jouer le ballon avec la lune. On s’imagine donc une équipe de foot qui nous ressemble tous, bons ou mauvais, citoyens ou pirates, barbus ou imberbes, et ce que pourront être ses résultats.
Imaginez un Chaouchi qui laisse passer le ballon de l’adversaire contre un lot de terrain, un Matmour qui ne croit même plus en ses propres jambes chaque matin, un Halliche qui ne songe qu’à émettre des fatwas contre les couples, un Saïfi soucieux de vendre des maillots de jeu par le biais de son propre fils sans appels d’offres et à travers des sociétés de consulting fictives. Imaginez ce que sera l’EN, même avec un Saâdane, avec des défenseurs qui ne discutent que d’augmentations de primes, des attaquants réduits à des importateurs après la mort de Boumediene et un pharmacien comme équipe médicale soucieuse de récupérer l’argent des oeuvres sociales et de lancer une compagnie aérienne vers l’Angola au lieu d’en rapporter la coupe et un second entraîneur qui louche tout le temps vers le coup d’Etat masqué et la manipulation des faux billets de stade.
Avec une telle EN molle du tibia et de la volonté, défaite dès le premier cri, qui en veut à ses ancêtres et ses descendants, qui réclame tout le temps un meilleur repas et dont la moitié est pourrie et l’autre moitié est réduite à la défaite mentale, on ne peut pas gagner même contre le vent. La défaite de l’EN face au Malawi a duré le temps d’un match il y a deux semaines, chez nous elle dure depuis des décennies sans que personne ne s’en excuse ni y trouve à redire ni à faire. On comprend alors pourquoi tout ce pays demande à Saâdane ce qu’il ne peut plus demander à lui-même: gagner et être heureux, s’imposer et aller vers le plus haut.
27 janvier 2010
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