50e anniversaire de la mort d’Albert Camus
Albert Camus au panthéon ?
Les avalanches de louanges l’auraient fait sourire. Mieux que personne, sans doute, cet homme détaché aussi drôle qu’il était tourmenté, même le prix Nobel de littérature qu’il avait reçu en 1957 n’avait, en rien, altéré son goût,
fort limité, pour les honneurs officiels. Ce fut de sa façon à lui, simple et émouvante, de montrer sa reconnaissance à la république française, rien de formel et tout en sensibilité, c’est du bout des doigts, déjà, qu’il avait accepté la médaille de la résistance, pensant que le pays ne lui devait rien. Alors Aller dormir au panthéon, pour l’éternité. L’idée du président de la république. La déclaration de Nicolas Sarkozy a notoirement contribué à susciter beaucoup de bruit autour du cinquantenaire de la mort de l’auteur de «L’étranger» et de «La peste». Camus un auteur «pour classes terminales», comme des critiques l’ont dit avec mépris, au moment du prix Nobel, ou un irrécupérable penseur de l’absurde et de la révolte ? son biographe Olivier Todd est de ceux qui ont protesté contre cette sacralisation. «Pour Jean Moulin, cela avait un sens, cela faisait connaître, aux Français, une grande figure de la résistance. En 1945, il a été un des seuls à protester contre les massacres de Sétif. On a voulu en faire un homme de droite, parce qu’il s’était prononcé contre l’indépendance de l’Algérie. Il aurait voulu ce dont on rêve, aujourd’hui, pour l’Afrique du Sud, que les deux communautés arrivent à vivre ensemble. Avec Sartre, Camus a entretenu des rapports de camaraderie dans l’euphorie de l’après guerre. Mais quand les temps modernes ont fait une critique négative de «L’homme révolté» en 1951, Camus, qui état susceptible, a rompu. Ce qui n’a pas empêché Sartre de lui consacrer un hommage, splendide, à sa mort. Lui, le génie, reconnaissait à Camus un talent certain. L’œuvre de Camus donne ses lettres de noblesse au refus de confondre révolte et révolution. Dans les années de plomb de l’ après guerre, Camus déploie une pensée lucide, et vibrante, qui n’endosse aucune étiquette, ne se laisse jamais embrigader, ne cède rien aux modes de son temps et aux ornières dans lesquelles Sartre, pour ne citer que lui, n’a cessé de tomber. Albert Camus est un déchiré, constamment attaché à envisager les vérités qui ne sont pas les siennes, aux certitudes bourgeoises des conservateurs, et des révolutionnaires, Camus oppose, par le bel exemple de sa vie, l’inconfort d’une pensée qui ne se repose jamais. Il est, ainsi, le seul adversaire du FLN à avoir été contraint à l’exil, hors d’Algérie, pour avoir pris la défense des ouvriers musulmans. De façon générale, son éloge de la révolte va de pair avec un refus de la violence. Sa fille raconte qu’il écrivait tôt, le matin, sur la terrasse de sa maison de Lourmarin, le village du Lubéron, où il est enterré. Qu’on le laisse donc là-bas, dans la lumière du sud et les parfums de l’aube. Albert Camus a été la cible d’attaques violentes. On lui reproche de ne pas s’exprimer sur la question algérienne. Se souvenant de ses racines, il déclare : «je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice». C’était en 1957. Depuis cette déclaration, l’œuvre de l’écrivain fait l’objet d’ostracisme en Algérie. H. Eldrup
La Nouvelle République
23-01-2010
23 janvier 2010
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