par K. Selim
L’attaque simultanée lancée lundi par des commandos-suicides sur plusieurs objectifs à Kaboul n’a pas seulement une signification militaire. Il s’agit bien entendu également d’un message politique. Les talibans, qui multiplient les opérations contre les forces occidentales, démontrent leur capacité à frapper des cibles diversifiées et à mener une stratégie pluridimensionnelle.
Les talibans peuvent frapper au coeur du dispositif le plus sécurisé de la capitale, un secteur protégé non seulement par l’armée afghane mais surtout par des effectifs de la coalition. Ceux qui estiment que les renforts américains peuvent avoir un effet dissuasif en sont pour leurs frais. Les insurgés afghans paraissent plus déterminés que jamais.
En dépit de ce que prétend l’envoyé spécial américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke, il ne s’agit pas d’une attaque désespérée, mais bel et bien d’une démonstration de force. Les capacités offensives de l’insurrection afghane semblent augmenter de manière inquiétante et laissent augurer une année 2010 encore plus difficile pour les troupes occidentales que l’année écoulée. L’opération de grande ampleur laisse supposer une organisation plutôt sophistiquée et l’existence de réseaux de soutien locaux qui vont bien au-delà de la mouvance talibane traditionnelle.
Les objectifs sont lourdement symboliques : la présidence de la République, les ministères de la Justice, des Finances et des Mines, ainsi que la Banque centrale. Un des membres du commando s’est fait exploser aux portes du palais présidentiel, à proximité immédiate du bunker abritant un des principaux centres de la CIA dans le pays.
La stratégie de déstabilisation politico-militaire exprimée par cette attaque renforce beaucoup d’observateurs dans leur conviction que la situation afghane ressemble de plus en plus à celle qui prévalait au Sud-Vietnam avant 1975. L’armée américaine avait également volé au secours d’un régime discrédité et avait poussé de larges secteurs de la population, les bouddhistes en particulier, à faire une alliance de type nationaliste avec les communistes du Viêt-cong.
En Afghanistan, tous les spécialistes le confirment, la résistance afghane s’est élargie bien au-delà du mouvement religieux dirigé par le mollah Omar et le gouvernement central est plus honni que jamais par une population excédée par la corruption d’un régime illégitime qui souffre de la tare irréparable d’être imposé et soutenu à bout de bras par l’étranger.
Face à l’expansion des opérations de la résistance et leur élargissement territorial, les troupes occidentales ne peuvent que s’enfermer dans des citadelles d’où la moindre sortie est aléatoire. Il ne reste vraiment que le recours aux drones pour infliger des dommages aux talibans. Reste à savoir si ce moyen, même en utilisation intensive, permet d’envisager une victoire décisive sur la résistance. Au plan politique, les options paraissent également limitées. Après huit années de guerre, il serait illusoire d’imaginer que les armées occidentales puissent miraculeusement gagner la confiance des populations et mettre en oeuvre un programme socio-économique convaincant.
Les stratèges américains, qui continuent d’estimer qu’une solution militaire est à leur portée, tireront-ils les conclusions politiques de la montée en puissance de la résistance talibane ? C’est au Pentagone que s’effectuent les choix essentiels. Contrairement à ce qui était la règle à l’époque de la guerre du Viêt Nam, les hommes politiques – le président Obama au premier chef – ne jouent qu’un rôle secondaire en entérinant systématiquement les décisions des militaires.
19 janvier 2010
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