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Quand l’écriture s’ouvre à tous

20 janvier 2010

LITTERATURE

Quand l’écriture s’ouvre à tous

Journalistes-romanciers, la chose est devenue courante chez nous

Surtout ne pas se fier aux apparences : ils ne prennent la plume que pour écrire, non pas sur leur expérience professionnelle ou encore leurs parcours journalistiques, mais pour dire de façon romancée ce qu’ils pensent avoir à dire. Au fil des ans, ils ont fini par se tailler la part du lion pour tout ce qui concerne l’édition.

Le phénomène, puisque de véritable phénomène qu’il s’agit bel et bien, a commencé dans les toutes les dernières années de la décennie quatre-vingt du siècle passé. Au moins au plan culturel et artistique, on peut dire aujourd’hui que l’ouverture démocratique initiée dans la foulée d’octobre quatre-vingt-huit aura porté ses fruits. Où l’on réalisa que tout le monde ou presque avait quelque chose à dire, quelque chose à raconter, à communiquer aux autres. Où l’on compris que témoigner autant de soi-même que des autres est d’une importance et d’une nécessité qu’aucune chape de plomb ne peut réduire au silence. Sans nostalgie ni exagération aucunes, on peut vraiment dire aujourd’hui que la presse, par le sérieux et les exigences qui étaient alors les siennes, était une véritable école de formation à l’écriture. Avec la création rapide d’une kyrielle de petites maisons d’édition, on commença à s’apercevoir que le «vide» précédent n’était certainement pas dû à une quelconque panne générale de talents ou de vocations mais bien à l’impossibilité à s’exprimer librement et ouvertement qui aura marqué plusieurs générations d’Algériens et d’Algériennes. Fait significatif, c’est surtout la peinture qui se sera taillé la part du lion au cours de cette deuxième décennie post indépendance du pays. Bien sûr, ajourons certains, tout ceci ne peut être exhaustif puisque le cinéma et à un net degré moindre, le théâtre ne furent pas en reste. Toujours est-il que, par ce qui le caractérise au premier chef, à savoir l’exercice solitaire et délibéré, l’acte d’écrire aura véritablement libéré bien des énergies enfouies jusque-là dans les tréfonds de «belles âmes malheureuses», selon le mot de Hegel. Nous ne citerons aucun nom, là n’est pas notre propos. Au reste, il suffit de nos jours de parcourir les catalogues d’éditeurs de l’époque pour voir combien, de la poésie au roman en passant par l’essai ou encore le témoignage à caractère historique, l’engouement fut d’une rare ampleur. Les moissons aussi puisque l’on voit bien aujourd’hui, que l’essentiel de tous ceux et de toutes celles qui continuent contre vents et marées à poursuivre leur vie et leur voie dans et par  l’acte d’écrire, ont émergé au cours de cette avant-dernière décennie du millénaire passé. Celui dont nous avons choisi de vous parler aujourd’hui, est surtout et essentiellement connu pour être un homme de radio. Il exprime mieux que tout, et tout à la fois, cette étroite parenté qu’il y a entre la parole et l’écrit, et ce qui différencie ces deux modes d’expression fondamentaux chez l’homme. 

Des ondes à l’écrit, A. Farès, cicatrices et autres lieux

Récit : parler à la première personne du singulier, et donc de soi, pour…pour quoi justement ? C’est la première question qui vient à l’esprit lorsque l’on referme le livre  que Aziz Farès, professionnel connu et respecté de la radio, vient de commettre aux éditions Mille feuilles, chez l’ami Sid Ali. Y a-t-il encore une histoire à raconter, un lecteur à tenir «par le bout du nez», jusqu’à la dernière page, quand on se dit que de toutes façons, tout a été dit, tout est su, connu, décortiqué, tripaillé, trituré, et que l’on ne peut qu’offrir encore une énième version de ceci ou de cela. Oui et non, répondrait l’auteur. Oui en ceci que prenant la peine, le scrupule, d’éviter les chemins qui mènent au silence, on pourra toujours croiser en chemin un mot, des mots, bref, encore et toujours suffisamment de mots pour redire à sa façon propre ce que tout le monde sait ou croit savoir. Rien de pire que les certitudes absolues, dit-il quelque part, comme pour prévenir que c’est à tâtons qu’il tente d’avancer, de se mouvoir serait plus juste, sur cette trajectoire de nulle part ; cette tangente impossible de tous les départs et de toutes les arrivées. A moins que ce ne soit le contraire. Récit : dire «je» pour parler de «nous». Dire «je» parce que l’on a compris que «je» n’existe pas. Ou plutôt qu’il n’est qu’une partie de ce «nous», la plus proche, celle que l’on connaît, ou croit connaître le mieux. Si, paraphrasant encore une fois l’incroyable Rimbaud, on convient avec lui que «je est un autre», et si l’on prête attention à cette remarque faite par Paul Valéry à André Malraux, et rapportée par ce dernier dans ses célèbres Antimémoires, «…je ne m’intéresse pas à la sincérité, lui dit-il, tous deux attablés quelque part dans le Paris de l’époque. Non, la sincérité ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est la lucidité.» Ayant sans aucun doute pris les propos du maître pour ce qu’ils valent, c’est-à-dire une leçon en même temps qu’une piste, Malraux qui s’apprêtait à entreprendre la rédaction de ses Antimémoires se retrouva face à un problème à résoudre avant même que la première ligne n’en fut tracée. Quid de l’autobiographie dans de telles conditions ? Mais revenons au «je» du récit. C’est dans sa préface que Farès glisse le mot récit pour caractériser son travail. On a beau chercher, rien, pas plus en une de couverture, en page trois, ou encore ailleurs. Voici donc un écrit dont, si l’on ne prend en ligne de compte, cette petite préface, il faudra au fil des pages chercher et rechercher le genre auquel il correspond. Non parce que cela facilite bien des choses, mais parce que c’est comme ça: on aime bien, et c’est tout à fait légitime, savoir à l’avance ou par avance, à quoi on a affaire. Questionnement totalement superfétatoire pour l’auteur qui traverse une sévère crise de sens – encore cette fameuse dissession dérridienne ! – qui veut donner la parole au silence pour tenter de recoudre les morceaux «qui manquent», tout en sachant par avance, que la tâche est proprement impossible. Et puis qu’importe tout cela, puisque, n’importe comment, les mots viennent ! Déjà, il faut commencer à faire davantage attention à tout ce qui se dit, à tout ce qui va être dit : «je», subrepticement, glisse vers  «jeu». Récit : peut aussi être entendu comme «un procédé» littéraire quand ce que l’on veut dire est, justement, non qu’on n’a rien à dire, mais que l’on n’a tout simplement pas d’histoire à raconter. Il n’y a jamais eu de début et de fin à rien. Il n’y a par conséquent pas de début et pas de fin, et par voie de conséquence, pas d’histoire tout court. Reste les mots. Mais écrire est-il identifiable à ce qui vous est demandé lorsque allongé sur le divan, le psychanalyste ne vous demande qu’une seule chose : parler, encore parler, toujours parler…et si possible sans réfléchir. Réfléchir, le mot, le verbe est lâché. Réfléchir donc, serait falsifier, transformer le matériau brut en quelque chose de plus digest à avaler, de plus normatif et normalisé. L’on ne réfléchit donc que par rapport à l’entendement, si possible souhaité collectif. Tâche proprement impossible pour Aziz Farès puisque cet «entendement», lui, le reconnaît et le subodore d’abord et avant tout «à l’intérieur de lui-même.» Caïn qui va et vient au fil des pages, cette petite voie, tellement fluette et fluide qu’on en perdrait son point d’origine (de départ…), et qui sort des tréfonds de soi-même, sont là pour, en même temps contrarier cet entendement supposé, et lui permettre de continuer à chercher…quoi au juste ? Puisque tout a été dit. Puisque tout le monde sait ce que tout le monde, ou presque, ne veut pas dire : cette douleur béante, profonde, qui autorise (l’espoir), en même temps qu’elle interdit (la lucidité) tous les faux barrages en béton de certitudes. Où l’illusion serait l’ennemi public numéro un. Reste ce bras le corps avec sa propre douleur, avec sa propre souffrance. Et puis l’exil.   Si traduire c’est trahir, que dire alors de cette traduction (par mots interposés) de soi-même par soi-même ?… Bien sûr, au finish, on pourra toujours parler d’autoanalyse, d’introspection et autres exercices spirituels dont les intellectuels raffolent et qui, au fond, s’ils ne les aident pas à vivre mieux, n’en contribuent pas moins à marquer leur statut, comme l’on marque son territoire.   

Par Malik-Amestan  B.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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