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Livre. Spania de Abdelhafid Ouadda, un roman sur le drame des harraga

16 janvier 2010

Non classé

Livre. Spania de Abdelhafid Ouadda, un roman sur le drame des harraga

 

sp Notre collaborateur Abdelhafid Ouadda a plusieurs cordes à son arc. Outre son travaille d’auteur-compositeur et parolier, il écrit aussi des romans. Son dernier livre, Spania, publié en janvier 2009 aux éditions Elzevir, traite du drame des haraga.

Pour rappel, Abdelhafid Ouadda a publié son premier livre, Le Grand Douar, en 2007 aux édition Le Manuscrit. A découvrir vite.

Extrait :

Le zodiac reprit son cap comme à l’origine vers le nord ouest, la rapidité de l’air fouettant de nouveau les visages. Tout le monde est à la même place qu’au début, le dos recourbé pour éviter de se faire emporter, soit par le souffle, soit par la force centrifuge en cas de déviations courbées pour éviter les obstacles. On ne peut même pas discuter dans ces conditions à moins de le faire en hurlant ce qui n’est pas très commode lorsqu’on désire parler de tout et de rien. Une heure plus tard, on ne distingue plus aucune trace de côte, seule la mer de toute part impose majestueusement sa loi dans cette intrigante obscurité. Zoubir veut s’endormir mais il ne peut le faire à cause de la gravité du moment. Ses yeux clignotent au gré du sommeil et du souffle cinglant ; il se blottit parfois contre la poitrine de Mokhtar qui de son côté, encourage cette posture en posant une main rassurante sur l’épaule de son ami. La tête baissée, Kouider et Abdessetar se blottissent l’un contre l’autre en s’appuyant fortement des épaules et regardent parfois en face pour chercher nouvelle. Mokhtar répond à Abdessetar des yeux pour lui témoigner son approbation quand à la décision inopinée que celui-ci vient de prendre pour effectuer ce voyage. Ils se disent qu’ils sont caractériellement différents l’un de l’autre mais issus de la même trempe, celle qui fait qu’un gars sache prendre des décisions dans les moments difficiles. Ce gars-là avait un boulot, informel certes, mais un boulot quand même et dans une ville aussi prolifique qu’Oran ! Il a abandonné la quiétude de son existence dès que la moindre opportunité s’était profilée devant son esprit d’entreprise et de surcroît, en une heure si tardive ! Mokhtar se dit qu’il aurait bien apprécié l’avoir rencontré avant, ce ouahrani coquet et plein d’arrogance mais tellement aimable !

Les nuages se font de plus en plus épais si bien que les étoiles ont totalement disparu du ciel qui se confond à cette étrange étendue dont on ne perçoit plus l’horizon. Un vent tiède venant de l’ouest soulève de petites crêtes d’écume rendant la navigation un peu chaotique et hissant par moments l’avant du zodiac pour le rabattre avec force sur l’eau. Ce qui fait se redresser Zoubir et les somnolents de toute leur assise. Le passeur ralentit la vitesse de son gouvernail afin d’amortir les chocs qui deviennent de plus en plus agressifs. Quelques minutes plus tard, les flots se mettent à s’incurver en largeur provoquant une navigation en petites montagnes russes. Le pilote décide de prendre les crêtes à revers pour éviter de les affronter en amont. Ceux qui sont assis sur les flancs de l’embarcation doivent se mettre maintenant à l’intérieur pour former un contrepoids sur la coque en cas d’importants soulèvements. Les sacs commencent sérieusement à gêner et le passeur ordonne de les balancer par-dessus bord afin d’occuper toute la partie centrale qui se remplit d’eau à chaque vague mal négociée. Le vent devient de plus en plus violent et la mer furieuse se gonfle de plus belle, rendant l’embarcation aussi vulnérable qu’une coquille de noix. Le gars de Tiaret se met à vomir de plus belle et hurle « sa mère » par cette mer qui lui arrache littéralement les tripes. Rien de conséquent ne sort de sa bouche baveuse hormis une coulée obscure provenant vraisemblablement de son pancréas. Dans un geste inconsidéré, le malheureux tente de se redresser dans ce tangage incessant pour aller s’asperger la tête d’une eau salutaire qui atténuerait quelque peu son mal. A peine debout, le voilà malgré lui déséquilibré partant à la renverse, il est d’un seul coup happé par les flots et le bras de Kouider ne lui est d’aucun secours. Guidé par un réflexe d’assistance, Abdessetar réussit à se saisir d’un des gilets de sauvetage et le lance en direction de l’homme à la mer qui ne donne par malheur aucun signe de vie. Le passeur hurle d’indignation à cause du précieux accessoire bêtement perdu en ces instants difficiles. Par égoïsme, il se jette sur un des deux autres gilets restants, rangés en dessous de la planque et l’enfile à la hâte. Il en reste un, on se le tire dans tous les sens mais le gilet de plastique finit par être définitivement emporté par le vainqueur qui à son tour se retrouve dans l’eau par la force rétractive. On ne sait pas si ce dernier a réussit à le mettre mais le zodiac ne peut en aucune façon aller dans sa direction pour récupérer ce deuxième homme à la mer. Il s’agit d’un des deux mascaréens qui vient lui aussi de terminer là, sa course folle vers l’Europe. Le passeur décide de longer les vagues pour ne pas les affronter de face et, tel un surfeur, il fait habilement chevaucher le zodiac entre les hauteurs qui deviennent parfois vertigineuses. Au dessus de ces collines rugissantes, il ne faut surtout pas ralentir de vitesse, bien au contraire la longueur de certaines vagues oblige le pilote à accélérer d’avantage afin de ne pas se retrouver écrasé en dessous de celles-ci. Combien de temps vont-ils tenir ? Nul ne le sait ! On n’entend parfois presque plus le son du moteur tant il est couvert par le volume assourdissant produit par la tourmente. Le plus étonnant est qu’aucune pluie n’est encore tombée de cette opacité suspendue au-dessus des têtes, alors que les harraga sont trempés jusqu’aux os. Pendant le combat incessant contre les énormes rides débordantes de quantités d’eau, le passeur ne réfléchit plus à la direction prise mais lutte à chaque seconde pour la survie lorsque tout à coup, une vague plus courte que la précédente l’oblige à ralentir sa course, ce qui fait piquer du nez le zodiac à la verticale. Dans sa tentative de le redresser, n’ayant malencontreusement prise que d’une seule main sur le gouvernail, le passeur est projeté en vol plané au-dessus de son engin qui flotte toujours mais à contre courant. Les six autres, agrippés fermement aux fins cordages internes de l’embarcation, ont vu un truc jaune valdinguer au-dessus de leur tête. Mokhtar ayant vite digéré la perte de leur pilote, se met rapidement à la barre et tente, tant bien que mal, de gouverner ce zodiac qui semble hurler de terreur.

- Ach’hadou an la ilah illa’llah, Mohammed rasoul ‘ellah ! S’abandonnent en supplications les assaillis par la tempête.

- Ach’hadou an la ilah illa’llah, Mohammed rasoul ‘ellah ! Répète sans cesse Mokhtar, en maintenant fermement la barre des deux mains.

- Tenez bon ! Hurle Mokhtar vers ses compagnons qui lui tournent le dos, ne lâchez pas prise ! Tenez bon ! Répète- il sans cesse.

- Mokhtar ! Mokhtar ! Appelle Kouider en pleurant, nous allons mourir ! …Mokhtar !

- Tiens bon Kouider ! Courage mon frère, nous nous en sortirons ! Continue-t-il en hurlant de plus belle. Zoubir ! Ho Zoubir ! …dis quelque chose ! S’égosille-t-il.

- J’ai peur Mokhtar ! …j’ai peur ! …fais quelque chose, mon frère adoré !

- Abdessetar ! Abdessetar ! S’époumone Mokhtar. Aide-les ! …je t’en prie, aide-les !

- Oui… Mokhtar ! …je suis là ! …ne t’inquiète pas! …je suis là près d’eux !

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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