Arts du récit et du conte
Le «grain magique», c’est parti
La 3e édition des arts du récit et du conte Le grain magique s’est ouverte hier, à l’initiative d’une association culturelle du même éponyme au centre culturel de Draâ Ben Khedda, avec la participation de spécialistes dans l’art de la narration venus divertir la foule d’enfants présents. Cette occasion a donné lieu à la présentation de deux contes Le pêcheur et le petit poisson doré et Hatou B’Natou par le comédien
amateur Mahi Seddik de la coopérative théâtrale de Sidi Bel Abbes, Maâchahou. Dans un style ludique apprécié des enfants, les deux récits participent à inculquer les vertus de la modération et du désintéressement pour le premier, tandis que le second exhorte les couples à la patience et à la réflexion pour ne pas avoir à regretter des actes aux incidences négatives sur la famille. Une dizaine de spectacles figure au programme de ce festival qui s’étalera jusqu’à jeudi prochain. Selon le responsable de l’association organisatrice, le dramaturge amateur Bouamar Tayeb dira que «ce festival vise à réhabiliter le patrimoine culturel algérien écrit et oral», en vue de sa retransmission aux générations actuelles, en recourant aux plus récentes méthodes et techniques du récit usitées de par le monde.
APS
12 janvier 2010 à 22 10 24 01241
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (33e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 32e partie n A qui accorder la main de Kenza ?
A Ahmed, le fils de la tante Taos, ou à Youcef, le fils de la tante Mériem ?
En colère, au début, Kenza exulte.
— vous vous êtes pris à votre propre piège.
Mohammed, à qui on vient de tout raconter, est hors de lui.
— qu’est-ce que cette histoire ? Il était convenu qu’elle épouse le fils de la tante Taos !
Kenza le foudroie du regard.
— toi aussi, tu étais au courant ?
Il lui jette un regard mauvais.
— tu croyais que j’allais supporter, plus longtemps, ton comportement ? Tu crois que je ne suis pas au courant de ce que tu fais ?
— je n’ai rien fait de mal !
— Ahmed, c’était l’occasion rêvée !
— Eh bien, je ne l’épouserai pas !
— tu l’épouseras !
Kenza s’enhardit.
— c’est Youcef que je veux épouser !
Fadhéla et Omar la regardent, stupéfaits.
— quoi…
— oui, c’est lui que je veux épouser !
Mohammed est désemparé.
— Mais le fils de la tante Taos !
— je choisis Youcef ! répète Kenza.
Mais Mohammed finit par comprendre son jeu.
— ah, vaurienne, j’aurais voulu que tu épouses Youcef, tu aurais préféré Ahmed !
Kenza éclate de rire. Mohammed se lève.
— je vais te casser la figure !
— touche-moi, si tu es un homme.
Omar arrête Mohammed.
— du calme !
— elle nous nargue !
— vous vous êtes bien moqués de moi !
— c’est dans ton intérêt, dit Fadhéla.
Kenza éclate en larmes.
— vous m’avez considérée comme un objet !
— tu n’es rien du tout ! dit Mohammed.
— et toi ? Qu’est-ce que tu es ?
— arrêtez de vous quereller ! dit Omar.
— C’est lui, dit Kenza.
— c’est elle, dit Mohammed.
— assez, nous avons d’autres chats à fouetter !
— Eh bien, fouettez-
les ! dit Kenza, dédaigneuse.
Et elle quitte la pièce. (à suivre…)
K. Y.
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12 janvier 2010 à 22 10 25 01251
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (1re partie)
Parmi les nombreuses curiosités naturelles situées sur le territoire de la commune mixte de B…, il faut citer en première ligne les profondes failles rocheuses que présente le sol. Ces failles, d’une constitution géologique toute spéciale, forment généralement de vastes cheminées, dont l’orifice est à fleur de terre : simple trou qui paraît sans importance et dont, pourtant, la profondeur est souvent insondable. Tantôt cet orifice est assez vaste pour figurer l’ouverture d’un puits, tantôt il est étroit, en forme de boyau et laisse à peine le passage nécessaire au corps du visiteur qui doit s’y glisser en rampant.
Deux de ces abîmes sont surtout connus ; ce sont ceux des Ouled Zeïane et des Aït Attala. Situés à plus de 25 kilomètres l’un de l’autre, à vol d’oiseau, ils n’en communiquent pas moins, disent les indigènes. Ils racontent à ce sujet qu’une chèvre partie à la recherche de son chevreau tombé dans le Trou des Ouled Zeïane, ressortit, bien des jours après, par le puits des Aït Attala. Si non è vero…
Cette dernière faille a son orifice dans un terrain gypseux, d’une blancheur éclatante, sur le point culminant d’un petit mamelon conique ; il représenterait très exactement la bouche d’un cratère, si le petit mamelon était volcan. Rien ne peut, au premier examen, faire soupçonner la profondeur de ce puits : l’ouverture n’en a pas plus de soixante centimètres en tous sens et le couloir qui y donne accès descend en pentes douces, pendant environ dix mètres. A partir de là, l’explorateur, qui a voyagé à plat ventre, les pieds en avant, peut se redresser petit à petit et ne tarde pas à pouvoir marcher debout. Encore trente mètres, et il se trouve sur une grève de sable blanc et fin, au bord d’un lac aux eaux cristallines, à reflets métalliques. Rien ne saurait égaler le charme étrange qu’on éprouve à l’aspect de cette masse d’eau d’un calme de mort. On aimerait à y rêver dans la tristesse, en oubliant la terre, si les chauves-souris ne tardaient pas à vous mettre en fuite. Semblables à des génies dont la charge consisterait à poursuivre les profanateurs de leurs silences sombres, elles vous heurtent de leurs ailes molles et poussiéreuses, se cramponnent à vos vêtements, à votre visage, éteignent les lumières et vous souillent de leurs déjections. On ne tarde pas à quitter, sans grand regret, ce lieu qui vous avait semblé d’abord si paisible et si beau.
L’ouverture du Trou des Ouled Zeïane est assez large, cinq mètres de surface environ : il est impossible d’y descendre sans cordages, car, pendant une vingtaine de mètres, on peut voir la roche de calcaire noir s’enfoncer à pic dans le sein de la terre ; à cette profondeur, le puits fait un coude et nul n’a jamais osé pénétrer plus loin, sauf, il est vrai, la chèvre dont j’ai parlé. L’air devient lourd et froid, rempli de senteurs d’abîmes qui glacent le cœur des plus vaillants.
C’est auprès de ce trou, bouche de l’Achéron, auraient dit les anciens, que s’est passé, bien longtemps avant la conquête française, un drame de famille, comme on en cite malheureusement trop en Kabylie.
Près de l’abîme s’élève un vieil olivier sauvage dont le tronc se bifurque en deux branches, semblables à des bras décharnés de squelette, dressant vers le ciel leur ossature couverte des loques informes qu’y suspendent les kabyles. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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12 janvier 2010 à 22 10 35 01351
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Le Trou des Ouled Zeïane et celui des Aït Attala communiquent et le paysage sur lequel débouche le trou de Aït attala est féerique, mais on ne peut en profiter car des chauves-souris occupent les lieux…Suite…
Au pied de l’arbre devenu marabout, un vaste monceau de pierres s’élève, témoignage du crime passé dont l’histoire m’a été ainsi racontée Mohamed Amokran était un vieux Kabyle d’une soixantaine d’années, riche, disait-on, car il avait passé sa jeunesse au service des Turcs, puis était revenu, à l’âge de trente ans, se fixer dans son pays. Il avait dû rapporter un gros magot, car lui dont le père était très pauvre, avait acheté les meilleures terres et les plus beaux oliviers de la fraction. Tout récemment encore, il avait acquis le terrain situé autour du Trou des Ouled Zeïane et s’occupait avec ses deux fils à greffer les sauvageons d’oliviers, éparpillés dans les ravins voisins.
De ces deux fils, l’aîné, M’ahmed, nature renfermée et envieuse, était âgé de vingt-huit à vingt-neuf ans. Détestant tout le monde, il était universellement méprisé pour sa basse jalousie et sa paresse. Les siens même ne l’aimaient pas et seule la main de fer du vieil Amokran avait pu faire plier cette nature mauvaise. M’ahmed reprochait à son père de s’être remarié avec une toute jeune fille ; il craignait la venue de nouveaux héritiers, avec lesquels il aurait fallu partager l’hoirie paternelle. Sa crainte avait été vaine jusqu’alors, la nouvelle épouse n’ayant encore donné que des filles à son mari, et les filles n’héritant point en Kabylie… Mais l’héritage paternel menaçait de se faire attendre, car Mohamed Amokran semblait plus vigoureux de jour en jour et les années passaient sans courber son corps d’athlète ni affaiblir ses muscles d’acier.
Le dernier de ses fils, Idir, avait commencé le jeûne après avoir, avec succès, subi l’épreuve de la ficelle (On entoure le cou du jeune homme d’une ficelle, puis on double la longueur ainsi obtenue. La ficelle prise par les deux bouts entre les dents du jeune homme, doit passer sans difficulté par-dessus le crâne). Aimé de tous, gai, serviable, il était adoré de son père et de toute la karouba.
Vers le mois de mars, de bon matin, Mohamed Amokran prit sa hachette et son fusil et invita son aîné à le suivre, tandis qu’Idir garderait la maison et surveillerait les femmes. Il fallait en finir avec la taille des oliviers et les préparer à recevoir la greffe.
Les deux hommes descendirent de la crête où perchait leur village. Arrivés vers le Trou, Mohamed remarqua, à sa gauche, un corbeau qui, du haut d’une motte de terre, regardait les arrivants d’un air narquois.
— Voilà un mauvais augure, dit le fils ; un seul corbeau à gauche est signe de malheur. Nous ferions bien de rentrer à la maison.
— Ah ! non, dit le père, pour une idée de femme peureuse, nous ne nous arrêterons pas ; les Turcs, mes anciens maîtres, m’ont appris à mépriser ces sornettes, et quand je rencontre un objet de mauvais augure, je m’empresse de le rendre plus favorable. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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12 janvier 2010 à 22 10 40 01401
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (34e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 33e partie n Deux femmes, toutes deux proches parentes, demandent la main de Kenza de retour au pays pour y passer des vacances.
Tandis que ses parents et son frère aîné se disputent, Kenza va s’enfermer dans sa chambre. Elle est encore sous le coup de la colère, mais elle se réjouit de l’embarras de sa famille.
— ils n’ont que ce qu’ils méritent !
Elle veut téléphoner à Tarik, mais elle se rend compte qu’elle n’a plus de crédit. Elle pense envoyer l’un de ses jeunes frères, Tahar ou Sami, pour lui acheter une carte, mais elle a peur qu’ils le rapportent à ses parents ou, pire, à Mohammed. Ils ne manqueront pas de lui demander à qui elle veut téléphoner !
C’est alors que la sonnerie de son téléphone retentit. C’est Tarik ! elle décroche.
— ah, j’allais t’appeler, mais je n’avais pas d’unité !
— calme-toi, tu as l’air excitée !
— ah, si tu savais, ce qui m’arrive !
— que s’est-il passé ?
Elle éclate en larmes.
— raconte-moi !
Elle lui raconte tout. Tarik est atterré.
— ah, les pirates, ils t’ont attirée au pays pour te marier !
— mais Dieu leur a joué un mauvais tour !
— et s’ils te forcent à épouser l’un de tes cousins ?
— ils n’y parviendront pas !
— je vais appeler ton père !
— il ne faut surtout pas te manifester maintenant !
— mais s’ils te marient ?
— ça ne se produira pas…
— ils peuvent trouver un arrangement !
— non… et puis, même s’ils s’arrangent, je n’épouserai aucun de leurs neveux !
— je veux te demander en mariage !
— quand je serai de retour en France.
— et s’ils te séquestrent ?
— ça ne risque pas d’arriver !
— en tout cas, tu m’appelles, je prends le premier avion et je te rejoins !
On frappe à la porte de Kenza. C’est sa mère.
— je te quitte…
— je te rappellerai dans la nuit !
Elle ouvre la porte à sa mère.
— tu ne viens pas dîner ?
— je n’ai pas faim…
— je voudrai m’excuser…
Kenza la toise.
— pour ce que tu m’as fait ? Accorder ma main, sans mon consentement ?
— je croyais bien faire… J’avais peur que tu te dévergondes…
Kenza lui ferme la porte au nez. (à suivre…)
K. Y.
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12 janvier 2010 à 22 10 50 01501
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (35e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 34e partie n Kenza téléphone à Tarik et lui apprend ce qui lui arrive. Le jeune homme veut faire le voyage en Algérie. Kenza l’en dissuade.
Le lendemain, de bonne heure, Taos arrive, suivie de son fils. Sami vient informer sa sœur Kenza.
— elle arrive !
— qui ? demande la jeune fille.
— tante Taos ! Et devine qui vient avec elle ? Son fils !
— si on me demande, tu diras que je suis sortie !
Elle s’enferme à double tour. Fadhéla reçoit Taos et son fils. Elle est terriblement gênée.
— je vais chercher le café !
— non, non, je suis venue discuter !
Ahmed, très intimidé, se tient coi.
— assieds-toi, Ahmed…
Il s’assied docilement.
— où est Omar ? demande Taos.
— je vais l’appeler !
Omar n’a pas envie d’affronter sa sœur.
— tu dois y aller !
Il y va à contrecœur. Il fait semblant d’accueillir chaleureusement sa sœur et son neveu.
— ah, vous êtes là… Aujourd’hui, nous allons vous garder à déjeuner !
— non, non, nous sommes venus discuter !
Omar sourit.
— Lkhir incha’Allah, (que ce soit en bien), ma chère sœur !
C’est au tour de Taos de sourire.
— bien sûr, bien sûr, il n’y a que du bien entre nous !
— un café, peut-être…
— ce n’est pas la peine ! Je te l’ai dit, nous venons discuter !
Omar hoche la tête.
— je t’écoute !
— je viens pour l’affaire…
— quelle affaire ?
— Kenza…
— ah, oui, Kenza…
— ta femme a dû tout te rapporter !
— oui, oui…
Taos fronce les sourcils.
— tout était convenu, entre ta femme et moi, et il a fallu que cette Mériem vienne tout gâcher !
— Fadhéla m’a tout raconté !
— c’est elle qui a commencé !
— oui, oui…
— je suis ta sœur, n’est-ce pas ?
— bien entendu ! (à suivre…)
K. Y.
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12 janvier 2010 à 22 10 51 01511
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (3e partie)
Résumé de la 2e partie n M’ahmed part avec son père Mohamed Amokran tailler les oliviers. En chemin, ils rencontrent un corbeau, oiseau de mauvais augure pour le fils…
Disant cela, il posa sa hachette à terre, arma et épaula son long fusil. Le corbeau continuait à regarder, immobile, et le fils, en arrière de son père, s’apprêtait à juger du coup ; jamais Mohamed Amokran n’avait manqué une orange à cent pas. Il fit feu. La motte de terre dure, sur laquelle perchait l’oiseau, vola en éclats, mais l’animal n’était pas touché. Il s’envola lourdement les pattes pendantes, croassant d’un ton lugubre, et se posa sur le vieil olivier, près de l’abîme.
— Mauvais signe, dit encore le fils ; le premier coup de feu qui ne porte pas ! Rien ne nous réussira aujourd’hui.
— Raisons de paresseux, s’exclama le vieillard. Allons ! au travail ! Tu vas élaguer l’olivier sur lequel s’est perchée cette djifa, pour laquelle j’ai été bien sot de brûler de la poudre, puis tu viendras me rejoindre dans le ravin.
Le fils, habitué au joug paternel, et sachant le vieux soldat peu endurant, obéit sans mot dire. Il se dirigea vers l’arbre, d’où le corbeau s’envola, pour aller se percher à peu de distance sur une motte de terre voisine de celle brisée par la balle.
M’ahmed se mit à l’ouvrage et sa hachette fit, péniblement, une trouée dans l’arbre vigoureux dont la ramure était serrée et dressée comme une chevelure emmêlée. Lentement, il parvint à tailler toutes les branches folles, ne laissant que les deux plus fortes, celles qui existent encore. La sueur coulait de son front ; il s’essuya, s’assit au pied de l’arbre, entre les racines tordues, et, rêveur, regarda devant lui, dans cet état de somnolence béat, si familière aux Algériens.
Tout à coup, il vit le corbeau qui, en sautillant, s’approchait de l’abîme, regardant de côté d’un air curieux et satisfait. Puis, arrivé sur le bord des rocs à pic, l’oiseau se mit en boule hérissée et fixa de ses deux gros yeux ronds M’ahmed qui commençait à le trouver bien audacieux. Epeuré et superstitieux, le Kabyle prit une pierre et la lança. Le corbeau, effleuré, ne bougea point, mais croassa sourdement et l’abîme prolongea ce cri d’une façon lugubre. A plusieurs reprises, sans se lever, M’ahmed essaya de chasser l’importun. Rien n’y faisant, il prit le parti de le laisser tranquille, et, se couvrant la tête de son burnous pour échapper à sa vue, il recommença sa rêverie.
«La vie était dure aux Ouled Zeïane. Du travail toute l’année, sans repos. Et pour qui ? Pour parer une belle-mère coquette et nourrir un père assez fou pour s’embarrasser à son âge de pareille jeunesse. Et Idir ne faisait rien, lui. Ce n’est pas à M’ahmed qu’on aurait donné une femme aimable. Son père lui en avait bien acheté une, mais quel laideron ! Il n’avait pas dû la payer bien cher, juste le prix le plus minime fixé par la Djemâa vingt-quatre douros. Noire de peau, malpropre, ne sachant même pas tisser un burnous, et née de la dernière des familles du village ! (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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12 janvier 2010 à 22 10 58 01581
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (36e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 35e partie n Taos revient, cette fois, avec son fils, Ahmed. Elle veut de nouveau reformuler sa demande. Fadhéla et Omar sont très gênés.
Je t’ai toujours voulu du bien, dit Taos.
— Je le sais…
— A la mort de nos parents, je me suis occupée de toi…Feu mon mari aussi !
— Je le sais !
— Alors, aujourd’hui, je voudrais unir nos familles…
Omar hoche la tête. Fadhéla ne dit rien.
— Je viens de nouveau demander la main de Kenza pour Ahmed !
Ahmed a baissé la tête. Omar fait, de la main, un geste d’impuissance.
— Je sais, mais…
Taos change de ton aussitôt.
— Tu me diras que Mériem a fait sa demande, moi, j’ai fait la mienne, avant elle !
— Je sais…
Taos se retourne vers Fadhéla.
— Tu peux en témoigner !
— Oui, tu m’en as parlé !
— J’ai demandé sa main !
Omar intervient.
— On aurait dû en parler à la petite !
— Pourquoi, votre parole, à toi et à sa mère, ne suffit pas ?
— Je crois que non !
Taos est scandalisée.
— Quoi, votre fille vous écrase, à ce point ?
— Il ne s’agit pas de cela… Quand Mériem a interrogé Kenza, elle a naturellement répondu que tu ne l’avais pas demandée !
— Ce n’est pas aussi grave !
— Si… A commencer par Kenza… Elle dit que c’est une affaire qui la concerne, elle !
Taos se montre méprisante.
— Vous lui avez donné une bonne éducation à cette fille !
Fadhéla prend la mouche.
— Ne nous fais pas de reproches, nous élevons nos enfants, comme nous pouvons. La vie d’une famille émigrée n’est pas du tout facile !
— Justement, c’est à l’avenir de Kenza que j’ai pensé ! Que peut-elle rêver de mieux que sa tante paternelle comme belle-mère et de son cousin, comme époux !
— C’est l’idéal, dit Omar
— Alors, vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que Kenza épouse
Ahmed ?
— Non, dit Omar
Elle regarde Fadhéla.
— Et toi ?
— Tout dépend de Kenza.
A ce moment-là, on entend des voix dans la cour.
— C’est cette peste de Mériem ! (à suivre…)
K. Y.
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12 janvier 2010 à 22 10 59 01591
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (4e partie)
Résumé de la 3e partie n M’ahmed est jaloux et plein de rancœur envers son père dont la nouvelle femme est jeune et jolie, tandis que celle que ce dernier lui a choisie n’est ni belle ni bien née…
«En revanche, la belle-mère, une femme des Beni-Ouakour, blanche comme la neige de ses montagnes, fille du cheik Bou-Ameriren, revenait à plus de cinq cents bassitans. Et Idir, rien n’était trop beau pour lui : les burnous fins, la viande tous les jours, les longues siestes à la maison, une jeune femme, à peine nubile. Quand donc la fortune appartiendra-t-elle à l’aîné, le véritable héritier ? »
Un croassement nouveau retentit et M’ahmed, sursautant, regarda le corbeau perché sur l’abîme. L’animal, sans paraître s’occuper de son voisin, semblait absorbé par la contemplation du vide. La tête tournée vers la gauche, il regardait, de son œil droit dilaté, regardait, immobile, semblant apercevoir quelque chose d’étrange, là-bas, dans la nuit froide et opaque.
«Maudite bête, cent fois maudite, pensa M’ahmed, elle est pourtant plus heureuse que moi ! Elle passe son temps à son gré, remplit son ventre et vit sans rien faire. Qui sait ? N’est-ce pas un Génie qui, là au fond, a caché son trésor.
Un trésor !… Celui du père, je sais où il est.., dans l’écurie, vers le poteau de droite. Et le vieux le surveille toujours du coin de l’œil, comme ce corbeau surveille l’abîme. Quand sera-t-il à moi, ce trésor, à moi seul ? Car Idir ne l’aura jamais, oh non ! jamais, je le jure. Il y en a de l’or! Une pleine marmite des Aït Khebli. De l’or beaucoup d’or, des grosses pièces d’argent, bou-medfa, des soltanis !… Avec cela, la bonne chère, les tapis moelleux pour sommeiller tout le jour, la puissance dans la tribu ! Et là-bas, dans El-Djezaïr la blanche, les femmes à l’œil agrandi par le khôl !
«Il me faut cet or-là ! Ce soir, au retour, je le volerai et je m’enfuirai sur Sibous, notre étalon que nul ne peut atteindre. Oui, mais si le père s’en aperçoit, il n’est déjà pas tendre pour moi et son fusil ne me manquera pas, comme il a manqué ce maudit corbeau qui me regarde encore. Et M’ahmed débita, à l’adresse de l’oiseau, qui n’en avait cure, tout le chapelet des imprécations arabes.
«Oui, reprit-il au bout d’un instant, il faut que cela finisse ; plus j’attendrai, moins la marmite sera lourde. Cette femme mange notre bien, grâce aux faiblesses du vieillard. Que j’aurais du plaisir à la chasser de la maison, quand mon père sera mort !… Oui, mais il n’est pas mort !… »
Le corbeau s’envola de l’abîme pour se poser sur sa motte de terre. D’un pas rapide, Mohamed Amokran s’avançait vers l’olivier. Le vieillard n’entendant plus le bruit de la hachette de son fils, venait voir ce qui se passait.
«Ah ! fainéant, cria-t-il, en le voyant couché, c’est à cela que tu passes ton temps pendant que ton vieux père travaille. Tu mériterais de ne pas manger aujourd’hui, être inutile, chien né dans la couche d’un lion ! Allons, debout et suis-moi ! » (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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12 janvier 2010 à 23 11 01 01011
4.Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (4e partie)
Résumé de la 3e partie n M’ahmed est jaloux et plein de rancœur envers son père dont la nouvelle femme est jeune et jolie, tandis que celle que ce dernier lui a choisie n’est ni belle ni bien née…
«En revanche, la belle-mère, une femme des Beni-Ouakour, blanche comme la neige de ses montagnes, fille du cheik Bou-Ameriren, revenait à plus de cinq cents bassitans. Et Idir, rien n’était trop beau pour lui : les burnous fins, la viande tous les jours, les longues siestes à la maison, une jeune femme, à peine nubile. Quand donc la fortune appartiendra-t-elle à l’aîné, le véritable héritier ? »
Un croassement nouveau retentit et M’ahmed, sursautant, regarda le corbeau perché sur l’abîme. L’animal, sans paraître s’occuper de son voisin, semblait absorbé par la contemplation du vide. La tête tournée vers la gauche, il regardait, de son œil droit dilaté, regardait, immobile, semblant apercevoir quelque chose d’étrange, là-bas, dans la nuit froide et opaque.
«Maudite bête, cent fois maudite, pensa M’ahmed, elle est pourtant plus heureuse que moi ! Elle passe son temps à son gré, remplit son ventre et vit sans rien faire. Qui sait ? N’est-ce pas un Génie qui, là au fond, a caché son trésor.
Un trésor !… Celui du père, je sais où il est.., dans l’écurie, vers le poteau de droite. Et le vieux le surveille toujours du coin de l’œil, comme ce corbeau surveille l’abîme. Quand sera-t-il à moi, ce trésor, à moi seul ? Car Idir ne l’aura jamais, oh non ! jamais, je le jure. Il y en a de l’or! Une pleine marmite des Aït Khebli. De l’or beaucoup d’or, des grosses pièces d’argent, bou-medfa, des soltanis !… Avec cela, la bonne chère, les tapis moelleux pour sommeiller tout le jour, la puissance dans la tribu ! Et là-bas, dans El-Djezaïr la blanche, les femmes à l’œil agrandi par le khôl !
«Il me faut cet or-là ! Ce soir, au retour, je le volerai et je m’enfuirai sur Sibous, notre étalon que nul ne peut atteindre. Oui, mais si le père s’en aperçoit, il n’est déjà pas tendre pour moi et son fusil ne me manquera pas, comme il a manqué ce maudit corbeau qui me regarde encore. Et M’ahmed débita, à l’adresse de l’oiseau, qui n’en avait cure, tout le chapelet des imprécations arabes.
«Oui, reprit-il au bout d’un instant, il faut que cela finisse ; plus j’attendrai, moins la marmite sera lourde. Cette femme mange notre bien, grâce aux faiblesses du vieillard. Que j’aurais du plaisir à la chasser de la maison, quand mon père sera mort !… Oui, mais il n’est pas mort !… »
Le corbeau s’envola de l’abîme pour se poser sur sa motte de terre. D’un pas rapide, Mohamed Amokran s’avançait vers l’olivier. Le vieillard n’entendant plus le bruit de la hachette de son fils, venait voir ce qui se passait.
«Ah ! fainéant, cria-t-il, en le voyant couché, c’est à cela que tu passes ton temps pendant que ton vieux père travaille. Tu mériterais de ne pas manger aujourd’hui, être inutile, chien né dans la couche d’un lion ! Allons, debout et suis-moi ! » (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup
12 janvier 2010 à 23 11 31 01311
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (5e partie)
Résumé de la 4e partie n Au lieu de continuer à abattre l’arbre M’ahmed se met à penser aux changements que connaîtrait sa vie s’il prenait possession de l’héritage paternel…
M’ahmed se redressa la tête lourde, et le père, levant sa large main, le frappa rudement au visage. Le fils poussa un rugissement sourd et lança un regard haineux et oblique de chat que l’on châtie. Tout autre que le vieux soldat en aurait été effrayé, mais Mohamed se contenta de hausser les épaules ; son fils, contenu du reste par la vue du fusil, le suivit passivement.
Il faisait chaud déjà et le vieillard, la tête nue au soleil, exposait aux rayons de l’astre son crâne luisant rasé de frais.
M’ahmed regardait ce crâne, fasciné, l’œil fixe, comme attiré par un miroir, et songeait à sa haine et à ses désirs. Puis, tout d’un coup, faisant tournoyer sa hachette en arrière de sa tête, il la planta, d’un seul coup, dans le crâne de son père qui tomba, en poussant un soupir étouffé.
Le corbeau poussa un long croassement semblable à un satanique éclat de rire et revint se percher sur l’olivier, comme pour mieux jouir de la scène.
Le parricide avait agi sur une sorte d’inconscience. Il se réveilla alors, effrayé de son crime lâche et du bruit fait par l’oiseau, et regarda autour de lui. Personne !… Il saisit le cadavre par les pieds et le tira jusqu’à l’abîme ; il resta là un moment, immobile, examinant et réfléchissant. La hachette fixée dans les os avait empêché le sang de couler; aucune trace rouge sur le sol. Il fit disparaître la traînée laissée par le cadavre sur la terre sèche et poussa le corps qui roula dans le Trou des Ouled Zeïane avec la hachette et le fusil.
On entendit le heurtement des armes contre les rocs, puis, ensuite, un grand bruit sourd et profond quand le cadavre arriva au fond de l’abîme. Le corbeau s’envola perpendiculairement, plana un instant, puis regagna les montagnes.
Le meurtrier s’en fut dans le ravin des oliviers sauvages où il trouva la hachette paternelle encore enfoncée dans une vieille souche. Il la prit et, vers le soir, après avoir mangé les galettes et les figues contenues dans son bissac, il revint au village.
Il feignit le plus grand étonnement quand on lui annonça que son père n’avait pas reparu. «Il l’avait laissé vers le milieu de la journée, disait-il, emportant sa hachette et son fusil pour aller tirer un lapin dans les broussailles de Tikorabine.» Toute la nuit se passa en recherches, auxquelles prirent part tous les habitants du village, car Mohamed Amokran était aimé et estimé de tous, malgré sa rudesse. Les gens des Ouled Zeïane, lassés, revinrent au village, mais les deux fils de Mohamed continuèrent leurs recherches. Après avoir couru tout le jour dans les bois, ils rentrèrent à leur tour et il sembla à tous que le vieux chaouch était bien mort, tombé dans un ravin ou englouti par les sables mouvants de la rivière. Les deux fils ne partagèrent point l’héritage paternel : ils vécurent en commun, et M’ahmed, qui avait mis en sûreté le trésor, objet de sa convoitise, paraissait vivre en bonne intelligence avec Idir. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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12 janvier 2010 à 23 11 49 01491
Au coin de la cheminée
Le Trou des Ouled Zeïane (6e partie)
Résumé de la 5e partie n M’ahmed tue son père et fait disparaître le corps dans le trou des Ouled Zeïane, après cela il vit dans la propriété familiale avec Idir son frère…
Il se montrait bienveillant et affable pour lui, comme si la mort du père eut fait cesser entre eux toute cause de jalousie. Seule, la belle-mère ne trouva pas grâce devant l’aîné et son premier acte fut de la renvoyer à son père, après l’avoir dépouillée de tous ses bijoux. Les anciens de la Djemaâ n’approuvèrent point cette conduite, mais comme M’ahmed avait pour lui le droit et le Qanoun, ils s’inclinèrent devant sa décision, bien qu’elle fût offensante pour le cheik vénéré, père de la veuve, et pour la mémoire de Mohamed Amokran.
Vers la fin de l’automne de la même année, la cueillette des olives était commencée : chaque matin, les deux frères, accompagnés de toute la maisonnée, accrue d’une nouvelle et jeune épouse de M’ahmed, descendaient au travail, de l’autre côté de la grande rivière. Il vint un jour à l’idée des hommes de faire un détour pour se rendre compte de l’état des greffes faites au printemps. Les femmes continuèrent leur chemin vers le fond de la vallée, M’ahmed et Idir se dirigèrent vers le Trou des Ouled Zeïane. Dans le ravin, les pousses étaient bien vertes, bien venues ; seul, l’olivier situé près de l’abîme dressait encore ses deux grandes branches sauvageonnes que M’ahmed n’avait point greffées. Le remords de son crime lui faisait redouter de séjourner en ce lieu. Quelle ne fut pas sa stupeur lorsqu’il aperçut, entre les pousses hérissées de l’arbre, un corbeau, le même corbeau qui le regardait d’un air de connaissance.
«Ah ! te voilà, murmura le parricide ; c’est toi qui as prédit le meurtre de mon père, c’est toi qui m’en as donné la mauvaise pensée, fils de Satan le lapidé ! Il t’a manqué ce jour-là, mais je ne te manquerai pas !» Il épaula, fit feu, sans voir qu’Idir, derrière l’arbre, regardait l’abîme, le dos tourné. La balle siffla, coupa les branches et vint frapper Idir au-dessus de la nuque, à l’endroit même où son père avait reçu le coup mortel. Le corbeau, lui, ne bougea pas ; il battit des ailes en ricanant un croassement joyeux et continua à regarder le meurtrier.
Celui-ci, les yeux hagards, terrifié par la coïncidence horrible, bourré de remords à la vue de son frère couché raide, s’approcha du trou, plus pâle que le cadavre. Il sentait le regard du corbeau sinistre peser sur lui et entrer, pour ainsi dire, dans sa moelle. Il resta là longtemps, anéanti. Puis, tout d’un coup, le sang-froid lui revint, avec tous ses instincts mauvais. «Après tout, pensa-t-il, le mal n’est pas grand, Idir ne m’aimait pas et je ne l’ai jamais aimé ; il me méprisait, excitait mon père contre moi : c’est lui qui est la vraie cause du premier malheur qui est arrivé. Le trou est encore là pour cacher le cadavre. A moi tous les biens du père, les oliviers, les terres, les vignes, les maisons ! A moi la femme d’Idir, que le Qanoun m’enjoint d’épouser, et elle est si jolie !
Du pied, il poussa le cadavre de l’adolescent que l’abîme engloutit en mugissant.
Le corbeau, d’un œil satisfait, suivait la scène ; il croassait doucement, regardant M’ahmed, le bec fendu comme par un éclat de rire.
«Chien, fils de chienne, hurla le misérable, heureusement qu’il n’y a que toi comme témoin !» (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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