Djurdjura-1956-1962 : Combats et massacres à huis closNedjema Belkacem, un maquisard de première heure s’en souvient …
Nous lui avons rendu visite, dans sa demeure au village Tifilkout où il coule une retraite paisible dans un décor panoramique. Une paix que ne vient troubler que les souvenirs de l’atrocité de la guerre.
Par Si Hadj-Mohand Abdenour
Chaque colline, chaque rocher, chaque ruisseau, chaque sentier raconte l’histoire de nos moudjahidine, qui, armés qui d’un couteau, qui d’un fusil de chasse, ou encore d’une grenade ont affronté avec courage et conviction l’envahisseur colonial. Nedjema Belkacem se souvient aussi des noms des soldats français tués lors d’accrochages violents ou simplement de tirs courageux de nos vaillants moudjahidine cernés dans un abri ou une casemate.
C’est le cas de François d’Orléans, pour qui il n’avait pas, du reste, fallu des moyens énormes de destruction massive pour l’atteindre : trois maquisards terrés dans leur trou de fortune prés du village de Taourirt Ali Ouanacer, armés beaucoup plus de leur courage et conviction que d’un arsenal puissant ont atteint dans leur ultime défense le petit fils du Roi Philippe, lieutenant de l’armée coloniale.
En tout et pour tout, les combattants de l’Armée de libération nationale n’avaient qu’un fusil de chasse à canon unique et quelques cartouches, une grenade et un poignard à aligner contre l’armada de l’OTAN constituée, elle, de l’artillerie lourde, des armes automatiques, des grenades, des FM, des gaz asphyxiants…des bidons de napalm et une panoplie d’avions. Nedjema Belkacem se souvient de ses compagnons de guerre. Il suffit d’invoquer un nom de maquisard pour que celui-ci se mette sans hésitation ni parcimonie à vous narrer des détails qui font ressurgir de la mémoire les personnages et les faits. Il connaissait non seulement Aroua Mohand Oussalem, Si Hadj Mohand Cherif, respectivement Adjudant et Chef El Habous, mais il se remémore avec force détails les missions et les actions de chacun. A ce titre Belkacem Ounedjma, nous a promis de revenir sur tous les événements dont il se souvient sur la guerre que nos ainés ont mené dans la région. « Nos enfants, a-t-il ajouté doivent connaître l’histoire de leurs ancêtres ».
Il est né le 6/08/1931 à Tifilkout, Nedjema Belkacem été Militant depuis 1954, puis entré au maquis depuis 1955 où il aura le garde d’Adjudant. Il servira sans défaillance la Révolution jusqu’à l’Indépendance.
A l’occasion de cette visite, lors de notre déplacement dans la région tout recemment, il évoqua ses frères de combats qui ont été ses aînés et ses premiers contacts avec l’organisation de l’ALN. Il s’agit en l’occurrence de : Allik Omar, dit Si l’Hocine militant du MTLD et Ouamara Merzouk dit Si Abdellah, lui aussi militant du MTLD.
« Ces deux frères de combats étaient réticents quant à mon engagement dans les rangs des djounouds, préférant m’assigner une mission d’organisation dans le village. »
Si l’Hocine aura par la suite le grade de capitaine et activera sans relâche dans la wilaya 6, jusqu’ à sa mort, quant à Si Abdellah, il sera lieutenant dans la zone 2 de la wilaya 3.
Nedjema Belkacem, qui a participé aux côtés de ses frères de combat dans la région des illilten évoquera les noms d’autres maquisards sur lesquels il a promis de revenir en détail dans les rencontres prochaines que nous avons prévues avec lui.
Il n’a pas manqué de révéler quelques informations inédites sur les héros de la révolution et sur le congres de la Soummam qui s’était en fait déroulé dans plusieurs endroits pour des raisons de stratégie et de sécurité.
Ainsi, Nedjema Belkacem nous apprendra que le chef révolutionnaire Krim Belkacem a tenu une réunion dans une des maisons de Kabylie, au village de Tifilkout avec, à ses côtés d’autres hauts responsables.
A la question de savoir s’il se souvenait des autres maquisards célèbres, la réponse ne s’était pas faite attendre, non sans loquacité que l’on ne lui connaît pourtant pas dans d’autres sujets.
Aroua Mohand Oussalem et Si hadj Mohand Chérif, pour le seul village iferhounene, ne peuvent passer inaperçus pour ce témoin vivant. Il connaissait bien entendu tous les hauts gradés de la révolution dont il peut vous entretenir avec force détails sur leurs caractères, leur âge, leurs niveaux d’instruction et leurs anecdotes.
Nedjema Belkacem a occupé à l’indépendance la fonction de président d’APC, et c’est avec un point d’honneur et une pointe d’orgueil qu’il révélera des statistiques se rapportant à la période que durera la révolution pour cette région d’Algérie qui connaissait parfaitement et dont il dit qu’elle a été fortement éprouvée par les combats, la répression et la faim.
A ce titre, nous dira-t il, les trois communes sur lesquelles il avait la responsabilité de la gestion administrative ont enregistré de 1956 à 1962 pas moins de 1900 maquisard tués au combat
Compte tenu du nombre d’habitants que comptaient, bien plus tard, en 1967 ces trois communes cela ne représente pas moins de 15% de la population globale.
Il suffit de jeter un œil sur les statistiques, dira t il, pour se rendre compte du degré de sacrifice consenti par la région
La commune d’illilten comptait en 1967 : 9000 habitants
La commune d’Imesdourar (iferhounene) comptait quant à elle 12 000 habitants
Quant a commue d’Imesssouhal, elle en avait 7 000 habitants.
S.H.A.
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23 janvier 2010
Colonisation