par K. Selim
Les événements qui viennent de se produire en Egypte, dans le sillage des convois d’aide humanitaire destinés à la ville assiégée de Ghaza, feront certainement l’objet d’études universitaires et d’analyses approfondies de sciences politiques. Les circonvolutions sécuritaires, puis le tortueux refus égyptien de laisser passer une première caravane internationale, ainsi que les incidents qui ont émaillé le passage du convoi «Viva Palestina» dirigé par le député britannique George Galloway, illustrent la réalité de l’alignement absolu d’un Etat sous l’emprise complète d’Israël.
Le régime de Hosni Moubarak a montré, jusqu’au pathétique, le très faible degré d’autonomie dont il dispose vis-à-vis de son voisin impérial. Les chantres habituels de la «grandeur de l’Egypte millénaire» et les grotesques va-t-en-guerre contre un adversaire d’une compétition de football n’ont pas été très audibles tout au long des péripéties de cette crise.
Un an après l’opération israélienne sur Ghaza, l’Egypte officielle, tournant le dos à son peuple, célèbre à sa façon, toute honte bue, l’anniversaire d’un crime de guerre et d’un crime contre l’humanité. Il faut souligner malgré tout la cohérence politique du régime cairote. Depuis sa soumission à l’ordre américain à Camp David, et par glissements successifs, il a tout simplement abdiqué toute souveraineté. L’Egypte est aujourd’hui une néo-colonie. Le mur de fer souterrain réalisé à la frontière avec l’enclave palestinienne a été décidé au cours d’une réunion entre les ministres des Affaires étrangères américain et israélien, Rice et Livni, à laquelle les Egyptiens n’étaient même pas conviés.
George Galloway a eu raison de déplorer la perte totale de dignité du pouvoir égyptien : effectivement, les hommes du Caire n’ont plus rien à voir, à aucun point de vue, avec l’héritage nassérien. L’organisation politique actuelle a été mise en place par Sadate et les Américains dans le but de redonner aux castes supérieures égyptiennes le pouvoir que Nasser avait voulu remettre au peuple. Ces castes, qui n’ont de supérieur que le nom, colonne vertébrale du système, sont constituées des profiteurs de l’infitah, d’intermédiaires de troisième zone et de néo-milliardaires bénéficiaires de passe-droits.
Ce régime fabriqué par l’extérieur ne peut cependant compter sur ces milieux pour durer. Il est donc totalement tributaire de l’étranger pour survivre. Comme Anouar Sadate avant lui, Hosni Moubarak dépend entièrement de la charité américaine et du soutien sécuritaire et politique de Washington. La participation de ce régime à l’étouffement du peuple palestinien est donc parfaitement en ligne avec son code génétique, ses orientations fondamentales.
Les Palestiniens et ceux qui sont solidaires de leur lutte n’ont rien à attendre d’un tel gouvernement. La misère absolue dans laquelle se débat le peuple égyptien – un enfant sur trois est victime de sous-alimentation, comme en Haïti – est le révélateur le plus éloquent de sa nature.
Mais le combat nassérien, aussi insuffisant qu’il ait pu être pour la reconquête de la dignité et pour la justice, n’est pas abandonné. Il prouve sa pertinence et sa vigueur dans l’action courageuse de militantes et de militants des droits de l’homme, dont George Galloway est l’un des fiers emblèmes.
Le Quotidien d’Oran
10 janvier 2010
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