RSS

La rekba du sergent -Récit et légendes de Kabylie

14 janvier 2010

Non classé

Au coin de la cheminée
La rekba du sergent (1re partie)

Après avoir tiré ses guêtres sur quatre des parties du monde, le vieux sergent de tirailleurs Kassi était revenu dans sa tribu des Ouadia, la poitrine garnie de médailles. Il avait en poche un bon pécule provenant de ses rengagements,

un bon titre de pension et se regardait comme le plus heureux des Kabyles de sa tribu. Il lui manquait bien le bras gauche, emporté par un boulet à Puebla, un morceau de la cuisse du même côté, laissé dans les blés de Palestro, un lobe d’oreille, il ne savait trop où, mais on peut vivre très à l’aise, sans être absolument complet. Un peu partout, son corps était balafré de longues estafilades, ponctué de petites taches brunes, coups de sabres ou passage de balles : cela ne l’empêchait point d’être content de lui et de son sort, d’être considéré du bureau de Fort-Napoléon où il était, comme un futur président.
Entre-temps, durant un congé de semestre qu’il avait obtenu au commencement de la campagne de Crimée, pour se remettre du choléra, il avait acheté, en justes noces, une blanche Kabyle des Aït Ouacif, puis l’avait plantée là pour reprendre le beurda, son congé expiré. Sa femme de quelques mois avait vécu depuis ce temps chez son père, élevant son fils, et attendant impatiemment son mari à l’aide de quelques amourettes avec les gars du voisinage. Le vieux tirailleur n’en avait cure : il ne l’avait jamais revue, n’ayant point eu le temps de revenir au pays. Il avait rencontré du reste des femmes de toutes les couleurs sur sa longue route, à travers les mondes et, à Paris, où il était avant de partir pour le Mexique ; les nounous le prisaient fort à cause de ses longues moustaches blondes, son entrain endiablé et sa belle ferblanterie. Il s’installa tranquillement sur les biens de ses pères, gérés en son absence par son cousin germain, fumant de longues pipes en bambou, rapportées de l’Extrême-Orient, racontant à ses compatriotes ses exploits militaires et ses prouesses amoureuses, réelles ou imaginaires. Joyeux compère, il était de toutes les diffas, de tous les mariages ; ses histoires passionnaient son rude auditoire et plus d’un jeune Kabyle avait signé son engagement pour pouvoir voyager en les pays bleus et roses que dépeignait le sergent. Il s’était donné lui-même le nom de Kassi Guiril, Kassi au bras, pour plaisanter sa glorieuse infirmité, et ce nom devint célèbre comme celui d’un conteur de belles histoires, mérite très apprécié des Kabyles illettrés.
Un beau jour, il se lassa de sa vie de garçon, trouvant le couscous que chacun lui offrait, tour à tour, trop fade ou trop pimenté et sa natte solitaire bien dure, sans une tamtout pour servir d’oreiller : les célibataires sont suspects en Kabylie, et plus d’un mari, craignant pour son front, lui avait offert sa fille. Kassi se souvint alors qu’il avait été marié et, se remémorant les douceurs de sa lune de miel, prit son bâton de fenouil et s’en fut aux Aït Ouacif chercher sa légitime.
Il oubliait que les années avaient marché depuis ses courtes épousailles et que la belle Smina d’antan devait avoir les yeux chassieux, la peau crevassée et peu remplie.
Il se pourléchait donc en arrivant près du village, se rappelant le jour où il emmenait sa fiancée à califourchon devant lui, sur le même mulet, au son des tambours, à travers la fumée des coups de fusil. (à suivre…)

Récit et légendes de la Grande Kabylie par B. Yabès

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

S'abonner

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.

Les commentaires sont fermés.

Académie Renée Vivien |
faffoo |
little voice |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | alacroiseedesarts
| Sud
| éditer livre, agent littéra...