Ainsi va la vie
Retour au pays natal (25e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 24e partie : Dès le premier jour de son séjour en Algérie, Kenza contacte Tarik qui lui déclare à nouveau son amour et lui dit qu’il a l’intention de demander sa main.
Ce soir-là, elle a mis du temps à s’endormir. Elle a revécu, comme un film, toute la journée, à commencer par Tarik qui est venu la guetter dans son quartier. ensuite l’entrevue à l’aéroport et ce baiser qui, dans ses souvenirs, a pris une place importante. C’est la première fois qu’elle a eu ce genre de sensation. C’est comme si une araignée avait parcouru son dos, la faisant frémir de plaisir… Une sensation que, depuis, elle voudrait tellement ressentir.
C’est peut-être cela, l’amour, se dit la jeune fille. mais ce n’est pas seulement cet instant de bonheur ineffable, mais combien fugitif : c’est aussi cette nostalgie, ce désir de revoir le jeune homme, son image qui ne la quitte plus !
Elle croyait avoir découvert l’amour avec Alain, son premier copain. Alain est certainement plus beau que Tarik, mais il ne lui a jamais causé une pareille émotion.
Et quand ils se sont quittés, elle n’en a pas trop souffert.
Elle se met à penser à ce que Tarik lui a dit, tout à l’heure. Il va demander sa main ! Il semblait inquiet, quant à la réaction de ses parents, mais elle est sûre qu’ils n’y verront pas d’inconvénient. Comme elle lui a dit, c’est un Algérien et un musulman, il n’y aura donc pas de frontières entre eux ! Le tout est de se mettre d’accord avec sa famille !
Elle pense aussi à son frère aîné, Mohammed. Elle ne s’entend plus avec lui, depuis longtemps et ils se regardent toujours, en chiens de faïence. Il la surveille tout le temps et cela l’agace, mais ce qui l’agace le plus, c’est sa façon de s’ingérer dans ses affaires, de vouloir diriger sa vie !
Elle comprend que son comportement est le fruit de son éducation, mais elle n’admet pas qu’il se substitue souvent à son père pour lui donner des leçons. Elle n’a pas le temps de l’espionner, comme il le fait, mais elle est sûre qu’il a une copine. Comment peut-il refuser aux autres, ce qu’il se permet à lui-même !
Kenza ne peut s’empêcher de rire : quand il verra Tarik, il se rappellera le jeune homme qu’il a vu à l’aéroport.
«Eh bien, oui, lui dira-t-elle, j’étais avec lui ! Aujourd’hui, il vient demander ma main ! Je ne regrette rien !»
Il ne piquera pas de colère, mais sourira. Oui, sa sœur a fait le bon choix !
Sur cette pensée, la jeune fille finit par s’endormir.
Un grand rayon de soleil la réveille.
— qu’est-ce que c’est ?
— lève-toi !
— il est neuf heures ! Les visites vont commencer !
Kenza se dresse sur son séant.
— qui vient ?
— des parents !
— tu les reçois, toi !
— non, ils voudront certainement te voir !
— mais je ne connais personne !
— ce n’est pas important ! (à suivre…)
K. Y.
11 janvier 2010 à 16 04 46 01461
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (26e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 25e partie n Kenza sent qu’elle aime Tarik. Le jeune homme a promis de demander sa main, dès son retour en France.
Quelques jours après son arrivée, la tante Taos invite des parents à prendre le café chez elle.
— comme je suis contente de réunir toute la famille !
Elle regarde Omar.
— il est peut-être temps de penser à revenir au pays !
— il me reste encore quelques années avant la retraite !
— tu as une belle maison, tu vivras comme un roi !
— avec la retraite, Taos !
Elle regarde les enfants.
— et eux, vont-ils revenir ?
— là, dit Omar, je ne peux rien garantir…
La porte s’ouvre, une femme apparaît.
— on peut entrer ?
— ah, Baya, s’exclame Taos, entre !
— j’ai trouvé le portail ouvert…
La femme entre. Omar et Mohammed se lèvent.
— nous allons sortir !
— vous pouvez rester, dit Taos, Baya est une parente !
— nous reviendrons.
Ils sortent. Baya est venu inviter Taos à la noce de son fils.
— toi aussi, dit-elle à Fadhéla, tu es invitée, ainsi que ta fille !
Taos sourit.
— kenza voulait justement assister à un mariage !
— elle est la bienvenue !
— il y aura de la musique, des danses ? demande Kenza.
— bien sûr ! Tu as déjà vu une noce sans musique et sans danse ?
Baya regarde Kenza.
— tu es une jolie fille !
Kenza baisse les yeux, intimidée.
— si tu n’es pas fiancée, tu ne tarderas pas à recevoir des demandes !
Taos fronce les sourcils.
— ça viendra, en son temps !
Cette réaction surprend Kenza. Plus tard, elle en parle à sa mère.
— pourquoi a-t-elle réagi de la sorte ?
— elle veut t’éviter les visites !
— je croyais qu’elle voulait que je me marie !
— elle sait aussi que ce n’est pas ta préoccupation, actuellement !
— ça, c’est vrai !
Mais Fadhéla ajoute.
— mais il faudrait que tu y penses !
— en tout cas, je ne me marierai pas ici ! (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 16 04 46 01461
Au coin de la cheminée
Taourirt N’Tidits (6e partie)
Résumé de la 5e partie n A son retour et voyant sa femme en deuil, El-Hadj Amrouch apprend que sa protection a été violée. outré et en colère, il convoque une réunion à la Djemaâ…
Le matin, après que le marabout eut appelé les croyants à la prière, le crieur public fit entendre sa voix claire parmi les premières rumeurs du jour. La Djemaâ devait se réunir, sur l’heure, au pied du minaret de la mosquée. Tous les Kabyles de Taourirt, pressentant l’importance de la question qui allait être traitée, s’y rendirent avec empressement. Se tournant vers l’Orient étincelant de lumière, ils récitèrent la fath’a, préliminaire obligé de toute discussion. A voir ces hommes en longs burnous, invoquant l’Eternel d’une voix tantôt sourde, tantôt éclatante, une terreur vague se glissait dans les cœurs. Lorsque la prière fut terminée et chacun assis sur les pierres noires polies par l’usage, El-Hadj Amrouch descendit dans le cercle. Sa valeur et son influence l’autorisaient à parler le premier s’il le jugeait bon, faveur qui n’est accordée qu’aux plus dignes.
— Hommes des Menguellet, dit-il, que le salut soit sur vous. Qu’Allah vous permette d’écouter favorablement les plaintes de votre frère ! Vous savez tous que les gens de Bou-Dafal ont violé mon anaïa, outrage d’autant plus odieux qu’il a été fait aussi à une femme. Certes, El-Hadj Amrouch est assez fort pour se venger de ses ennemis, mais il a cru, dans cette circonstance, devoir demander à tous aide et appui. Ce n’est pas son honneur seul qui est atteint : des étrangers ont pénétré, de nuit, dans votre village ; ils ont, le matin, souillé votre terre du sang d’un homme qui avait la parole d’un de vous : l’anaïa, la coutume sacrée léguée par nos pères, a été, par eux, méprisée et violée. A vous, hommes de cœur, de rappeler ces chiens au respect des lois par une punition telle qu’à jamais elle soit citée comme exemple. Je n’ajouterai rien : tous vous connaissez l’offense, décidez donc de la punition.
La discussion était ouverte. D’abord calme et dirigée par l’amin et les vieillards, elle devint tumultueuse. Les discours, les cris, les propositions s’entrecroisaient. Les orateurs, de gestes rapides, accentuaient les arguments, et si énergiquement qu’ils semblaient déjà porter des coups. Les anciens avaient grand-peine à contenir les partisans d’El-Hadj Amrouch, et surtout sa Taourirt, plus directement en cause ; les gens d’humeur plus pacifique, les désintéressés étaient moins nombreux, mais plus influents ; ils ne montraient, du reste, pas moins d’acharnement que leurs adversaires à défendre leur opinion ; ceux-ci voulaient laisser à l’offensé le soin de se venger, les autres regardaient la violation de l’anaïa d’un Menguellet comme le dernier des outrages et voulaient marcher sur-le-champ vers Bou-Dafal et le détruire ; d’autres proposaient enfin de demander aux Aït Yahia de leur livrer les coupables afin de les punir suivant les lois. A la voix des vieillards, aux cris des femmes accourues, craignant une rixe, le calme se rétablit ; on s’arrêta à la dernière proposition et le khodja, assisté de deux marabouts, fut délégué vers les Aït Yahia. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 16 04 48 01481
Histoires vraies
La voix des sans-voix (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Après la publication de l’article de l’abbé Pierre, le ministre assiste à l’enterrement du bébé et promet la construction de cités d’urgence…
Désormais, il est sur tous les fronts. Il a reçu des dons, il y a eu des gestes généreux qui l’ont réconforté. Ainsi, la propriétaire de l’hôtel Rochester, rue La Boétie, un palace à deux pas des Champs-Elysées, met quelques-unes de ses chambres à la disposition des sans-logis. Il se promet de lui répondre, mais sa lettre arrive au moment où il se prépare pour passer à la télévision. Il la remerciera plus tard.
On pourrait penser que ce passage à la télévision est l’événement décisif qui va tout changer. Malheureusement, il s’agit alors d’un média confidentiel. Elle doit toucher au plus trois mille foyers à Paris, c’est-à-dire dans la France entière, car il n’y a que la tour Eiffel qui émette. Ce qu’il faudrait, c’est passer à la radio, sur Radio Luxembourg, de préférence, la station la plus écoutée, dont le journal de 13 heures est reçu par plus de dix millions d’auditeurs. Faute de mieux, l’abbé se contente de la télévision.
Arrivé sur le plateau, il s’adresse au président du conseil municipal de Paris, d’une manière à la fois pathétique et incisive. Il réclame d’abord l’arrêt immédiat des expulsions et il poursuit : «Monsieur, vous avez des fourrières pour les chiens. Ne seriez-vous pas capable d’en construire pour les hommes, qui risquent de mourir sur vos trottoirs ?»
Mais le président du conseil municipal ne répond pas, pas plus que le préfet de police, qui a été mis en cause également. Ils se taisent. Ils savent qu’ils ne sont pas en position de force. L’abbé Pierre a tout pour lui. Il est ecclésiastique, ancien député, grand résistant : il est intouchable. Alors, ils préfèrent attendre. Il finira bien par se calmer, cet excité qui devrait être de leur bord, mais qui se comporte comme un anarchiste et puis la température finira bien par remonter. Bientôt tout cela ne sera qu’un souvenir.
Mais la température ne remonte pas. Non seulement la vague de froid est la plus extrême que la France ait connue depuis que la météo existe, c’est aussi la plus longue. Pendant tout le mois de janvier, le thermomètre reste bloqué aux alentours de -15° C et février est prévu pour être aussi glacial. Quant à l’abbé, penser qu’il pourrait se calmer, c’est bien mal le connaître !
Il en a assez de parler, il décide de passer à l’action. Avec les moyens dont il dispose, cela ne pourra être que symbolique, mais le religieux qu’il est, sait toute l’importance que peut avoir un symbole. Avec une tente récupérée dans un surplus de l’armée américaine, son équipe monte en cinq heures un abri sur un terrain vague de la montagne Sainte-Geneviève, en plein Paris.
Ce «toit de toile des sans-espoir», comme il le nomme, ne permet pas d’héberger plus de vingt ou trente personnes et, malgré la paille, les couvertures et les calorifères qu’ont apportés les compagnons d’Emmaüs, l’abri est bien précaire. Mais pour l’abbé le plus important est ailleurs. L’opération a eu lieu en toute illégalité. Il a provoqué les autorités, celles-ci finiront bien par réagir. Et c’est ce qu’il veut. Il sait qu’un tel événement aura un retentissement qui réveillera enfin l’opinion publique.
Peu après, le 31 janvier, le curé de la paroisse Saints-Pierre-et-Paul, à courbevoie, met son église à sa disposition pour le prêche dominical. Les fidèles voient monter en chaire un petit homme à l’aspect plutôt frêle, à la barbe noire broussailleuse. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 17 05 00 01001
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (27e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 26e partie n Kenza est invitée à un mariage. La jeune fille explique à sa mère qu’elle n’a pas l’intention de se marier et de vivre au village.
La fête bat son plein. Les femmes sont dans la cour de la maison où, sur une estrade improvisée, trône la mariée.
Un peu en retrait, s’amassent une vingtaine de jeunes gens, avec un joueur de flûte. On frappe des mains, on chante et des femmes dansent à tour de rôle. De temps en temps, un jeune homme de la famille du marié sort et va danser avec une femme : c’est toujours une parente proche, sa sœur, sa mère ou sa cousine…
Une femme danse à perdre haleine, puis elle s’arrête, choisissant la femme qui doit la remplacer. Elle prend son foulard et le lui jette.
— a toi !
C’est Kenza qui est désignée.
— mais je ne sais pas danser !
— danse, danse !
La femme la force à se lever !
— je ne sais pas danser !
— mets le foulard autour de ta taille et danse !
— je ne sais pas !
— contente-toi de te trémousser !
La jeune fille est poussée au milieu de la scène. Elle se ceint le foulard autour des hanches et fait des mouvements.
On pousse des youyous. Les hommes crient. Kenza ne voit pas Taos faire des signes à son fils pour qu’il entre dans l’arène. Mais Ahmed n’ose pas. C’est alors qu’un jeune homme entre et se met à danser, avec Kenza.
La jeune fille le regarde : il lui sourit. Elle lui sourit également.
— je suis ton cousin Youcef, tu ne me connais pas !
— non !
— je suis arrivé, hier !
— enchantée !
Elle tourne encore deux fois, puis jette le foulard à une autre femme. Et elle s’assoit par terre. Youcef, lui, danse encore un peu, puis se retire.
Taos vient vers Kenza.
— Remets-toi en piste !
— je n’en ai pas envie !
— Ahmed voudrait danser avec toi !
— je ne peux pas !
Taos s’en va furieuse. Kenza se lève et sort de la cour. Sa mère la suit.
— que t’a dit Taos, elle semblait en colère !
— elle voulait que je danse avec son fils !
— Eh bien fais-lui ce plaisir !
— non, je suis fatiguée. Ahmed était là quand j’ai dansé, pourquoi n’est-il pas venu ?
— il est timide.
— ce n’est pas le cas de Youcef… Lui, il n’a pas du tout l’air timide ! (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 17 05 02 01021
Au coin de la cheminée
Taourirt N’Tidits (7e partie)
Résumé de la 6e partie n La Djemaâ prend la décision de demander aux Aït Yahia de leur livrer les criminels afin que les les autorités les jugent…
Les gens de Bou-Dafal n’étaient pas de taille à résister à leurs nombreux et belliqueux voisins. D’un autre côté, la famille des meurtriers était puissante chez eux et, sans être taxés de lâcheté, ils ne pouvaient livrer au supplice un seul des leurs, même coupable. Feignant de partager la colère des Menguellet, ils déclarèrent que les assassins s’étaient enfuis, dans la nuit, au grand village voisin d’Aït-Hichem. Les meurtriers, prévenus à temps, avaient, en effet, gagné ce village et s’étaient placés sous sa protection. La Djemâa de Bou-Dafal put ainsi se débarrasser de la requête des trois marabouts et mettre, au besoin, le village de Taourirt avec un ennemi sérieux.
Les marabouts revinrent donc chez eux, porteurs de paroles de paix, mais sans les meurtriers.
Malgré la violence de leurs passions privées, les Kabyles pèsent mûrement leurs décisions lorsqu’il s’agit d’engager leur village dans des luttes graves et qui peuvent faire verser bien du sang. Tous reculaient devant une déclaration de guerre, tous cependant reconnaissaient que l’outrage demandait vengeance. El Hadj sortait très peu, paraissant attendre la décision de la Djemâa. Quelques jours se passèrent ainsi et la plupart finirent par penser qu’il se chargerait lui seul de laver dans le sang l’affront qui lui avait été fait et qu’il attendait le moment favorable. Personne n’admettait qu’il pût rester sous le coup d’un pareil affront.
A l’étonnement général, il ne bougea point. Les jours passèrent et ni lui ni les gens de sa karouba ne prirent les armes. On se demandait ce que signifiait un pareil silence. Les jeunes gens s’indignaient, quelques-uns même commençait à accuser El-Hadj de lâcheté ; mais les anciens, connaissant l’homme, pensaient qu’il machinait une chose terrible.
Enfin, l’Assemblée populaire s’étant réunie, un jour, pour traiter des questions de médiocre intérêt, quelle ne fut pas la surprise de tous de voir arriver El-Hadj Amrouch couvert de vêtements de femme. La tête entourée du bonnet pointu en soie de couleurs variées appelé tabenik, il portait au front l’étoile ronde du tafesimt, en argent et corail ; de longues boucles à plusieurs anneaux tombaient sur ses épaules d’autres, attachées en haut du cartilage de l’oreille, lui ramenaient cet organe en avant. Les yeux entourés de khôl, les franges du tabenik rangées sur le front avec art, ses joues fardées lui donnaient un air efféminé qui tranchait avec le feu de ses yeux et sa rude moustache. De lourdes agrafes ornaient sa poitrine et retenaient ses haïks de diverses couleurs. La ceinture, placée bas autour des hanches et sur les cuisses, les lourds khalkhal tombant sur ses chevilles teintes de henné complétaient sa tenue.
Un grand silence régna d’abord : la surprise dominait la Djemâa. Le grave et fier Amrouch se livrer à de pareilles facéties ! Les Kabyles ne pouvaient en croire leurs yeux ! Personne n’avait encore osé tourner ainsi en dérision l’Assemblée du peuple. Enfin, l’amin se fit l’interprète de l’indignation générale. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 17 05 05 01051
Histoires vraies
La voix des sans-voix (5e partie)
Résumé de la 4e partie n A cause du froid persistant et surtout pour provoquer les autorités, l’abbé Pierre installe une grande tente en plein centre de Paris…
Ils (les fidèles) se demandent qui il est et pourquoi il vient. Ils ne s’interrogent pas longtemps. Dès qu’il parle, ils éprouvent un choc. D’une voix sourde, passionnée, il les tire de leur léthargie, de leur bonne conscience. Il leur raconte la misère, la souffrance, le froid. Il leur raconte son combat, comment le «toit de toile des sans-espoir» a été planté en plein Paris, au nez et à la barbe des autorités. Sa voix s’enfle, devient tonnante :
— Qu’elles viennent, les autorités ! Pour l’amour de Dieu, qu’elles me fassent un procès ! Je mettrai ma Légion d’honneur, mon écharpe de député et mon étole de curé par-dessus. Et j’irai devant les tribunaux et je leur dirai : «Quand la loi est ainsi faite que les travailleurs, avec leur salaire, ne peuvent pas se loger, c’est que la loi est illégale et qu’il faut la changer !»
Les fidèles de cette modeste paroisse mi-bourgeoise mi-ouvrière sont bouleversés. Ils décident d’effectuer immédiatement une collecte. Et le mouvement fait tache d’huile. Parti de l’église Saints-Pierre-et-Paul, il gagne toute la commune de Courbevoie. A la fin de la journée, les habitants remettent à l’abbé 750 000 francs «pour que cela ne se renouvelle jamais plus». Ce n’est pas tout : les élus locaux se réunissent à la mairie et décident la création d’un Comité d’urgence de secours aux sans-logis. Le soir, dans la salle du patronage de la paroisse, un repas est servi à une vingtaine de personnes transies et affamées. C’est là qu’un journaliste des actualités filmées vient trouver l’abbé Pierre.
— C’est bien ce que vous avez fait ici, mon père, mais il faudrait le faire à l’échelle de tout le pays.
— Je sais. Mais comment toucher les gens ? Comment les frapper ?
— C’est pour cela que je suis venu. Je crois pouvoir vous aider. Pouvez-vous m’accompagner aux studios des actualités ?
Peu après, l’abbé visionne le film qu’a tourné le journaliste. C’est la nuit. On reconnaît le boulevard de Sébastopol. Une femme d’un certain âge est allongée sur le trottoir. Deux agents de police viennent la chercher et l’emportent sur une civière. La femme bouge faiblement, puis sa main s’ouvre et laisse tomber un papier sur le trottoir. Le journaliste arrête là la projection.
— Elle est morte devant la caméra, en direct.
— Ce papier, qu’est-ce que c’est ?
— C’est pour cela que je vous ai fait venir. Je l’ai ramassé. Lisez.
L’abbé le prend en main et reste bouleversé, sans pouvoir prononcer un mot. Ce papier, c’est un avis d’expulsion daté de la veille. La malheureuse a été jetée à la rue parce qu’elle n’avait pas payé son loyer et elle en est morte vingt-quatre heures plus tard. Le journaliste reprend la parole :
— Alors, qu’est-ce que vous comptez faire ?
— Ce qu’il faut pour que tout le monde le sache !
Le lendemain, lundi 1er février 1954, l’abbé Pierre se présente dans les studios de Radio Luxembourg. Il demande à parler à l’antenne, ne serait-ce que quelques instants. Le directeur refuse. On ne change pas les programmes comme cela ! Pourtant, encore une fois, les dons de persuasion de l’abbé sont les plus forts. Le directeur s’avoue vaincu. Il est 13 heures pile. Le carillon retentit. Il lui désigne le studio :
— Eh bien allez-y ! Parlez !
— Là, maintenant, tout de suite, au journal ?
— C’est ce que vous vouliez, non ?
L’abbé Pierre entre dans la cabine vitrée. Il parle et, cette fois, c’est la France entière qui l’écoute. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 17 05 10 01101
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (28e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 27e partie n Lors d’un mariage, Kenza danse et elle a du succès. Mais la tante Taos est furieuse, elle n’a pas accordé une danse à son fils.
Le lendemain, Taos arrive. Elle n’est plus en colère, mais elle traite Kenza sans ménagement.
— ton cousin voulait danser avec toi !
— mais pourquoi n’est-il pas venu, quand j’étais sur la piste ?
— l’autre est venu avant lui !
— il aurait pu venir quand même !
— ce n’est pas faisable !
— si, j’ai vu plusieurs danseurs…
— il s’agit de garçons proches de la famille !
— Youcef aussi est un cousin !
Taos se renfrogne.
— tiens, qui te l’a dit ?
— maman… C’est le fils d’un cousin à mon père !
— je sais… mais Ahmed est prioritaire !
Kenza la regarde, surprise.
— prioritaire ? En quoi ?
— Eh bien… parce que tu le connais mieux !
Kenza a envie de lui dire qu’elle vient à peine de découvrir Ahmed et qu’elle est loin de le connaître, tellement le garçon est timide. Mais elle n’a pas envie de polémiquer.
— tu as raison, ma tante !
La tante sourit.
— c’est bon…
Elle ajoute néanmoins :
— méfie-toi de Youcef !
— pourquoi, ma tante ?
— parce que c’est un mauvais garçon !
La tante partie, Kenza rapporte tout à sa mère.
— en quoi Ahmed est-il prioritaire ?
— tu connais ta tante, elle a un peu tendance à valoriser son fils !
— et pourquoi m’a-t-elle dit que Youcef est un mauvais garçon ?
— elle a dit cela ?
A ce moment-là, Omar et Mohammed rentrent.
— qui a dit que Youcef est un mauvais garçon ?
— ta sœur, dit Kenza.
— elle se trompe, c’est, au contraire, un brave garçon !
—alors pourquoi a-t-elle dit cela ?
Mohammed ricane.
— elle te réserve peut-être pour son fils, elle craint qu’on ne vienne te courtiser !
— tu n’es qu’un imbécile, dit Kenza.
— ne l’écoute pas !
— si j’avais pensé avoir des problèmes, je ne serais jamais allée à cette fête ! (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 17 05 12 01121
Au coin de la cheminée
Taourirt N’Tidits (8e partie)
Résumé de la 7e partie n Les deux marabouts dépêchés par la djemaâ reviennent bredouilles de Bou-Dafa, car, par crainte de représailles, les habitants dudit village ont éloigné les criminels vers Taourirt…
Nous croyons, El-Hadj, que tu as perdu la tête et que Dieu t’a rendu derwiche : c’est pour cela que tu n’es pas encore chassé de la Djemaâ ! Que veut dire ce costume ? Est-ce une femme que je vois ? Vient-elle ici pour danser ou chercher des amants ? Sors de cette place où tes ancêtres se sont assis ! Tu déshonores leur mémoire et tes enfants pourront se demander si tu avais quelque chose de viril.
El-Hadj Amrouch, pâlissant sous son fard, passa devant l’amin sans répondre et, sans qu’aucune main se levât pour l’en empêcher, vint s’asseoir à sa place habituelle
— Tu dis vrai, amin, articula-t-il lentement, ma place n’est point parmi des hommes qui délibèrent, mais avec des femmes qui filent. Celui dont l’anaïa violée n’est pas vengée est digne de la compagnie des tisseuses de burnous ! Et c’est pour cela que je viens m’asseoir auprès de vous, hommes de Taourirt des Aït Menguellet ! Je me suis souvenu que vous aviez peur de la poudre que vos longs fusils étaient devenus des quenouilles. Je suis un lâche et je me complais avec de plus lâches que moi ! A ces insultes, l’Assemblée se leva comme un seul homme, en poussant des cris de bêtes fauves. La karouba d’El-Hadj se jeta entre lui et le reste des Kabyles, prête à le défendre : de dessous les burnous sortaient déjà les longs flissas et les debbous en bois de chêne vert, recourbés vers la pointe et avec lesquels on casse un crâne comme une coquille d’œuf ; les cris et les gestes s’entrecroisaient, comme dans un combat, les lames des épées. Soudain, le marabout Si Ahmed Aït Sidi Saïd, vieillard à la barbe blanche, dominant de sa haute taille cette foule houleuse, cria d’une voix tonnante :
— Tu as raison, El-Hadj Amrouch ! Ils sont femmes ceux qui laissent sans vengeance leur horma traîner dans la boue
Puisque les Kabyles et les jeunes ne se battent plus, aux marabouts et aux vieillards de défendre l’honneur du village et les coutumes des ancêtres ! Sur la tête de mon fils, je ne coucherai pas sous mon toit avant d’avoir vu couler le sang des Aït Yahia !
Et il sortit brusquement.
L’opinion de l’Assemblée, émue par l’indignation du vieillard, eut un revirement subit. Un seul cri : «La guerre ! la guerre !», sortit de toutes les poitrines. Tous les Kabyles sortirent à la suite du marabout pour s’armer et s’approvisionner. Des coups de feu éclatèrent bientôt, apprenant à tous la décision énergique qui venait d’être prise.
Tous les hommes valides, salués tour à tour par les youyous aigus des femmes, accouraient dès qu’ils avaient pris leurs armes sur le mamelon qui sert de cimetière au village. Des coureurs avaient été envoyés aux voisins et aux alliés de toutes parts, on entendait les cris prolongés de montagne à montagne, de ceux qui appelaient les Menguellet au combat. Bientôt, El-Hadj Amrouch en tête, la troupe s’ébranla vers le chemin qui mène aux Aït Yahia. (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 17 05 14 01141
Histoires vraies
La voix des sans-voix (6e partie)
Résumé de la 5e partie n L’abbé Pierre continue le combat et réussit à passer aux 13 heures de radio Luxembourg…
Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir de froid, cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard de Sébastopol. Elle serrait dans sa main le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée de son logement. A Paris, ils sont plus de deux mille, recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nus. Il faut que dès ce soir s’ouvrent des centres de dépannage et que, partout, ces centres accueillent ceux qui souffrent. La météo annonce des semaines de froid terrible. Monsieur le ministre de l’Intérieur, je vous en supplie, faites cesser les expulsions, au moins pendant qu’il gèle. Rouvrez les stations de métro, elles feront d’excellents abris pour les nuits qui viennent…
Les minutes passent et l’abbé parle toujours. Au standard de la station, les communications affluent. La France s’est brusquement réveillée de sa torpeur. Elle a compris ! Sur les ondes, la voix poignante poursuit :
— Nous avons besoin pour ce soir de cinq mille couvertures, de trois cents grandes tentes, des vêtements chauds que vous ne mettez plus…
De l’autre côté de la vitre du studio, le personnel de Radio Luxembourg s’est agglutiné. Les visages sont bouleversés, certains sont en larmes. C’est alors que l’un des collaborateurs brandit une pancarte, sur laquelle il a hâtivement écrit un seul mot : «Où ?»
Cette pancarte, l’abbé la découvre. Et c’est vrai qu’il doit répondre à cette question. Il a fait son intervention dans la précipitation, l’improvisation, maintenant, il faut donner une adresse. C’est alors qu’il se souvient de la lettre de cette généreuse donatrice, à laquelle il n’a pas répondu et qui est encore dans sa soutane, cette directrice d’un hôtel de luxe qui mettait plusieurs chambres à sa disposition. Il cherche dans ses poches : elle est toujours là. Il la déplie :
— Vous pouvez apporter vos dons à l’hôtel Rochester, 92 rue La Boétie… Ne réfléchissez pas et venez nous rejoindre. Ecoutez votre cœur pour qu’aucun gosse ne meure cette nuit.
Cette fois c’est gagné ! Ce que l’abbé Pierre appellera l’«insurrection de la bonté» est en marche. A Radio Luxembourg, le standard croule sous les appels et, bientôt, il saute. A l’hôtel Rochester, c’est la panique. L’appel a été lancé à 13h 10. A 13h 30, la foule prend d’assaut le palace. A 14 heures, la rue La Boétie est fermée à la circulation et les bus détournés. Un service d’ordre vite débordé essaie tant bien que mal de canaliser les milliers de personnes qui ne cessent d’affluer. A l’intérieur, c’est du délire. Les riches clients partent précipitamment. Une dame, qui avait posé son vison sur le comptoir pour payer sa note, voit celui-ci disparaître, emporté au milieu des vêtements qu’on vient d’apporter. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 17 05 27 01271
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (29e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 28e partie n Kenza est intriguée par le comportement de sa tante qui dénigre un cousin pour mettre en valeur son propre fils.
Quelques jours après, c’est Taos qui vient prendre le café chez Omar. Des visiteuses – trois femmes – arrivent.
— C’est la cousine Mériem !
On s’embrasse.
— On ne se voit pas souvent, dit Mériem à Fadhéla. La dernière fois que tu es venue, je n’étais pas là.
— C’est vrai, tu habites Alger maintenant !
— Oui, j’aurais bien aimé continuer à vivre au village, mais nous nous sommes installés à Alger pour permettre aux enfants d’avoir une bonne scolarité.
On parle des enfants. L’aîné de Mériem, Youcef (Kenza tend l’oreille) vient de finir ses études d’ingénieur.
— Il travaille et gagne bien sa vie !
Taos est gênée, mais elle ne dit rien.
— Tu penses peut-être à le marier, dit Fadhéla.
Mériem sourit.
— Justement…
Elle regarde Kenza.
— Il a dansé avec elle, l’autre jour à la fête. Depuis, il ne parle que d’elle !
Kenza rougit. Fadhéla ne sait quoi dire, quant à Taos, elle bouillonne.
— Nous voulons demander sa main, dit Mériem.
Taos réagit aussitôt.
— Impossible !
Mériem la regarde, surprise.
— Je la demande pour mon fils !
Kenza n’en croit pas ses oreilles. Taos se retourne vers Fadhéla.
— Nous étions d’accord, non ?
— Nous en avons parlé !
— Y a-t-il eu demande ? dit Mériem.
— Oui, dit Taos.
— A vrai dire, nous en avons parlé !
Kenza, qu’on ne consulte pas, s’écrie.
— On ne m’a rien dit à moi !
Mériem sourit.
— Alors, on ne t’a pas demandée !
— C’est la fille de mon frère, dit Taos.
— Le grand-père de mon fils est le frère de Omar !
— J’ai la priorité, vocifère Taos.
— Il faut demander l’avis de la jeune fille.
Kenza se lève, en larmes.
— Vous n’allez pas disposer de moi comme d’un jouet !
— Où vas-tu ? crie la tante Taos, réponds à cette femme !
La jeune fille sort sans rien dire. (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 17 05 29 01291
Au coin de la cheminée
Taourirt N’Tidits (9e partie et fin)
Résumé de la 8e partie n Après que El-Hadj Amrouch se fut déguisé en femme et eut traité toute la djemaâ de femme car n’ayant rien fait pour venger son honneur, tous les Aït Menguellet prennent les armes et vont vers les Aït Yahia…
En route, elle (la troupe) fut grossie des contingents des villages voisins, heureux de saisir l’occasion présente pour piller Bou-Dafal, s’agrandir aux dépens de son riche territoire et régler par la force des armes de vieilles contestations ; tous, du reste, reconnaissaient le bon droit des gens de Taourirt et avaient souffert de leur inaction en présence du viol de leur anaïa.
Comme une trombe, ravageant tout devant elle, coupant les arbres, incendiant les azibs, la colonne se rua vers Bou-Dafal. Les habitants, trop peu nombreux pour résister, avaient abandonné le village. Les envahisseurs, la torche à la main, parcouraient les rues, ils arrivèrent à la Djemâa, où ils trouvèrent quelques vieillards appartenant à la famille coupable du meurtre d’Amar Amzian, et qui s’offraient à la mort pour sauver leur karouba d’un désastre plus grand. Sans être touchés de ce dévouement, les Menguellet les égorgèrent et bientôt Bou-Dafal ne fut plus qu’un vaste brasier. Les Aït Yahia, campés sur les hauteurs, de l’autre côté du grand ravin, assistaient, impuissants, à la destruction de leur village ; bien que toute la tribu se fût rassemblée pour défendre, au besoin, le territoire d’Aït Hichem, village qui avait donné l’hospitalité aux meurtriers, elle ne se sentait pas de taille à se mesurer avec les farouches Menguellet.L’opinion publique, en Kabylie, donnait, du reste, tort aux Aït Yahia qui, ayant, en pleine paix, violé l’anaïa, paraissaient indignes de tout appui. D’un autre côté, ne pouvant, sans être taxés de lâcheté, livrer les réfugiés, ils se décidèrent à attendre, dans l’inaction, l’attaque des envahisseurs.
Elle n’eut pas lieu. Les Aït Menguellet campèrent sur le village incendié, démolissant le peu de murs restés debout, satisfaits du sang répandu, épuisant leur fureur sur des objets inanimés. Après trois semaines d’occupation, ils firent venir leurs charrues et labourèrent sur les ruines : d’un village florissant, il ne restait plus que des champs pierreux. Cet état de choses durait encore vingt ans avant la conquête française. A cette époque, les gens de Bou-Dafal, par l’entremise des marabouts, sollicitèrent des Menguellet l’autorisation d’occuper leur village et de rebâtir les maisons de leurs pères. Les haines s’étaient calmées, le souvenir du viol de l’anaïa affaibli. Les bannis purent relever leurs murs, et leur village, bien que diminué de ses meilleures terres au profit des marabouts de Taourirt, est aujourd’hui un des plus florissants et des plus pittoresques de la Grande Kabylie.
M’kabra, la chienne morte en défendant l’hôte de son maître, fut enterrée sous une pierre, à la porte de la Djemaâ, comme si elle eût été un croyant : honneur bien rare dans un pays où le mot chien équivaut à la plus cruelle injure.
Depuis cette époque, en souvenir du châtiment infligé aux violateurs de l’anaïa, la coutume sacrée par excellence, et aussi pour honorer le souvenir de la courageuse bête, le puissant village des Aït-Menguellet fut nommé Taourirt n’Tidits, le «Mamelon de la chienne.»
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 17 05 30 01301
Histoires vraies
La voix des sans-voix (7e partie et fin)
Résumé de la 6e partie n L’abbé Pierre est submergé par les dons qui affluent de toutes les régions de France et il les stocke dans l’hôtel Rochester…
Lorsque l’abbé Pierre arrive sur place, quelques heures plus tard, il y a des tonnes de paquets dans tous les coins ; des millions en billets de banque s’entassent dans les baignoires des chambres et des suites désertées par leurs occupants. L’ambassadeur des Pays-Bas est là qui l’attend, pour lui remettre un chèque versé par la reine sur sa cassette personnelle.
Des chèques, il y en a d’autres et il ne cessera certainement d’en arriver les jours suivants. L’un des collaborateurs de l’abbé s’écrie :
— Il faudrait une armée de polytechniciens pour compter tout cela !
L’abbé Pierre le prend au mot. Il décroche le téléphone et appelle l’École polytechnique, qui répond présent. Elle aussi participe à l’insurrection de la bonté et tous les journaux publient la photo des jeunes gens en uniforme occupés à la comptabilité.
Cette fois, les autorités ont compris : elles cèdent. D’ailleurs, elles n’ont pas le choix. Il est impossible de résister à ce raz de marée. Les expulsions sont suspendues jusqu’à la fin du grand froid. Quatre stations de métro désaffectées sont rouvertes par la préfecture.
Le soir venu, plus d’un millier de volontaires se joignent aux forces de l’ordre pour sillonner les rues à la recherche des sans-abri et, le 2 février, Le Figaro peut titrer en première page : «La nuit dernière, à Paris, personne n’a couché dehors.»
Les jours suivants, le mouvement s’amplifie. L’abbé Pierre obtient que la gare d’Orsay soit transformée en entrepôt et accueille les dons qui affluent de la France entière. En quatre jours, plus de 150 millions de francs et trois cent cinquante tonnes de vêtements sont collectés.
Et, le 4 février, c’est la victoire totale. Un mois jour pour jour après le premier refus, l’amendement sur les cités d’urgence revient devant la Chambre des députés. Une nouvelle fois, Léo Hamon monte à la tribune :
— La Sncf vient de battre le record de vitesse sur rails. Mais dans un convoi il est d’usage de régler l’allure sur celle du véhicule le plus lent. Pour reconstruire le pays, il faut penser d’abord aux plus démunis. Je vous demande de voter l’amendement sur les cités d’urgence.
L’amendement est voté à l’unanimité. Et ce n’est pas 1 milliard qui est accordé, comme cela avait été proposé la première fois, mais 10 ! Le 7 février, Maurice Lemaire, ministre du Logement, annonce la construction de plusieurs cités d’urgence. La première d’entre elles sera inaugurée au Plessis-Trévise dans l’est parisien, au mois d’avril suivant. Peu après, parachevant le triomphe, est votée une autre loi interdisant les expulsions durant les mois d’hiver. Par la suite, l’abbé Pierre a continué son action. Emmaüs s’est étendu dans toute la France et son action est connue du monde entier. Après s’être tenu en retrait avec le retour de la prospérité, l’abbé Pierre est revenu sur le devant de la scène dans les années 1980, avec la montée du chômage, critiquant les hommes politiques de droite comme de gauche et affichant des opinions exigeantes en faveur des plus démunis. Il n’a pas cessé depuis. Il est la conscience de notre société, et ce n’est pas un hasard s’il est depuis des années le personnage le plus aimé des Français. Car qui pourrait ne pas se sentir solidaire de celui qui a dit de lui-même «Je ne suis ni Jeanne d’Arc ni Napoléon, je ne suis que la voix des sans-voix.»
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 17 05 34 01341
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (30e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 29e partie n Au moment où elle s’y attend le moins, une parente demande la main de Kenza, devançant en celà la tante Taos qui la demande à son tour.
Kenza partie, les quatre femmes s’en prennent les unes aux autres.
— j’ai déjà demandé sa main, vocifère Taos !
— la jeune fille l’a nié, s’écrie Mériem, la mère de Youcef
— c’est vrai, elle a nié ! lui viennent en aide ses deux parentes.
Taos essaye de prendre à témoin Fadhéla.
— tu te rappelles, quand je suis venue à Paris ? Je t’ai demandé la main de Kenza…
— j’ai dit Incha’Allah, dit Fadhéla, gênée.
— incha’Allah, signifie : oui…
Mériem s’écrie :
— incha’Allah signifie : si Dieu le veut…
— Dieu le voudra ! dit Taos.
— et Kenza, elle aussi a son mot à dire ! dit Mériem.
— c’est ce que nous verrons ! dit Taos.
Mériem se rebiffe.
— quoi, tu me menaces ?
— non, mais Kenza est pour Ahmed !
— et pourquoi pas pour Youcef ?
— parce que Omar est son proche parent !
— Youcef est encore plus proche, puisqu’il porte le même nom que Kenza !
— Omar est riche !
— Youcef est instruit !
Fadhéla est excédée.
— arrêtez, je vous en prie !
Taos s’emporte contre sa belle-sœur.
— tu as promis de me donner Kenza…
Mériem ricane.
— quoi ? C’est une marchandise, cette fille ? On l’échange, on la vend…
Taos se fâche.
— ce n’est pas à toi que je parle, mais à ma belle-sœur !
— parle plutôt à la fille !
Taos hausse les épaules.
— de toute façon, c’est Omar qui décide !
— Eh bien, je vais demander à mon mari d’intervenir auprès de Omar, après tout, c’est son cousin germain !
Taos, excédée, se lève.
— je m’en vais…
Elle pointe l’index vers Fadhéla.
— souviens-toi, tu as promis !
— elle n’a rien promis ! dit Mériem.
Elle se lève à son tour.
— c’est maintenant une question d’honneur ! (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 17 05 35 01351
Au coin de la cheminée
Les naufrageurs (1re partie)
Il soufflait sur la côte d’Afrique un vent d’orage du N.-O. et la mer, sous l’effort de ce mistral, se soulevait, agitant tumultueusement ses vagues aux crêtes laineuses ; le flot, au coucher du soleil, avait pris des teintes de métal en fusion en reflétant le disque embrumé de l’astre. Un brick napolitain, les voiles serrées, essayait de gagner la haute mer malgré la tempête et de s’éloigner de ces côtes de Kabylie, funestes à tant de navires : il luttait désespérément, car ce n’étaient pas seulement les horreurs du naufrage qui attendaient les matelots, mais aussi pour les survivants la mort dans les supplices ou la captivité, plus horrible que la mort elle-même : du minaret de chaque village on les guettait depuis longtemps. Les côtes barbaresques, repaires de forbans auxquels la course était interdite depuis les progrès des marines chrétiennes, étaient toujours redoutées des navigateurs. Tout marin jeté sur leurs roches n’avait ni grâce ni merci à attendre : son navire était pillé et brûlé ; si la pitié intéressée des Kabyles lui laissait la vie, c’était pour le vendre comme esclave au Dey qui l’enfermait dans ses bagnes. Bien rares étaient ceux que leurs parents pouvaient retrouver et racheter et ils sortaient de ces oubliettes, vieillis, les articulations nouées, les reins brisés par les travaux rebutants dont on les torturait.
Les marins du brick ne se faisaient aucune illusion : ils revenaient de Bougie où, après avoir débarqué une cargaison d’armes et de poudre, ils avaient chargé leur navire de blé acquis à vil prix. Ils comprirent bientôt que tout effort était superflu : le vaisseau, empli à couler, obéissait mal au gouvernail, comme une mule rétive que le danger même ne parvient pas à faire fuir.
Les flots clapotaient plus drus, le vent sifflait plus fort et déjà les marins entendaient le bruit des brisants dont les têtes noires se découvraient sous les vagues, semblables à une meute de chiens aboyant à la curée. Tout à coup, au moment où le navire allait se briser, la mer baissa, se repliant sur elle-même, comme un fauve qui va prendre son élan, et tout entière, dans un ras de marée géant, se rua à l’assaut du brick : désemparé en un clin d’œil, il se trouva jeté à la côte après avoir franchi, sur le dos énorme de la lame, la ligne des rochers.
Les matelots étaient sauvés, de la noyade du moins, et le patron, profitant de l’immobilité de son navire enlisé dans les sables, fit monter tout le monde sur le pont. Il exhorta l’équipage au calme et à la patience sous les injures dont on allait les abreuver. C’était un fier homme que ce vieux marin ; sa haute taille dépassait des épaules les têtes de ses compagnons et sa voix rauque, habituée à dominer les tumultes des flots, entonna sans trembler les litanies des Saints. Ses matelots paraissaient aussi résolus que lui ; soutenus par leur fanatisme religieux, plusieurs attendaient sans crainte, espéraient même le martyr. Seul, un d’entre eux laissait couler ses larmes toutes les fois qu’il reposait les yeux sur une enfant agenouillée près de lui. C’était sa fille qu’il n’avait pas voulu laisser à terre après la mort de sa mère : elle avait été engagée sur le brick pour préparer les repas ; c’est pour elle surtout qu’il redoutait les conséquences de la captivité (à suivre…)
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 17 05 38 01381
Histoires vraies
Le sultan des montagnes (1re partie)
En cette année 1901, Harry Mac Lean, vingt-cinq ans, lieutenant dans l’armée de Sa Gracieuse Majesté britannique, devrait normalement se trouver soit en Angleterre, soit dans un des nombreux dominions de la Couronne. Mais non, il est en poste au Maroc, à Fès, où il est même devenu à titre officieux conseiller militaire du sultan Abdul Aziz.Suite…
Théoriquement, l’Angleterre n’a rien à faire dans ce pays, qui appartient à la sphère d’influence française, et où essaient de s’introduire également l’Espagne et l’Allemagne, mais les Britanniques aiment bien avoir un œil partout. C’est Harry Mac Lean qui a été chargé de cette délicate mission.
Et pour cela, ce grand jeune homme de plus d’un mètre quatre-vingts, aux yeux bleus, à la chevelure d’un roux flamboyant et au visage parsemé de taches de rousseur, a eu une sorte de trait de génie. Il a renoncé à l’uniforme et il s’est habillé du costume de son pays. On peut imaginer l’impression qu’a causée son arrivée à Fès, en jupette à carreaux, chaussettes de laine montantes et béret posé sur la tête ! Mais passée la réaction de surprise et de réprobation, Harry Mac Lean est devenu une figure à la cour du sultan, puis, du fait qu’il avait pris soin d’apprendre l’arabe et de se mettre au courant des réalités du pays, un conseiller écouté.
Bien entendu, sa présence n’a pas suscité que des réactions favorables. Les nombreux Français qui gravitent autour du sultan ont tout fait pour diminuer son influence, jusqu’à présent sans résultat. Ce grand gaillard accoutré d’une manière si pittoresque et au sourire désarmant de sympathie plaît à tout le monde et, en premier lieu, au souverain.
Or, en ce début de l’année 1901, ce dernier a un grave sujet de préoccupation, concernant le Rif, la province tout au nord du pays, autour de Tanger et de Tétouan, cette avancée de terre qui fait face au détroit de Gibraltar. Depuis un moment déjà, Raïssouli, un redoutable bandit, écume la région avec ses hommes. La chose, en soi, n’est pas nouvelle, cette région montagneuse ayant toujours été sujette à l’insécurité. Mais l’audace de Raïssouli dépasse ce qui s’était vu jusqu’à présent. Il vient de se faire nommer chérif de la ville saint Chaouen, chérif, c’est-à-dire chef temporel et religieux.
En même temps, il s’est fait appeler «sultan des montagnes» et le coupeur de têtes qu’il était, s’est métamorphosé en souverain, avec une cour et même un harem de quarante-huit épouses gardé par des gamins de dix et onze ans ! C’est plus que n’en peut tolérer le sultan véritable, d’autant que Raïssouli s’est mis à faire de la politique. Il l’accuse, lui, Abdul Aziz, d’être trop favorable aux puissances occidentales et se présente comme le véritable défenseur du pays et des croyants.
Le problème est délicat, aussi le sultan a-t-il mis au point un stratagème. Il va envoyer Harry Mac Lean discuter avec Raïssouli. Il compte sur son aspect pittoresque pour plaire au bandit et, tandis qu’ils seront occupés à palabrer, il attaquera par surprise, avec les troupes qu’il a sur place. Mais cela, il préfère ne pas le dire à son conseiller militaire. Il vaut mieux que celui-ci ne soit au courant de rien, il aura l’air plus sincère. Il le fait donc venir et lui déclare :
— Tu vas te rendre tout seul dans la montagne jusqu’à la ville de Tazrout où Raïssouli a établi son repaire. Tu lui porteras la lettre que je vais faire écrire par mon secrétaire. Ce sont des propositions de paix.
— Quelles propositions, Majesté ?
— Je lui accorde mon pardon et la jouissance de tout ce qu’il a pris dans ses pillages. A mon avis, il acceptera. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 17 05 46 01461
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (31e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 30e partie n Deux femmes, toutes deux des proches parentes, demandent la main de Kenza, de retour au pays pour y passer des vacances.
Les visiteuses parties, Fadhéla va rejoindre Kenza. Elle doit affronter la colère de la jeune fille.
— depuis quand, as-tu promis ma main au fils de Taos ?
— Eh bien, dit Fadhéla, gênée…
— tu as fait une promesse, oui ou non ?
— c’est-à-dire… Tu as beaucoup plu à Taos… Elle a souhaité que tu épouses son fils… Elle veut une fille de la famille !
— je me moque de ce que Taos souhaite, mais lui as-tu fait une promesse ?
— c’est-à-dire… j’ai répondu que c’était faisable…
— tu m’as consultée ?
— non…
— et papa ? Tu lui en as parlé ?
— oui…
Fadhéla détourne la tête pour ne pas affronter le regard de sa fille.
— qu’a répondu, papa ?
— il n’était pas contre, lui non plus…
— mais pourquoi ne m’avez-vous pas consultée ?
— on avait peur que tu refuses !
— mais je suis la première concernée !
— on comptait te le dire !
— pourquoi attendre que je sois en Algérie.
Kenza a comme une illumination.
— je comprends… Vous avez attendu que je sois revenue au pays, pour me forcer la main ! Vous m’avez attirée dans un piège !
— mais non…
— mais si !
Kenza s’emporte.
— avoue, avoue !
C’est au tour de Fadhéla de se mettre en colère.
— Eh bien, oui… Tu traînais avec ce Français… Un infidèle !
— j’ai rompu avec Alain !
— il y aurait eu d’autres Alain… Il fallait te protéger !
— contre ma volonté ?
— oui, il fallait te protéger contre toi-même : une jeune fille algérienne doit épouser un Algérien, un musulman…
— et vous avez choisi pour moi !
— nous sommes tes parents… nous ne pouvons pas te vouloir du mal !
— et pourtant vous me tuez !
Fadhéla est pensive.
— moi, ce qui me gêne, c’est cette querelle entre Taos et Mériem… ça va nous poser des problèmes… de sérieux problèmes ! (à suivre…)
K. Y.
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11 janvier 2010 à 17 05 49 01491
Histoires vraies
Le sultan des montagnes (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Le conseiller – d’origine écossaise – du sultan marocain, Abdul-Aziz, se propose de rencontrer Raïssouli un opposant au régime…
Il a beau avoir des cavaliers, des esclaves et un harem, c’est toujours un bandit. Il sera flatté d’être traité avec considération par le sultan. Il te renverra à Fès avec une réponse favorable.
— Et s’il refuse ?
— Tu n’as rien à craindre : il te renverra quand même à Fès. Sache que, pour un musulman, deux choses sont sacrées : un hôte et la négociation.
— Même pour un bandit ?
— Même pour un bandit…
Peu après Harry Mac Lean part donc de Fès, à cheval et sans escorte. Autour de lui les Marocains se retournent avec stupeur, mais il en a l’habitude. Il sait que son costume écossais est, en fait, sa meilleure garantie. Il n’est pas comme ces autres Européens à la mine arrogante, avec leurs habits clairs et leur casque colonial, et il est sûr que ce Raïssouli, une fois le moment de surprise passé, se mettra à discuter avec lui. Mac Lean tapote la bourse, dans laquelle se trouve la lettre du sultan, et il continue son chemin avec confiance.
Il serait beaucoup moins confiant s’il savait le contenu de la missive qu’il emporte avec lui. Il y a eu, en effet, substitution. La cour du sultan Abdul Aziz est un panier de crabes où tous les coups sont permis et les Français qui rêvaient d’éliminer le jeune Ecossais ont trouvé là une occasion inespérée. Le secrétaire d’Abdul Aziz est depuis longtemps grassement payé par eux et il a pris l’initiative de remplacer le message dont Harry Mac Lean devait être porteur, par la lettre que lui a dictée en même temps le sultan et qui était destinée au général commandant ses troupes dans le Rif. Or, son contenu n’est pas du tout le même. Qu’on en juge plutôt :
«J’envoie l’Ecossais proposer la paix à ce chien de Raïssouli – que ce bandit, sa chienne de mère, son chien de père et ses ancêtres soient maudits jusqu’à la septième génération ! Profites-en, pendant qu’il ne pensera qu’à négocier, pour attaquer sa montagne et me le ramener mort ou vif.»
Tel est le charmant message que le grand escogriffe couvert de taches de rousseur va remettre en toute candeur au coupeur de têtes impitoyable qu’est Raïssouli ! Evidemment, il y a la vieille tradition musulmane qui veut qu’un hôte soit sacré. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle va être mise à rude épreuve.
Au bout d’une semaine, Harry Mac Lean arrive en pays insoumis. Très à son aise, il continue son chemin et explique aux gens qu’il croise qu’il se rend chez Raïssouli comme envoyé du sultan. L’apparition de ce cavalier en jupette à la peau blafarde et à la chevelure flamboyante, s’exprimant en outre dans un arabe parfait, provoque la stupeur, mais on lui indique la direction et, au bout d’un moment, des guerriers du sultan des montagnes viennent même lui faire escorte, avec leurs fusils aux canons démesurés et aux crosses ouvragées.
Harry Mac Lean est de plus en plus à l’aise, tout en progressant dans un paysage majestueux où alternent les chênes-lièges et les oliviers séculaires. En même temps, il pense à la mission dont l’ont chargé ses supérieurs. Bien que l’Angleterre et la France soient officiellement alliées, il s’agit de tout faire pour diminuer l’influence de cette dernière, au besoin en s’appuyant sur l’Espagne ou l’Allemagne. Serait-il possible de suggérer de telles alliances à Raïssouli ? Sous ses dehors de jeune homme dégingandé et pittoresque, Harry Mac Lean cache, à bien des égards, une âme de Machiavel. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup
11 janvier 2010 à 17 05 51 01511
Elle voulait soulager sa nausée, elle est amputée du bras
l La Cour suprême des Etats-Unis a examiné, hier, la possibilité pour un particulier de poursuivre un laboratoire pharmaceutique en justice si la notice d’un de ses médicaments n’était pas suffisamment claire sur les dangers d’un effet secondaire grave. L’industrie pharmaceutique attend avec confiance la décision de la plus haute juridiction du pays, qui ouvrira ou non la porte à des milliers de procès et des dizaines de millions de dollars de dommages. A l’origine de cette affaire, une musicienne du Vermont (nord-est), amputée de l’avant-bras droit après avoir reçu une injection de Phenergan par voie intraveineuse pour soulager des nausées en 2000. Le médecin avait décidé de procéder par voie intraveineuse parce que la piqûre de ce médicament par voie intramusculaire se révélait inefficace pour soulager ses nausées liées à de fortes migraines. Mais l’opération avait été mal conduite et une partie du médicament s’était échappé dans l’artère, provoquant une gangrène à la main et à l’avant-bras. La malade avait alors poursuivi le médecin en justice et obtenu plus de sept millions de dollars de dédommagement puis avait décidé de poursuivre le laboratoire américain Wyeth, qui fabrique le Phenergan.
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11 janvier 2010 à 17 05 55 01551
Ainsi va la vie
Retour au pays natal (32e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 31e partie n Fadhéla est préoccupée par la querelle entre ses deux parentes qui chacune veut sa fille pour son fils !
La jeune fille a un sourire ironique.
— c’est donc ça qui te préoccupe ? Que Taos et Mériem se querellent pour moi ?
— oui… Elles sont nos deux parentes… Et, apparemment, aucune ne veut entendre raison !
— et moi, je ne compte pas dans l’affaire ?
— toi… je ne sais que te dire !
— et si tu me partageais en deux ? Une moitié pour Ahmed et une autre pour Youcef ?
— tu dis des bêtises !
— ou alors, je pourrais les épouser tous les deux !
— c’est un sacrilège !
A ce moment-là, Omar entre.
— qu’est-ce qui est sacrilège ?
— ta fille !
— quoi, elle a encore fait des siennes ?
— c’est plutôt toi et ta femme qui faites des vôtres !
Omar regarde sa fille avec surprise : voilà des propos auxquels elle ne l’a pas habitué ! Il comprend qu’il s’est passé quelque chose d’anormal.
— voyons, que s’est-il passé ?
Il regarde Fadhéla. Elle baisse la tête. Il se tourne vers Kenza.
— tu ne veux rien me dire ?
— c’est ta sœur : elle demande ma main pour son fils !
Omar sourit.
— c’est dramatique, ça ?
— oui…
— Eh bien, si ça ne t’intéresse pas, tu n’as qu’à refuser !
— ce n’est pas ce que ta sœur dit. Vous lui avez fait une promesse !
— elle a dit ça ?
— oui et elle insiste !
— tu n’as qu’à réfléchir…
Fadhéla intervient.
— il n’y a pas que ça…
— qu’y a-t-il encore ?
— Mériem demande la main de Kenza pour son fils !
Omar se gratte la tête.
— ça se complique !
— Taos et Mériem ont fait leurs demandes ensemble ! Taos dit qu’elle est la première…
— Eh bien, tu n’as qu’à dire que c’est vrai…
— mais ta fille a démenti !
— quoi ! Tu t’es opposée à ta mère ?
— c’est la vérité : personne ne m’a consultée, je ne suis promise à personne !
— ça, c’est un problème ! Nous allons avoir certains membres de la famille sur le dos !
— vous n’avez que ce que vous méritez ! (à suivre…)
K. N.
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11 janvier 2010 à 17 05 57 01571
Au coin de la cheminée
Les naufrageurs (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n Comme prévu le bateau est attaqué. Le capitaine devant le comportement des assaillants, décide de réagir…
Et, étendant le bras, il visa avec calme. Avant que les Kabyles aient pu s’y opposer, le coup partit et le misérable profanateur s’affaissa la tête fracassée. Un tumulte indescriptible suivit le bruit du coup de feu : renversant leur chef, les assaillants s’élancèrent vers les chrétiens qui tombèrent à genoux ; en un clin d’œil, à demi assommés, ils furent renversés sur le pont, liés avec des cordes de palmier qui leur coupaient les poignets. Le patron, après avoir lutté un instant, fut mis à part, réservé pour les tortures.
La jeune Italienne se dressa, couverte de sang. Elle considéra un moment cette scène sauvage, comme hébétée, puis, d’un mouvement brusque sauta dans les flots. Malheureusement pour elle, la mer, après l’effort monstrueux qu’elle avait fait, s’était subitement calmée et l’agitation causée par la houle n’était pas suffisante pour la faire disparaître : bientôt repêchée, elle fut livrée demi-morte aux femmes qui la portèrent sur la grève, où on la déposa à côté de ses infortunés compagnons.
Ils étaient là, couchés, anéantis, n’osant pas faire un mouvement ni prononcer un mot, de peur d’exciter encore leurs maîtres ; seul le père pleurait et criait de temps à autre d’une voix déchirante :
— Ma fille, ma fille !
Un Kabyle, parent de celui tué par le capitaine, énervé de cette plainte, lui écrasa la tête d’un coup de galet, sans qu’aucun des assistants fit un geste de défense ou de reproche.
Les assaillants se réunirent sur la plage autour d’un feu fait de débris et, tout en se séchant, ils agitaient le sort des malheureux que la tempête leur avait livrés. Pour le capitaine, l’avis fut unanime : il avait tué, il devait mourir dans les plus affreux supplices ; pour les autres, l’intérêt, non la pitié, l’emporta : on les vendrait au meilleur prix possible. D’un commun accord, il fut aussi convenu, que les deux jeunes frères du mort choisiraient, dans toute la prise, la chose qui leur paraîtrait la plus précise à titre d’indemnité.
Ces jeunes gens étaient jumeaux, chose rare en Kabylie : leur père les avait nommés Saad et Saadi ; ils s’aimaient tendrement et ne se quittaient jamais. Ils se concertèrent un instant à l’écart, puis se dirigèrent vers la jeune fille et, la relevant chacun par une épaule, ils dirent aux autres :
— Voilà notre part !
Et ils la laissèrent retomber.
Il y eut de nombreuses protestations, car la fille semblait si belle que tous la désiraient ; mais le chef calma bientôt la discussion : les jumeaux étaient dans leur droit, tous s’étant engagés à respecter leur choix. Ils prirent donc la fille et la remirent aux femmes de leur maison, qui s’assirent auprès d’elle pour la surveiller.
On amena alors le vieux patron qui, calme, attendait le supplice : après lui avoir fait subir des sévices sans nom, il fut livré aux femmes, qui avaient déjà commencé le déchargement du navire.
Après avoir torturé le commandant, elles le jetèrent encore vivant dans un brasier. Les deux frères ne pouvant s’entendre sur le sort de la jeune fille, décident de la tuer en lui plantant le couteau dans le ventre.
C’est ainsi que l’amour fraternel, sentiment développé chez les Berbères, triompha de l’amour inspiré par la chrétienne.
Récit et légendes de la grande Kabylie par B. Yabès
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11 janvier 2010 à 17 05 58 01581
Histoires vraies
Le sultan des montagnes (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Les Français permutent volontairement les messages du sultan et c’est ainsi que le jeune Ecossais se retrouve porteur d’un pli virulent envers Raïssouli…
Tazrout, la «capitale» du sultan des montagnes, finit par apparaître devant lui. C’est une véritable forteresse garnie de remparts impressionnants. Mac Lean s’attendait à y pénétrer, mais la nouvelle de sa venue l’a précédé et, à sa surprise, il voit Raïssouli sortir à sa rencontre. C’est évidemment une grande marque de considération de sa part. Les choses prennent une tournure de plus en plus favorable.
Bientôt, le sultan des montagnes est en face de lui. S’il n’avait pas toutes les raisons d’être confiant dans sa mission, le jeune Ecossais éprouverait quelque inquiétude. Rarement, il a vu un homme aussi impressionnant. Raïssouli est très grand et très gros. On se demande comment il tient en équilibre sur son léger pur-sang. Il porte une longue djellaba rayée marron et blanc. Son capuchon rabattu lui dissimule en partie le visage, ne laissant apparaître que de petits yeux noirs à l’éclat cruel et un collier de barbe teint en rouge.
Apercevant Harry Mac Lean, il éclate de rire.
— Ainsi, on ne m’avait pas trompé ! C’est bien toi l’envoyé du sultan de Fès ?
Mac Lean met pied à terre et s’incline profondément.
— En m’envoyant vers toi, il te manifeste sa considération. Je suis son plus proche conseiller pour les choses militaires. D’ailleurs, tu n’as qu’à lire ceci.
Harry Mac Lean tire la lettre de la bourse accrochée à la ceinture de son kilt, la tend à son interlocuteur et attend la suite, avec un sourire aimable sur les lèvres.
La suite, elle ressemble à un cataclysme, à une éruption volcanique, à un tremblement de terre. Raïssouli roule le message en boule et le jette à terre. Il rugit, explose, éructe, vomit un torrent d’injures, tandis que ses gardes se précipitent sur Harry Mac Lean et l’agrippent avec violence. Ce dernier est aussi stupéfait que terrorisé. Il croit sa dernière heure arrivée, d’autant que plusieurs fusils se pointent vers lui. Pourtant, sur un geste du bandit, ceux-ci se baissent. S’il a décidé de le tuer, ce n’est pas tout de suite. Raïssouli lui désigne la lettre froissée
— Lis !
Le jeune Ecossais s’exécute en tremblant un peu et reste figé. Si son teint n’avait au naturel la blancheur d’une feuille de papier, on l’aurait vu pâlir. Il cherche ses mots et finit par déclarer :
— Pourquoi veux-tu que je sois complice ? Je ne serais pas venu te porter une telle lettre ! C’était me jeter dans la gueule du lion !
En face, les petits yeux noirs lancent des éclairs.
— Tu mérites la mort ! Tu n’es qu’un chien étranger, le valet du sultan de Fès ! Maudite soit la femme qui t’a enfanté !
— Je suis victime d’une machination. Je te demande de me croire.
— Peut-être. Mais tu savais que le sultan de Fès – que maudite soit sa race ! – avait écrit une autre lettre.
Puisque tu es son conseiller militaire, et le plus proche, m’as-tu dit, tu ne pouvais ignorer ses projets. Tu vas mourir !
Harry Mac Lean a le mérite de ne pas perdre son sang-froid.
— Je suis venu seul jusqu’à toi et de mon plein gré.
Je suis ton hôte. Non seulement tu ne peux pas me tuer, mais tu me dois hébergement et protection. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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11 janvier 2010 à 18 06 00 01001
Mégot mal éteint : 20 morts dans un car en Allemagne
Vingt personnes, en majorité des personnes âgées, ont péri hier, mardi, vers 19H40 GMT dans l’incendie d’un autocar sur une autoroute près de Hanovre, dans le nord de l’Allemagne, un drame apparemment dû à un passager imprudent qui avait fumé dans les toilettes. Seuls 12 passagers, qui ont réussi à sortir à temps du véhicule, ont survécu, selon une porte-parole de la police. Trois d’entre eux ont été hospitalisés pour de graves brûlures, les autres ont été plus légèrement blessés ou simplement choqués, selon l’édition électronique d’un quotidien local. «Apparemment, un passager avait allumé une cigarette pendant un arrêt, peu de temps avant l’accident, et n’avait pas éteint son mégot. Peu après, de la fumée s’est dégagée de la cabine des toilettes.» «Lorsque les passagers ont ouvert la porte, une flamme a surgi dans l’habitacle. En quelques secondes, le car a flambé.» Rapidement, le conducteur a arrêté le véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence. Mais pour la majorité des passagers, des retraités résidant à Hanovre qui revenaient de la région de la Ruhr , il était trop tard. Carbonisé, le corps de certaines victimes était difficilement identifiable, selon un enquêteur. «Des policiers ont raconté que, au vu de la position de nombreux cadavres, on pouvait voir qu’ils avaient désespérément essayé d’atteindre la sortie.» Au total, plus de 150 secouristes, policiers et pompiers, se sont rendus sur place. Cet accident est le plus grave impliquant un car depuis 16 ans en Allemagne.
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