Edition N° : 2318 La dépêche de Kabylie
Jumelles, un déluge en Kabylie de Amar Azouaoui
La première défaite de De Gaulle
1959. De Gaulle est au pouvoir et l’Algérie-française fuit de plus en plus entre les mains de Paris, comme l’eau fuit entre les doigts. Dans un sursaut guerrier, l’armée française monte une contre guérilla menée par des algériens payés au sou, aggravée par une salve d’attaques ayant pour objectif l’éradication totale des maquis de l’ALN et de ses soutiens.
Longtemps, l’Histoire de notre pays est rédigée par des plumes étrangères, souvent dénuées d’objectivité et inspirées par des intérêts mesquins. Comme pour rectifier le tir, les éditions Al-Amel de Tizi-Ouzou, en ont fait presque un devoir de restituer l’Histoire aux historiens, sinon à ses acteurs même.
En effet, cette jeune maison d’éditions vient de mettre sur les étals le deuxième ouvrage d’Amar Azouaoui, déjà auteur d’un brillant ouvrage sur le colonel Mohand Oulhadj, chef de la wilaya III après la mort d’Amirouche. Riche en récits concis, agrémenté d’événements datés, et rehaussé par des photos souvent inédites, M. Azouaoui ouvre la boite à pandore qu’est la guerre de libération pour nous distiller des vérités rares et en voie de disparition. Jadis avec les armes, aujourd’hui avec la plume, l’ancien secrétaire du colonel Mohand Oulhadj adopte le style d’un franc tireur à travers une écriture à la fois nostalgique et résolument frondeuse. Publié début Novembre (Est-ce un hasard ?), Jumelles, le déluge en Kabylie ; ce seul titre met les sens en éveil. Et tout au long de 310 pages, les horreurs de la guerre reviennent en boucle pour cerner un des épisodes héroïques et importants de la lutte du peuple algérien durant une période charnière de son histoire. 1959. De Gaulle est au pouvoir et l’Algérie-française fuit de plus en plus entre les mains de Paris, comme l’eau fuit entre les doigts. Dans un sursaut guerrier, l’armée française monte une contre guérilla menée par des algériens payés au sou, aggravée par une salve d’attaques ayant pour objectif l’éradication totale des maquis de l’ALN et de ses soutiens.
Toute l’Algérie était à sang et à feu ! Les opérations se succèdent : Zones refuges dans l’Oranie, Courroie dans l’Algérois, Etincelle dans la Hodna, pierres précieuses dans le nord- constantinois, l’opération Jumelles, dirigée par le Général Challe (futur puschiste) et menée par plus de 500 000 hommes, était le dernier fil à l’arc de De Gaulle, conscient qu’une Kabylie à genou, c’est la moitié de la mission qui serait réussie. Mais, cela sans compter sur la farouche détermination des maquis Kabyles, l’ardeur au cœurs, un bazooka entre les mains, créant des services de contre-espionnage et incitant à une participation très active des femmes, qui finissent par réduire les espoirs français à néant et sonnent l’hallali d’un système infernal. Longtemps désarçonnés, profondément affectés par des opérations d’intoxication telles : L’Oiseau Bleu et la Bleuite, les maquis de l’ALN ont su tenir grâce à une organisation sans faille menée de main de maître, une solidarité exemplaire, la liberté en diadème, faisant face à une armada dotée des armes sophistiquées et appuyée par une nuée d’hélicoptères rageurs.
Akfadou, La Bleuite, Amirouche, Krim, Mohammedi, Mohand Oulhadj, Amar Ouamrane, Jumelles, quel cocktail !
Force est de reconnaître que l’opération jumelle ; le déluge en Kabylie, est un livre à mettre dans toutes les mains car il donne une nouvelle lecture de l’Histoire de l’Algérie, et bien plus : il rend à l’Histoire-place qui est la sienne, c’est-à-dire une discipline de haut rang, mais une discipline fragile.
En portant son propre témoignage sans détours aucun, Amar Azouaoui montre la voie aux anciens combattants pour se manifester et contribuer à l’édification, la réhabilitation et la fructification de notre Histoire. Cependant, cette voie débouche au moins sur deux sillons. Primo : l’Histoire est un champ fertile pour la recherche. Secundo : l’Histoire est un terrain propice pour la polémique !
Tarik Djerroud
7 janvier 2010
Colonisation