Histoires vraies
Les quarantièmes rugissants (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Ramon a offert à sa femme un voilier, mais à la grande déception de celle-ci il décide de mettre son frère à la tête de ses affaires…
A partir de là, c’est une nouvelle vie qui commence pour les époux Carlin. Ils ne sont pas toujours en bateau, mais durant les années qui suivent, ils font quelques promenades à la belle saison et même deux ou trois régates d’amateurs car, effectivement, Ramón Carlin se révèle un assez bon marin. Et puis, un jour de 1973, celui-ci annonce à son épouse :
— Chérie, j’ai une surprise !
Paquita est un peu craintive. Elle n’a pas oublié l’anniversaire de ses quarante-cinq ans et elle s’attend à un nouveau bouleversement dans son existence. Elle ne se trompe pas.
— J’ai décidé d’acheter un nouveau bateau. Il s’appellera le «Sayula II».
Et Ramón tend à sa femme la photographie d’un superbe voilier à deux mâts. Paquita le contemple avec étonnement.
— Mais il est très grand !
— Il fait dix-neuf mètres soixante, avec une coque tout en plastique. C’est le dernier cri de la technique.
— Tu ne pourras jamais le faire marcher tout seul.
— Effectivement. J’en ai déjà parlé aux enfants et ils sont d’accord.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— J’en ai parlé aussi à nos neveux, car le «Sayula II» a besoin d’un équipage de dix hommes. Ils sont d’accord aussi. J’ai pris les billets d’avion pour tout le monde. Nous partons la semaine prochaine.
Paquita pense être au bout de ses surprises, mais elle est loin d’avoir tout entendu. Elle demande :
— Il est en Floride, comme l’autre ?
— Non, au nord de la Finlande. C’est là qu’on fabrique les meilleurs…
Ramón Carlin marque un temps. Il a beau savoir que sa femme l’a toujours suivi aveuglément, il a quand même un moment d’hésitation.
— De là, on ira à Portsmouth en Angleterre. C’est de là que part… la Course autour du monde.
— Tu ne parles pas sérieusement ?
— Si. Je me suis déjà engagé.
— Et tu ne veux tout de même pas que je vienne avec toi ?
— Bien sûr que si.
— Mais je ne sais rien faire !
— Tu t’occuperas de la cuisine. Ta présence nous fera beaucoup de bien au moral, aux enfants et à moi.
Paquita Carlin est décidément une épouse modèle et soumise, car, encore une fois, elle accepte. Par malchance pour elle, le «Sayula II» essuie une terrible tempête entre la Finlande et l’Angleterre. Elle croit mourir tant elle est malade et elle se demande ce que va être le tour du monde. Mais elle ne dit rien et, début septembre 1973, elle se retrouve à Portsmouth. Jusqu’à présent elle avait trouvé que le «Sayula II» était un voilier gigantesque, en voyant les autres concurrents amarrés à quai, elle découvre que c’est de loin le plus petit.
Il y a là, en effet, la fine fleur de la voile mondiale, des navires mis au point selon les techniques les plus sophistiquées et sponsorisés à prix d’or : «Pen Duick VI», d’Eric Tabarly, «Adventure» et «Great Britain II», qui réunissent l’élite de la voile britannique, «Kriter», d’Alain Gliksman, «33 Export», de Dominique Guillet, et tant d’autres encore. A chaque escale, ils seront attendus par toute une équipe de techniciens et un équipage de rechange sera là pour embarquer si nécessaire. Ramón Carlin, lui, courra avec son bateau acheté sur un catalogue, ses quatre fils, ses six neveux et Paquita, qui se demande ce qu’elle fait là. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
24 janvier 2010 à 14 02 06 01061
Histoires vraies
Les quarantièmes rugissants (3e partie)
Résumé de la 2 e partie n De nouveau Ramon offre à sa femme un voilier cette fois beaucoup plus grand et ils vont participer, avec pour équipage leurs enfants et leurs neveux, au tour du monde…
Les journalistes le demandent aussi à son mari, mi-admiratifs mi-ironiques. Mais l’optimisme du Mexicain est vraiment à toute épreuve. Il déclare sans se démonter :
— Nous sommes là pour gagner !
Et le 8 septembre, c’est le grand jour, le «Sayula II», toutes voiles dehors, quitte Portsmouth avec le reste de la flotte. La première escale est Le Cap, en Afrique du Sud. Normalement ce n’est pas l’étape la plus difficile, mais le «Sayula II», ainsi que les autres concurrents, rencontre une nouvelle tempête. Cette fois-ci, Paquita est malade, vraiment malade. Elle dit à son mari :
— Je ne tiendrai pas. Il n’y a pas moyen d’éviter cette tempête ?
— Si, mais pour cela, il faudrait faire un détour. On perdrait beaucoup de temps.
— Fais-le, Ramón. S’il te plaît. Je ne t’ai jamais rien demandé…
Ramón Carlin pousse un soupir. Effectivement, Paquita l’a suivi sans mot dire depuis le début de cette aventure, et cela mérite de faire un geste. Tant pis pour la course !… Le «Sayula II» se détourne donc vers l’ouest, ce qui lui permet de contourner le mauvais temps, et lui fait perdre deux jours et demi.
C’est dommage, car il arrive au Cap précisément avec deux jours et demi de retard sur le premier, «Adventure». Ramón Carlin est très content de lui, et il y a de quoi : avec son équipage familial composé à la va-vite et son bateau de série, il a fait jeu égal avec les meilleurs marins du monde sur leurs prototypes. Il y a pourtant un problème : c’est Paquita. Il semble évident qu’elle n’a rien à faire dans une compétition aussi dure.
Au départ, malgré ses affirmations péremptoires, Ramón Carlin ne pensait pas disputer sérieusement la course, dans son esprit il s’agissait de faire en famille une croisière un peu sportive. Mais le remarquable résultat qu’il a obtenu à la première étape a tout changé. Cette fois, il a réellement une chance. Alors, à contrecoeur, il se résout à se séparer de sa femme.
— Paquita, je crois qu’il vaut mieux que tu rentres au Mexique, d’autant que la suite risque d’être un peu difficile.
Paquita, elle aussi, ne demande qu’à rentrer. Elle est tout de même inquiète. Avant de prendre l’avion, elle fait promettre à son mari d’être prudent. Celui-ci lui jure que ce sera le cas, pourtant telle n’est pas du tout son intention. Tout de suite après son départ, il réunit ses neveux et fils.
— La prochaine étape, jusqu’en Australie, sera la plus dure. Nous allons affronter les quarantièmes rugissants. Vous savez ce que c’est ? Oui, tous savent de quoi il s’agit. Cette route très au sud, au-delà du quarantième parallèle, se situe plus bas que toutes les terres émergées. Ce qui fait que les vents, qui ne rencontrent aucun obstacle, font le tour de la terre à une vitesse folle, souvent supérieure à 100 km/h et déclenchant des vagues en proportion avec eux.
Ramón Carlin poursuit :
— A ce moment-là, si on garde la voilure, on pourra aller très vite, peut-être quinze nœuds ou plus, et on aura une chance de gagner. Evidemment cela risque d’être dangereux. Est-ce que vous êtes d’accord ?
Un «oui» unanime lui répond. L’équipage du «Sayula II» veut tout faire pour tenter sa chance et cette aventure, qui avait commencé de manière plutôt amusante, risque désormais de s’achever dans le drame. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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24 janvier 2010 à 14 02 13 01131
Histoires vraies
Les quarantièmes rugissants (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Ramon, avec l’accord de son équipage, prend un risque immense en laissant les voiles déployées alors que le vent est fort…
Trois semaines ont passé. Cela fait maintenant dix-neuf jours que le «Sayula II» a quitté Le Cap, direction Sydney, avec son skipper rondouillard de cinquante ans et son équipage de novices. Il a atteint les quarantièmes rugissants tout en gardant sa voilure et, effectivement, il file à toute allure. Seulement, dans quelles conditions ! Poussé par un vent arrière de plus de 100 km/h, il va au-devant de vagues de vingt à trente mètres. Ce sont constamment des montagnes russes vertigineuses. Mais ce n’est pas cela le pire. Le pire, ce serait de rencontrer la déferlante, le rouleau qui, au lieu de soulever le bateau, se brise dessus et l’engloutit.
Ramón Carlin est à la barre. En plus du vent, il fait un temps épouvantable : les nuages gris et la grêle donnent l’impression d’être au milieu de la nuit, alors qu’il est aux environs de midi. C’est à peine si on voit arriver les vagues hautes comme des immeubles qu’il faut prendre bien en face, sous peine d’être basculé par le côté.
Ramón Carlin aperçoit un filin qui ballotte à la voile principale. Il doit absolument la fixer, sinon celle-ci risque de se déchirer. Pour un court instant, il décroche son harnais de sécurité. Geste fatal : un paquet de mer arrive précisément à ce moment et le jette par-dessus bord, dans une eau à 6°.
Il a heureusement deux réflexes : il hurle et il s’accroche au filin. Tout de suite après, il se trouve tiré par le bateau, qui fonce à une vitesse folle. Le câble de nylon lui scie la main, qui se gèle déjà. Il sent qu’il tiendra dans ces conditions extrêmes quelques minutes, pas plus. Après, il lâchera et tout sera fini.
Mais son cri a été entendu. Ses fils et neveux se précipitent et lui lancent un autre filin. Avec l’énergie du désespoir, de sa main libre, il passe celui-ci autour de sa taille. Les garçons, giflés par la grêle et les paquets de mer, tirent de toutes leurs forces, risquant de passer eux-mêmes par-dessus bord. A cause de la vitesse avec laquelle il est traîné, Ramón Carlin leur semble peser des tonnes.
Enfin, il arrive au contact de la coque. Il est hissé sur le pont où il s’effondre. Il est si frigorifié qu’il croit qu’il va mourir quand on lui glisse le goulot d’une bouteille de rhum dans la bouche, et il renaît à la vie. Enrique, son plus jeune fils, dix-neuf ans, lui hurle :
— Va te reposer dans ta cabine, papa, je prends la barre.
Ramón Carlin ne proteste pas. Dans l’état où il est, il a absolument besoin de récupérer. Il descend donc à l’intérieur du voilier, suivi du reste de l’équipage, sauf Enrique, attaché à la barre avec son harnais de sécurité, car par un temps pareil il n’y a qu’un homme sur le pont. Une fois dans sa cabine, Ramón Carlin s’affale sur sa couchette, conscient d’avoir échappé à la pire épreuve de son existence. Il se trompe : le pire est à venir A peine est-il allongé, sans avoir eu le temps de se changer, que c’est le cataclysme. Une déferlante vient s’abattre sur le «Sayula II», qui se retrouve la quille en l’air et les mâts dans l’eau. Dans sa cabine, Ramón Carlin est projeté au plafond où il a manqué de s’assommer. En même temps, la mer arrache le hublot et l’eau glacée entre comme une cataracte.
Ramón Carlin sait qu’il va peut-être mourir, mais ce n’est pas à lui qu’il pense en cet instant. Il pense à Enrique qui se retrouve sous l’eau, attaché à la barre par son harnais. Lorsqu’il a acheté le «Sayula II» au constructeur finlandais, celui-ci lui a certifié que la quille avait été lestée de manière à faire se retourner le bateau au bout de quelques instants, s’il chavirait. Il faut espérer que ce soit vrai, sinon Enrique va être noyé et, lui-même, avec l’eau qui s’engouffre dans la cabine, ne va pas tarder à l’être à son tour. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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24 janvier 2010 à 14 02 29 01291
Cela s’est passe un jour/ Aventures, drames et passions celebres
Les succès de la médecine légale (36e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 35e partie n Elizabeth Borotto est hospitalisée à Manchester. Atteinte d’un cancer à un stade terminal, elle souffre énormément.
Le docteur Sanders regarde sa montre.
— Voilà une heure que je lui ai fait une piqûre, il est temps de lui en faire une autre. Peut-être que ça va atténuer ses souffrances.
L’infirmière le suit jusqu’à la chambre où se trouve la malade. Elle ne peut s’empêcher de la plaindre.
— Pauvre femme !
Madame Borotto, étendue sur son lit, aussi blanche que le drap qui la couvre à mi-corps, geint doucement, à moitié inconsciente. A cinquante-neuf ans, elle en paraît quatre-vingts : son visage décharné pointe des pommettes osseuses, ses yeux semblent s’enfoncer dans ses orbites creuses, ses mains squelettiques agrippent le drap, s’y accrochant désespérément comme pour atténuer la douleur insupportable qui tord son pauvre corps.
L’infirmière soupire encore.
— Pauvre femme.
Elle a pourtant assisté à l’agonie de dizaines de malades, elle a vu de nombreuses personnes souffrir, mais cette femme lui inspire une pitié profonde.
— Il n’y a rien que l’on puisse faire pour elle ? dit-elle
— Non, dit le médecin. Espérons que cette piqûre va la soulager.
Il prend une seringue et s’approche de la malade. L’infirmière se rappellera qu’il n’y a mis aucun produit. Doucement, il allonge le bras gauche, puis plonge l’aiguille dans la veine. L’infirmière s’étonne que le médecin n’ait pas stérilisé la seringue, comme cela se fait habituellement, mais sur l’heure, elle va oublier ce détail.
— Voilà, c’est fait, dit le médecin !
— Vous pensez que cela va la soulager ?
— Oui, je le pense !
Le corps de Mme Borotto se contracte, les doigts se mettent à trembler, serrant encore plus fort le drap.
— Elle réagit, dit l’infirmière !
Les yeux de la malade s’ouvrent, s’éclairant soudain d’une étrange lueur.
— Elle ouvre les yeux… Elle veut peut-être dire quelque chose…
— Je ne pense pas qu’elle puisse parler…
En effet, la lueur des yeux s’éteint aussitôt et les doigts, parcourus d’un long frémissement, se relâchent. L’infirmière regarde le médecin.
— Docteur…
— C’est fini, dit le docteur Sanders, cette pauvre femme a, enfin cessé de souffrir.
— Elle est morte ?
— Oui…
— C’est… inattendu !
— Elle a enfin cesser de souffrir, répète le médecin. Notez l’heure du décès. Je vais annoncer la nouvelle à son mari. (à suivre…)
K. N.
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24 janvier 2010 à 14 02 31 01311
Histoires vraies
Les quarantièmes rugissants (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie n Ramón Carlin – qui vient d’être sauvé in extremis de la noyade – et son équipage sont dans une situation critique vu que la tempête fait rage, leur seul espoir est dans les affirmations du constructeur finlandais de leur bateau..
Le constructeur n’avait pas menti : dans un puissant et majestueux mouvement, la quille bascule et le «Sayula II» se retrouve à l’endroit. Ramón Carlin bondit sur le pont. Enrique est à son poste, grelottant, toussant, crachant, mais vivant. Il cesse de s’intéresser à lui car il y a plus urgent. Est-ce que la mâture a tenu ? Si ce n’est pas le cas, le bateau ne sera plus qu’une épave incapable d’affronter les vagues et il ne tiendra pas longtemps.
A tâtons, aveuglé par la grêle, assourdi par le hurlement des quarantièmes rugissants, risquant de se faire de nouveau emporter par-dessus bord, Ramón Carlin examine le pont du «Sayula II» Les mâts sont toujours là mais la grand-voile a été arrachée. Elle pend derrière le bateau, retenue par ses câbles. Elle attendra. Ce n’est pas le plus important pour le moment.
La cale du voilier est inondée et le pont est à peine au-dessus des flots. S’il y a une voie d’eau, tout est perdu. Avec son équipage, Ramón inspecte la coque en tous sens : il n’y a heureusement rien. Tout est arrivé par le hublot qui, maintenant que le bateau est à l’endroit, n’embarque plus d’eau, mais il faut pomper. Il serait nécessaire d’appeler pour demander du secours, malheureusement la radio, qui a été inondée elle aussi, est hors d’usage.
Et c’est le cas des deux pompes électriques, qui rendent l’âme après avoir fonctionné quelques minutes seulement. On découvrira plus tard que, parmi les provisions qui se sont répandues dans l’eau, il y avait deux boîtes de spaghettis qui ont bloqué le mécanisme. Heureusement, le «Sayula II» avait embarqué une pompe de secours à main et celle-là fonctionne. Pendant trois heures, l’équipage se relaie à ce travail épuisant, tandis que Ramón Carlin, qui a repris la barre, guide de son mieux le voilier sans voile dans des rouleaux hauts comme dix étages.
Le «Sayula II» finit par être à sec, le travail n’est pas terminé pour autant. Il faut maintenant ramener la voile. Tandis que Ramón reste à la barre, les dix garçons s’épuisent dans cet effort gigantesque, car mouillée comme elle est, elle pèse des tonnes. Enfin, ils réussissent et, cette fois ils sont enfin sauvés.
Ils arrivent sans autre drame à Sydney et, à leur grande surprise, ils se voient assaillis par une foule de journalistes. La raison en est simple : ils sont les premiers ! Seul Tabarly, sur «Pen Duick VI», peut encore les inquiéter, les autres sont irrémédiablement distancés.
Aux journalistes, Ramón Carlin apprend la catastrophe qui a failli leur arriver, ce qu’ils ignoraient, en l’absence de radio. Et les journalistes lui apprennent à leur tour de dramatiques nouvelles. Cette étape a été la plus dure de toutes les courses de voile organisées jusqu’à présent et trois marins des équipages concurrents sont morts en mer. L’exploit réalisé par Ramón Carlin, ses fils et ses neveux n’en est que plus retentissant.
Et l’exploit se poursuit jusqu’au bout. Lors des deux dernières étapes Sydney-Rio et Rio-Portsmouth, le «Sayula II» conserve son avance. Il l’accroît même, puisque le second, Tabarly, brise ses mâts, et c’est avec une avance considérable qu’il termine en tête, le 12 avril 1974, après 27 000 milles de course. De nouveau assaillis par les journalistes, Ramón Carlin et son équipage ont laissé éclater leur joie.
Paquita était là et elle aussi s’est exprimée devant la presse :
— Je suis très fière que mon mari ait gagné, mais je vous jure que ce sera la dernière fois ! Je ne veux pas le perdre.
Et, effectivement, jamais on n’a revu de «Sayula II» ou de «Sayula III» dans une course de voiliers. Cette fois, c’était Paquita qui avait gagné.
D’après Pierre Bellemare
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24 janvier 2010 à 18 06 51 01511
Histoires vraies
Les évasions du baron de Trenck (1re partie)
Le baron Frédéric de Trenck a vraiment belle allure lorsqu’il est engagé comme lieutenant de la garde du roi de Prusse Frédéric II, au début de l’année 1745. Parmi tous les officiers royaux, il est assurément le plus fringant. Il n’est pas encore âgé de vingt ans, mais sa personnalité est telle qu’on ne peut pas faire autrement que de le remarquer. Avec sa haute stature et ses yeux bleus presque gris, sa manière si naturelle de porter l’uniforme, il a tout pour s’attirer les bonnes fortunes féminines.
Pourtant, inexplicablement, Frédéric de Trenck reste seul à la cour, ignorant les jolies femmes, même de haute condition, qui tournent autour de lui. C’est si étonnant que cela devient un sujet de conversation dans l’entourage du souverain. On pense d’abord qu’il a des mœurs contre nature. Des jeunes gens tentent leur chance sans plus de succès. Alors, quelle est donc la raison secrète qui voue le si séduisant baron de Trenck à la chasteté ?
Ce secret existe bel et bien, et il a même un nom Amélie. Elle a le même âge que lui, elle est aussi jolie fille qu’il est beau garçon, elle est, de plus, spirituelle et cultivée, et il en est tombé amoureux fou dès qu’il l’a vue. Oui, Amélie a tout pour elle. Elle a même trop de choses pour elle, la naissance, en particulier. Elle s’appelle Amélie de Prusse et elle est la propre sœur du roi.
Frédéric de Trenck sait bien que tenter sa chance est de la folie, l’amour est trop fort, et il est d’une nature à n’avoir absolument peur de rien. Les circonstances le favorisent. Une nuit de juillet 1745, un grand bal est donné dans les jardins du palais. Les couples dansent au son de la musique et peuvent ensuite s’éclipser dans les jardins. Inviter la princesse est hardi, mais Amélie ne lui oppose aucun refus lorsqu’il s’incline devant elle et les voilà tous les deux partis.
Frédéric devrait s’estimer heureux de cette faveur et s’en tenir là, mais encore une fois, ses sentiments et sa nature intrépide lui font franchir un pas supplémentaire. A peine les derniers accords se sont-ils tus qu’il prend sa cavalière par la main et l’entraîne dans un bosquet. Miracle, elle n’oppose pas de résistance et elle ne pousse pas de hauts cris lorsqu’il met un genou à terre pour lui déclarer sa flamme. Au contraire, elle rougit, se trouble. Elle lui dit que c’est de la folie, que rien n’est possible entre eux, mais elle le laisse parler.
Les jours suivants, il continue sa cour et la princesse Amélie ne tarde pas à avouer ses sentiments : elle aussi est tombée amoureuse de lui dès qu’elle l’a vu. Il est l’homme de sa vie. Et comme elle a un caractère tout aussi entier que le sien, elle n’hésite pas. Elle va trouver sans attendre son frère le roi de Prusse et lui déclare :
— Le baron de Trenck et moi, nous nous aimons. Je veux l’épouser ! -
Frédéric II ne l’entend évidemment pas ainsi. Même si les Trenck sont de bonne noblesse, ce serait une mésalliance, et puis il y a la politique : afin de resserrer les liens avec la Suède, il envisage de marier sa sœur à un prince de ce pays. C’est un non catégorique et définitif. Frédéric II ajoute même :
— Je vous interdis de vous voir, sinon prenez garde !
Bien que baron et princesse, Frédéric et Amélie sont d’abord deux jeunes gens amoureux l’un de l’autre, la raison et la prudence sont les dernières choses qu’ils connaissent et ils continuent quand même à se rencontrer. Ils le font en cachette, en prenant le plus de pré-cautions possible, mais c’est compter sans les nombreux espions dont Frédéric II dispose à sa cour. Un jour de septembre 1745, le baron de Trenck voit son capitaine s’approcher de lui et lui demander de lui remettre son épée. Il s’étonne :
— Que se passe-t-il ?
— Vous êtes en état d’arrestation.
— Qu’ai-je fait ?
— Je ne sais pas, mais suivez-moi. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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24 janvier 2010 à 19 07 01 01011
Histoires vraies
Les évasions du baron de Trenck (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Le baron Frédéric de Trenck est épris de Amélie – sœur du roi de Prusse. Cette liaison n’est pas du goût du roi…
Quelques minutes plus tard, Frédéric de Trenck se retrouve dans une salle du palais et découvre, avec stupeur, des juges qui sont là à l’attendre, assis sur une estrade. Leur président lui déclare de but en blanc :
— Vous êtes accusé d’entretenir une correspondance secrète avec la cour de Vienne…
Le baron de Trenck proteste, s’insurge, crie au scandale, demande un avocat. Déjà les juges se retirent pour délibérer. Ils reviennent presque aussitôt et le président lui annonce :
— Frédéric de Trenck, vous êtes condamné à la prison à vie.
Il n’a pas plus tôt prononcé ces paroles que des soldats surgissent et s’emparent du condamné. Quelques instants plus tard, celui-ci est installé dans une calèche, qui quitte Berlin sous bonne escorte, en direction de l’est.
Elle roule longtemps, pendant plusieurs jours, car sa destination est la partie la plus orientale du royaume de Prusse, la Silésie. Là, le baron de Trenck découvre enfin le but de son voyage : la forteresse de Glatz, un château médiéval bâti sur un piton rocheux, qui a été transformé en prison, en raison de l’épaisseur de sa triple enceinte. Sans rien lui dire, on le conduit dans une cellule tout en haut du donjon et il attend.
Normalement, il n’a rien à attendre, puisqu’il est enfermé pour la vie, pourtant, il refuse de se laisser aller au découragement. La princesse Amélie ne peut l’abandonner, elle va sûrement intervenir en sa faveur. Et non, les jours, les semaines passent sans qu’il se produise rien. Au bout de six mois, il comprend qu’il n’a pas d’espoir à attendre de ce côté et qu’il ne peut compter que sur lui-même.
Frédéric de Trenck décide donc de s’évader. Ses geôliers ont commis l’imprudence de lui laisser un canif. Il entreprend de denteler la lame et, avec cet instrument de fortune, il s’attaque aux barreaux. Il a également dans ses affaires une malle de cuir pour ranger ses vêtements. Il la découpe en longues lanières, qu’il attache bout à bout, ce qui finit par constituer une corde solide et assez longue pour des-cendre jusqu’en bas du donjon.
Et, une nuit, il tente la grande aventure. Il arrache les barreaux descellés depuis longtemps et se laisse glisser le long du filin de cuir. Les conditions sont on ne peut plus favorables il tombe une pluie épouvantable, c’est un temps à ne pas mettre une sentinelle dehors. Il parvient au sol sans encombre. Il lui faut alors traverser à gué un égout. Surmontant sa répulsion, il s’y engage hardiment, mais il est bientôt pris jusqu’à la ceinture. Il ne peut plus avancer ni reculer. La mort dans l’âme, il doit se résoudre à appeler au secours.
Les sentinelles finissent par arriver. Le commandant de la forteresse est prévenu à son tour. Il ne peut s’empêcher d’éclater de rire en voyant le spectacle de son prisonnier englué dans les immondices sous une pluie battante.
— Vous êtes très bien là où vous êtes ! Vous y resterez jusqu’à midi.
Le lendemain, le baron de Trenck est ramené dans une autre cellule aux barreaux intacts. Il aurait pu attraper quelque méchante maladie, tant en raison de l’averse que des miasmes de l’égout, mais il est de santé solide et, quelques jours plus tard, il est de nouveau en pleine forme. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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24 janvier 2010 à 19 07 09 01091
Histoires vraies
Les évasions du baron de Trenck (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Le roi emprisonne le baron dans une forteresse, mais ce dernier tente une première fois de s’échapper mais il est vite rattrapé par les gardes…
Il est même si bien rétabli qu’il décide de passer immédiatement à l’action. Et il change de tactique. Il n’a pas réussi à s’évader en employant la patience et l’adresse, il va employer la force. Il faut dire qu’il est d’une constitution peu commune. Il dépasse d’une bonne tête la plupart de ses contemporains et il est bâti en athlète. Lorsque le commandant de la place, courtois malgré tout, vient prendre de ses nouvelles dans sa cellule, il bondit sur lui et lui arrache son épée.
La suite est digne des meilleurs films de cape et d’épée. Son arme à la main, il dévale les escaliers. En bas des marches, un groupe de soldats, alertés par les cris du commandant, lui barre la route. A coups d’épée, à coups de pied et de poing, il en blesse quatre, puis il franchit un premier rempart, se débarrassant de nouveaux assaillants. Il doit à présent escalader une palissade. Son pied se trouve pris entre deux piquets et, le temps qu’il se dégage, il est rattrapé. Il est roué de coups et reconduit dans sa cellule.
Cette fois, il est soumis à un régime d’exception. Il y a un factionnaire en permanence devant sa porte. Des fouilles sont effectuées quotidiennement et par trois gardiens, ce qui rend impossible toute agression de sa part. Dans ces conditions, toute évasion semble irréalisable ; le condamné à perpétuité qu’il est, semble promis à passer sa vie derrière les barreaux.
Pourtant, dès cet instant, Frédéric de Trenck met au point un nouveau plan. Très différent des deux premiers, il ne nécessite ni couteau taillé en lime, ni corde en lanières de cuir, ni épée, mais un instrument peut-être plus efficace encore…
Si la princesse Amélie n’a pas pu obtenir la libération de l’élu de son cœur, elle ne l’a pas oublié, loin de là. Et, au bout d’un moment, son frère finit par lui donner l’autorisation de correspondre avec lui. Elle lui écrit, bien sûr, et elle lui envoie aussi des colis et de l’or, beaucoup d’or. Le commandant a laissé remettre au prisonnier ces envois, après les avoir fait fouiller, pensant qu’ils ne présentaient pas de danger. C’est une erreur.
Etre affecté à la garnison d’une forteresse n’est pas précisément une faveur pour un militaire. Les officiers, en particulier, sont de pauvres diables sans relations, mal notés, qui s’ennuient à mourir dans cette solitude. C’est dire l’appât que l’argent peut représenter pour eux. Le baron de Trenck ne tarde pas à se faire un complice du lieutenant Schell en garnison à Glatz depuis des années et qui ne rêve que d’une chose : s’enfuir, déserter.
Leur plan est bientôt mis au point : ils vont s’évader la veille de Noël 1746, au moment où toute la garnison est occupée à festoyer. Schell s’est procuré un uniforme de soldat pour le prisonnier. Lui-même ira devant et celui-ci le suivra, comme s’ils faisaient une ronde.
Tout se passe ainsi qu’ils l’ont imaginé. L’un derrière l’autre, ils se présentent sans incident devant le poste de garde des deux premières enceintes. Lorsqu’ils arrivent à la dernière muraille, que nul n’a le droit de franchir, la situation se complique il n’y a pas d’autre moyen de passer que de sauter du haut du chemin de ronde dans le fossé. Le baron de Trenck saute le premier et se reçoit sans mal.
Le lieutenant Schell l’imite, mais chute maladroitement et se démet le pied. Il est incapable de marcher, il va être repris et fusillé. Il tend son épée au prisonnier
— Tuez-moi et sauvez-vous. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup
24 janvier 2010 à 19 07 18 01181
Histoires vraies
Les évasions du baron de Trenck (4e partie)
Résumé de la 3 e partie n Grâce à l’or que sa bien-aimée lui envoyait en prison, le baron réussit à convaincre le lieutenant Schell de l’aider et de s’enfuir avec lui…
Encore une fois tout comme dans les films, le héros de l’histoire refuse d’abandonner son compagnon.
Courageusement, il le charge sur ses épaules et se met en marche avec son fardeau, dans la nuit de Noël. Elle est sans lune et le brouillard est tombé, ce qui n’est pas inutile car ils peuvent entendre le canon tonner aux remparts de la citadelle leur fuite a été découverte et des patrouilles à cheval s’élancent dans toutes les directions.
Mais la chance est avec eux. Ils tombent sur une barque, qui leur permet de traverser la rivière. De l’autre côté, ils parviennent à s’emparer de deux chevaux dans l’écurie d’une ferme. Ils galopent ainsi toute la nuit en direction de la Bohème. Le lendemain matin, ils franchissent la frontière ils sont sauvés.
A partir de ce moment, c’est une nouvelle vie qui commence pour le baron Frédéric de Trenck, une vie d’homme libre, d’homme comme les autres. L’Autriche et la Prusse sont alors dans les plus mauvais termes. Les démêlés du baron avec Frédéric II sont parvenus aux oreilles de l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse, qui le prend sous sa protection et lui offre un poste de capitaine dans ses armées.
Avec l’énergie et le courage qui sont les siens, Frédéric de Trenck fait une brillante carrière. Il aurait pu ainsi gravir tous les grades de l’armée autrichienne, mais, au bout de sept ans, il veut rentrer en Prusse. C’est qu’il lui est parvenu de Berlin une nouvelle extraordinaire : Amélie a refusé d’épouser le prince suédois que voulait lui imposer son frère. Elle a tenu tête au roi et n’a pas cédé. Elle l’aime toujours, lui, Frédéric, elle n’épousera que lui.
Alors, il n’y tient plus. Au printemps 1753, il quitte l’Autriche, non pas pour la Prusse, ce qui serait trop risqué, mais pour la Pologne. Il s’arrête à Dantzig, non loin de la frontière, et là, il met au point un plan pour s’introduire clandestinement dans le pays de sa belle. Hélas pour lui, c’est d’une tout autre manière qu’il va entrer en Prusse ! Frédéric II ne l’a pas oublié et il est moins bien disposé que jamais envers lui, depuis le refus de sa sœur. Par ses réseaux d’espionnage, qui sont remarquablement organisés, il est au courant de tous ses déplacements et, le sachant à Dantzig, il décide d’agir en toute illégalité.
Un soir que le baron se promène dans les rues de la ville, des agents secrets prussiens se jettent sur lui, le ligotent avant qu’il ait pu faire un geste, l’enroulent dans une couverture et le jettent dans une voiture qui part à fond de train en direction de Berlin. Elle ne s’arrête d’ailleurs pas dans la capitale, elle continue plus loin, jusqu’à Magdebourg, la grande ville sur l’Elbe, dans la partie occidentale du pays.
Vu de loin, le château de Magdebourg est d’aspect plaisant. Sa haute et élégante silhouette domine la cité, ses tours aux toits pentus sont typiques de la fin du Moyen Age et du début de la Renaissance. Une fois à l’intérieur, c’est tout différent. Rien n’est plus sinistre que ses murailles grises, ses toutes petites fenêtres qui laissent à peine passer la lumière.
Le baron de Trenck se retrouve dans l’une des pires cellules de la place : une salle voûtée, humide comme une cave, avec pour seule ouverture un soupirail aux barreaux si serrés qu’on peut à peine voir le jour. Le sol est en briques recouvertes de mousse et de moisis-sure et la lourde porte de chêne est fermée par de multiples serrures. Il est prévu, d’ailleurs, que le prisonnier ne la verra jamais s’ouvrir. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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