Rapprochement des civilisations
Le rôle de la littérature
Par Yacine Idjer
Réflexion :Ciro Sbailo, président des cours de sciences politiques internationales de l’université d’Enna (Italie), était, hier, l’invité du café littéraire organisé en marge du 13e Sila (Salon international du livre d’Alger).
Le thème proposé par Ciro Sbailo est «La littérature comme instrument de promotion d’une culture des droits». Cela revient à dire, selon le conférencier, que «la littérature occupe un rôle important et prépondérant dans l’élaboration des droits et dans l’aboutissement d’une culture de citoyenneté».
Ciro Sbailo est parti du postulat suivant : l’Italie, alors qu’elle était, en Europe, le pays de l’émigration, est devenu, ces dernières années, une terre de l’immigration. Dans ce flux migratoire, le paysage social italien change. Composée désormais de communautés socioculturelles issues d’horizons divers, l’Italie, selon le conférencier, se trouve devant une problématique : comment gérer les rapports intercommunautaires sans pour autant créer des tensions discriminatoires et des conflits résultant directement de comportements racistes.
Ciro Sbailo a évoqué l’exemple de la France et celui de la Grande-Bretagne. Si la France a choisi la politique de l’intégration, donc de l’assimilation, et par conséquent, le déni, la Grande-Bretagne a opté pour le communautarisme, c’est-à-dire chaque communauté, s’isolant et refusant l’autre, vit en recluse, séparée des réalités existantes. Le conférencier a fait savoir que ces politiques ont systématiquement abouti à un échec. L’échec de ces deux politiques, l’une menée par la France et l’autre dirigée par la Grande-Bretagne, s’est traduit, d’une part, par l’insurrection des jeunes issus de l’immigration qui a eu lieu en France, notamment dans les banlieues parisiennes, et, d’autre part, par les attentats de Londres. Aucune de ces deux politiques ne convient par ailleurs à l’instance gouvernementale italienne. «L’Italie, a-t-il dit, ne trouve dans ces deux modèles aucun point positif lui permettant de gérer les rapports intercommunautaires», d’où le recours à la multiculturalité. Autrement dit, et sommairement, pour assister au mieux les étrangers à faire partie du paysage social – et linguistique et culturel– italien, Ciro Sbailo préconise, en tant que consultant à la présidence du Conseil/Office National Anti-discrimination, des mesures susceptibles de favoriser l’instrument d’intégration, et non pas d’assimilation ou de ghettoïsation. Cet instrument, qui nécessite un champ de travail, ne peut être élaboré que par la culture qui joue un rôle fondamental dans la lutte contre le racisme. Le dialogue interculturel semble favoriser le rapprochement et le respect des uns et des autres.
l Ciro Sbailo évoque l’école comme étant le lieu type pour éviter de créer, plus tard, des situations d’isolation et conflictuelles. Il propose alors d’enseigner aux émigrés, dans la langue italienne, la littérature, la culture et l’histoire même du pays d’origine, et cela afin de leur permettre de ne pas se sentir étrangers et, du coup, les aider à se familiariser avec la culture d’accueil et de s’initier à son histoire et à sa langue. C’est alors; en suivant un cheminement pédagogique et un raisonnement intellectuel, qu’il est possible de permettre à l’individu issu de l’immigration d’accéder à la citoyenneté. L’individu tout en gardant sa culture maternelle devient, sans regret ni culpabilité, un citoyen italien à part entière. Il est à noter que l’apprentissage de la citoyenneté doit se faire dans des «classes ponts», ou des classes spéciales. «Cela ne veut en aucun cas dire qu’il s’agit de classes discriminatoires», a-t-il attesté. Selon lui, ce sont, bien au contraire, des classes transitoires, assurant de ce fait à l’individu le passage de l’état d’immigré à un état de citoyenneté, celle qui lui offre la possibilité d’effectuer une intégration totale.
Y. I.
11 janvier 2010
LITTERATURE