Football des Algériens
par Yazid Alilat
Les Algériens ont une nouvelle passion. Ils l’ont découverte à l’automne dernier, après quelques passes magiques sur un terrain de football de onze petits bonshommes verts. Ils ont trouvé que cette équipe nationale, contrairement à ses précédentes, mérite que l’on s’y attache, que l’on doit soutenir. Et puis, ces joueurs, qui n’ont rien de grands guerriers du football comme on en trouve sur les terrains européens, ont su à leur manière fédérer tout un peuple, grands et petits, connaisseurs ou pas, autour d’un emblème national, du maillot d’un pays.
Et c’est comme cela que les Algériens sont arrivés, un peu malgré eux, à brandir un emblème national, à le chérir, alors qu’ils n’avaient jamais pensé y penser, eux qui étaient tout occupés à trouver le meilleur truc pour partir «à l’anglaise» du pays. Ce sont ces dizaines de milliers de jeunes, lassés de promesses politiques non tenues, d’horizons sociaux bouchés et d’un quotidien triste à faire bailler les corneilles, qui pensaient hier seulement à partir, qui se redécouvrent une âme nationaliste.
Pour les sphères d’en haut, c’est du pain béni : quelle extraordinaire aubaine !. Et dès lors, c’est le tapis rouge que l’on déroule devant une équipe de football à qui on a sans pudeur infligé la mission de colmater toutes les brèches d’une réalité socio-économique qui fait peur, d’un avenir incertain pour les dizaines de milliers de diplômés, pour les chômeurs. Le football est ainsi redevenu une sorte d’opium du peuple algérien, qui est en train de retrouver, l’espace d’une Coupe d’Afrique des nations, d’une prochaine Coupe du monde, des repères perdus ou oubliés depuis les années 80.
Est-ce un hasard, en plein marasme social et économique, que l’on recentre l’actualité nationale, que l’on redirige l’intérêt national vers une équipe de football à qui on voudrait donner le rôle de «Messie» ?
Pour autant, la ferveur nationale, ramassée à l’aune des prouesses de cette équipe de football, ne peut être qu’illusoire et ne durera que le temps d’une ou deux compétitions. Après, tout le monde reviendra à ses occupations antérieures, et les vrais problèmes sociaux, les défis de l’avenir de le jeunesse algérienne, les grandes questions de développement national «au ralenti» rattraperont tous les apprentis sorciers.
Après le mois de février, il y aura les mois de juin et juillet. Mais après ? Ce sera la rentrée des classes pour tous ceux qui veulent exploiter un phénomène conjoncturel, qui ne dure que le temps d’un printemps. Le football, c’est bien ; donner de vrais espoirs aux jeunes, c’est encore mieux. Et, à ce rythme, il est tout autant vain de croire que les jeunes peuvent être bernés, car ils savent mieux que les politiques qu’un match de football ne dure qu’un moment, et des sorties des stades mouvementées sont déjà connues.
12 janvier 2010
Contributions