Le mur de silence
Petite chronique allemande
Curieux livre, écrit comme un blog, un de ces fameux bloc-notes d’Internet de libre expression, que l’auteur nourrit au fil des jours au gré de ses réflexions.
C’est un peu de cela. La numérotation des textes tient lieu de titres, et leur inspiration semble être celle du moment. On imagine l’auteur, nomade de nature, cheminant en allers-retours entre sa mémoire, ses références, ses livres et son écritoire.
Ici, pourtant, il ne s’agit surtout pas d’une sorte de passe-temps.
Ces écrits prennent un tour particulier lorsque, d’entrée de jeu, André Micaleff rappelle ses origines méditerranéennes, ses premiers pas en basse Casbah d’Alger, ses racines catholiques traditionalistes, son appartenance à la Réforme, sa vie de pasteur et son atterrissage final dans cette contrée de Basse Saxe. Une sorte d’itinéraire inversé allant de contrées de l’exubérance à l’austérité des terres nordiques, concentré dans la remarque figurant sous le titre de la première partie.
Ce matin j’ai vu un chien sans son maître
S’arrêter à un feu rouge
… une strophe à la Prévert qui en dit long sur la finesse de l’observateur… une petite « kémia » de pied-noir pour une mise en appétit… une entrée guillerette pour un livre passionnant et traitant pourtant de sujets si graves.
Car ce pays dont l’auteur est devenu citoyen a été aussi le territoire d’une histoire terrifiante, largement connue et médiatisée peut-être, mais pudiquement occultée pour bon nombre de questions restées sans réponse ; peut-être a-t-on fait admettre que sous le nazisme il n’y ait eu que des victimes ? Mais peut-on, avec la même insouciance, classer sans suite la collaboration insensée des Eglises à la folie collective du national-socialisme ?
Car les Eglises, y compris celle d’André Micaleff, ont été pour le moins indifférentes, mais plutôt sûrement complices de cet immense crime de l’holocauste. Telle est la question qui le hante à longueur de journées, dont les écrits confirment le bien-fondé, et qui se ravive pour lui plus encore du silence volontaire autour d’une tragédie locale.
Comme le chien du feu rouge, se peut-il qu’un peuple dans sa grande majorité ait été à ce point conditionné qu’il ait perdu toute autonomie de pensée et d’initiative ? Mais l’Eglise surtout à laquelle il revient avec insistance, son Eglise et l’ensemble des Eglises chrétiennes, comment se peut-il qu’elles aient oublié tous leurs repères, leurs fondements, qu’elles aient à ce point trahi leurs enseignements ? Et comment expliquer qu’elles n’aient jamais eu le courage d’avouer leurs graves dérives, jamais eu le courage non plus d’une nécessaire repentance, elles qui l’exigent si facilement de leurs ouailles ? Comment admettre qu’aujourd’hui encore, n’ayant tiré aucune leçon de leur propre histoire, elles soient tentées de complaisance vis-à-vis de ceux qui penchent encore visiblement pour ces théories d’une constante dangerosité ?
En homme de foi, André Micaleff refuse de partager ces silences. Ses textes sont le résultat d’une irrépressible envie d’écrire et de communiquer ses préoccupations. Une bonne partie de ces textes seraient les bienvenus dans notre site.
13 janvier 2010
Contributions