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ICI MIEUX QUE LA-BAS -Harraga un jour, harraga toujours

24 janvier 2010

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Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Harraga un jour, harraga toujours
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

Cette semaine au moins, nous avons une grande nouvelle à annoncer. Les harraga vont disparaître. Non pas en mer, il y en a déjà trop,

mais du vocabulaire. C’est mieux que rien, non ? Oui, selon les journaux, le président de la République est agacé par ce terme. Il aurait demandé aux ministres de le bannir du langage de l’administration et donc, de la conversation. Il ne faut plus dire harraga, sous peine de se voir brûler la politesse.
Du coup, il faut accorder les fonctions de l’ordinateur de telle sorte qu’il remplace partout le mot harraga par le synonyme policé du dictionnaire présidentiel : émigrés clandestins. Ça ne rappelle pas cette histoire des années de l’arabisation au Karcher ? Un type est en train de se noyer. Il crie : «Au secours !» Celui qui l’entend reste prof d’arabe jusqu’à la mort. De l’autre, bien sûr. Depuis la berge, où il compte le nombre de trimestres de hassanate engrangé pour la retraite, il répond au noyé : «Ne dis pas au secours mais el ghayt» et il le laisse plonger tranquillement dans les abysses où les monstres marins s’apprêtent à faire festin de sa carcasse bilingue. Donc, il ne faut plus dire harraga, mais émigrés clandestins. Quels effets aura sur le phénomène tragique des harraga ce relooking ? Dans le fond, aucun, bien sûr ! S’il suffisait de renommer les choses qui posent problème pour les résoudre, on serait déjà au paradis. A moindre frais. Petits exemples faciles et innocents. Ne dites plus hogra et vous verrez l’abus d’autorité disparaître de ce pays comme sous l’effet d’une baguette magique. Essayez, et vous verrez, c’est instantané. Mettons que, à Dieu ne plaise, un ponte vienne vous expulser de chez vous pour y mettre sa progéniture. Vous vous retrouvez à la rue et vous criez que vous êtes victime d’un abus. Il n’y a plus de hogra puisque ce n’est pas dit. Il n’y a plus rien de cette humiliation ajoutée à l’arbitraire exercé par le plus fort au détriment du plus faible que renferme le mot hogra. Ne répétez pas, comme un perroquet, le mot tchipa et vous apercevrez le pot-de-vin filer à l’anglaise comme Moumen Khalifa. Surtout ne vous avisez pas de prononcer ce mot impie de pot-devin, car vous verriez le montant du pot de petit-lait grimper aux arbres. On peut dresser un lexique entier de mots désagréables à changer. Mais revenons aux conséquences du remplacement du mot harraga par émigrés clandestins. Au mieux, cet ennoblissement du vernaculaire «harraga » en catégorie universelle, sociologique ou policière «émigrés clandestins», banalisera le problème. Harraga, mot qui comporte le feu qui brûle, est chargé à l’évidence d’un sens transgressif. On y sent, rien qu’en l’entendant ou en le lisant, le désespoir. Harraga : brûleurs. Brûler les frontières, les politesses, ses vaisseaux pour se couper de toute retraite. Emigré clandestin ? Se dit d’une personne qui n’a pas de papiers dans un autre pays que le sien. En les rangeant parmi les émigrés clandestins, on enlèverait aux harraga tout ce que leur geste peut avoir d’héroïque et de désespéré. Parenthèse : cet héroïsme et ce désespoir sont admirablement rendus dans le dernier film de Merzak Allouache dont le titre est… Harragas ! J’espère que les jeunes spectateurs algériens pourront le voir, ce film. Ce qui gêne dans harraga, ça doit être précisément ce sous-entendu d’héroïsme suicidaire qui anime des jeunes préférant le risque de mort à l’assurance de la vie en Algérie. En un sens, leur geste est un acte de protestation politique puisqu’il marque une rupture claire avec le pouvoir en place. Les harraga sont des kamikazes qui ne font de mal qu’à eux-mêmes et qui veulent le paradis sur terre. En changeant leur nom plutôt que leur condition, on veut leur enlever jusqu’à cette liberté de s’autonommer. Autonomie. On leur confisque cette dernière, qui peut s’exercer dans le risque, mais qui demeure un élément de libre arbitre. On a toujours appelé les harraga harraga. Du plus loin qu’on s’en souvienne, le mot était déjà un concept. Il a pris le sens dramatique qu’il a aujourd’hui à la faveur de la vague des départs massifs par mer, des années 2000. Ce phénomène, le pouvoir politique en place a, d’abord, essayé de le minimiser en le taisant. Et si l’on avait été dans l’Algérie de la monopresse d’avant-1989, on n’en aurait, sans doute, jamais entendu parler sinon par le plus puissant des médias, la rumeur. Dans un deuxième temps, le pouvoir a tenté de jeter le discrédit sur la chose. C’est la fameuse déclaration de Belkhadem, alors chef du gouvernement, débusquant derrière chaque désespéré de l’Algérie de Bouteflika un jeune dont le rêve se bornait à revenir d’Europe avec une bagnole pour frimer dans son quartier. La troisième phase, et la plus continue, c’est la répression. Qui échappe à la mort n’est pas épargné par le bâton. Enfin, cette phase cinq : changer de nom pour diluer la chose dans le sens commun. Ni l’humeur du prince ni même une législation ne peuvent changer le langage. Ce dernier, c’est connu, n’obéit qu’à une loi, l’usage. On se forge les mots dont on a besoin. Tout le reste est littérature et ce n’est pas forcement ce dont on a besoin dans ce cas précis.
A. M.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/01/24/article.php?sid=94694&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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