date();Samedi 23 Janvier 2010
SOUG ENN’SSA
Par M. Mahdia
Nous sommes tous étrangers dans nos propres salons
En
Algérie, dans les villes comme dans les villages, les algériennes,
mères au foyer ou patronnes de leurs maisons, ont une tradition: celle
du Salon. Contrairement aux occidentaux ou autres civilisations, nous,
nous n’avons pas la culture de la salle de séjour au centre de la
maison, véritable plaque tournante de la vie quotidienne et où on
s’installe en famille pour manger, débattre, regarder la télévision ou
recevoir des invités. Chez nous, quand ont habite dans une villa ou une
maison de maître, l’usage veut qu’ont ait au moins deux portes
d’entrée: l’une pour tous les jours et l’autre pour les invités, les
«étrangers», les hommes généralement, «horma» oblige. L’essentiel étant
que le salon ait sa propre porte d’accès qui ne passe pas par la
cuisine, ni les appartements des femmes et qui préserve l’intimité.
L’usage est valable même dans les appartements des grands immeubles:
là, le salon est situé généralement immédiatement près de la porte
d’entrée pour que l’invité y entre directement sans pouvoir jeter un
coup d’œil ni à la cuisine ni à la femme qui y remue les casseroles.
C’est dans nos traditions, mais cela fait oublier un curieux usage de
nos familles: le salon est la pièce la mieux équipée, l’endroit où l’on
investit les économies d’une vie en fauteuils, salon marocain, bancs en
bois de luxe, beau tapis, vases de luxe et vaisselles de prestige.
C’est la pièce où l’on retrouve les plus beaux rideaux, l’argenterie de
la famille, le bahut, les poufs, l’écran TV plat, la table en verre et
les photos des grands parents. Et pourtant, c’est la pièce que la
famille fréquente le moins, la laissant sous clef, fermée presque toute
l’année, abandonnée à l’air moisi et à la poussière cyclique, fermement
interdite aux chats et aux enfants, préférant vivre dans les pièces
annexes. C’est ainsi que chez nous, par excès de générosité, on préfère
offrir la meilleure pièce à l’invité qui y vient une fois l’an et vivre
dans la «seconde classe» de sa propre maison sur les matelas usés et
sous les rideaux de tous les jours. Le salon? On s’y sent presque
étranger chez soi, lorsqu’on y entre de temps à autre.
23 janvier 2010
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