LE PAIN NU DE MOHAMED CHOUKRI |
Écrit par Aomar MOHELLEBI - |
Dimanche, 23 Août 2009 22:35 |
![]() Chronique d’une enfance douloureuse Une enfance aussi pénible, il en existe des tas, mais celle que raconte l’écrivain marocain, Mohamed Choukri, est vraiment atypique.
Ceci a fait de lui un auteur spécial. Sur toutes les couvertures de ses livres, l’éditeur n’oublie jamais de mettre en avant ce détail. Mohamed Choukri, est donc devenu écrivain «in extremis». A aucun moment de sa biographie, il n’a rêvé de finir auteur et comment pouvait-il rêver? Lui, l’enfant battu tous les jours par un père, dont la place devait être la psychiatrie, un père qu’on ne pourrait même pas juger, tant ses actes dépassaient tout entendement. Comment Mohamed Choukri pouvait-il formuler des rêves après avoir assisté, en direct, à la mort de son frère. Une mort causé par ce père tyrannique. En effet, le père, dans un accès de colère bat son fils jusqu’à le tuer. Un secret que Mohamed Choukri a dû cacher dans ses tréfonds jusqu’au jour où il décide de tout déballer en écrivant son roman. Quand on a faim, on n’a pas peur de tomber malade. La vie de Mohamed Choukri est une course contre la montre, une véritable malédiction, un triste sort qui ne se cesse de rebondir. A certains moments, le lecteur se demande si l’auteur n’exagère pas. Devant tant d’épreuves, il y a de quoi rester pantois! Un enfant peut-il subir autant et s’en sortir? Mohamed Choukri parvient au bout du tunnel après tous ces traumatismes. Il s’en sort avec des séquelles certes, mais tout en raffermissant sa personnalité. Le roman de Mohamed Choukri ne subjugue pas. Il émeut. Plusieurs fois, on a envie d’interrompre la lecture. Mais les faits se succèdent à une vitesse inouïe. On n’a pas le temps de s’attarder sur une peine, qu’une autre plus profonde surgit à la page suivante, parfois dans la même page. Quand enfin il se rend compte de la versatilité et de la cruauté des grandes personnes, il constate que lui aussi est devenu adulte. Il ne peut plus revenir en arrière. Il doit devenir, à son tour et à son corps défendant, un diable. Mohamed Choukri, bien avant d’atteindre l’âge de dix-sept ans, a connu tous les fléaux: les réseaux de prostitution, le vol; sans domicile fixe, le travail au noir (et c’est le père qui encaisse le modique salaire) et la prison. C’est dans la cellule qu’il se rend compte de son analphabétisme un jour qu’un compagnon se met à lui réciter des vers du poète tunisien Abou EI Kacem Echabi. Devant la sonorité des phrases prononcées, Mohamed Choukri reste admiratif. Il demande qu’on lui explique le sens. Il comprend qu’on ne peut pas dire de telles expressions si on n’est pas instruit. Il se résout à apprendre à lire, puis à écrire. |
20 janvier 2010
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