Ce fut au moment où Halliche marqua le but algérien contre le Mali que le commandant du secteur militaire de Bejaïa et un colonel du DRS trouvèrent la mort dans une embuscade terroriste.
Ce fut une mort étrange, un jour de foot, à une heure de grande écoute, à quelques minutes de la fête et, de surcroît, dans un pays où ne subsistait plus trace de terrorisme. Le ministre des Affaires étrangères venait de le répéter, avec force gesticulations, à l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, David D. Pearce : l’Algérie est un pays apaisé et les Etats Unis avaient tort de l’inscrire dans une liste de pays à risque.
« Qui croire ? », s’est alors demandé l’ambassadeur. Ces deux cadavres incongrus ou Mourad Medelci qui l’avait convoqué ? Ne sachant quoi penser, il s’en remit à la sagesse d’un vieux combattant du Wisconsin et attendit la réponse pendant trois jours.
C’était un mercredi soir, à une heure de grande écoute. Mais ce n’était pas une heure pour mourir. Les familles se mirent ainsi à pleurer à la minute même où sortaient dans Alger les premières voitures triomphantes célébrant la victoire de l’équipe nationale, ce qui fut interprété comme un geste contraire à l’intérêt national. A cette heure de grande écoute, on a écouté les klaxons, cela va de soi. C’est bizarre, les klaxons : on les croit faits pour réveiller les morts ; on les découvre très pratiques pour endormir les vivants.
Personne ne se souviendra donc d’un commandant du secteur militaire de Bejaïa et d’un colonel d’un pays apaisé qui trouvèrent la mort dans une embuscade terroriste, un jour de foot qu’il y avait fête, au moment où Halliche marqua le but algérien contre le Mali.
D’ailleurs, personne ne saura les noms des deux officiers. On connait, en revanche, celui du joueur qui offrit le ballon à Halliche : Karim Ziani. On sait également le nom du lieu-dit où les deux officiers ont été tués, Allaghene près de Tazmalt, comme on connaît le nom du stade où s’est joué le match : Estádio 11 de Novembro.
Le vieux combattant du Wisconsin a répondu à l’ambassadeur un samedi soir pour lui dire qu’il ne savait pas si Medelci avait raison mais qu’à coup sûr, les deux officiers tués avaient tort puisque les morts ont toujours tort si après leur mort il n’y a pas quelqu’un pour les défendre.
L’enterrement eut lieu dans une atmosphère crispée. On y parla essentiellement d’une question angoissante : l’Algérie se qualifiera-t-elle contre l’Angola ?
C’était un épisode sans intérêt d’une guerre dont personne ne sut si elle avait été gagnée ou perdue, dont on ne se rappellera ni de l’époque ni des prétextes qui avaient servi à la déclencher, seulement des parrains qui en furent les seuls vainqueurs.
M.B.
18 janvier 2010
Non classé