Histoires vraies
L’avocate (3e partie)
Résumé de la 2e partie :la sœur de Kenneth – l’assassin – est le seul témoin de la défense. Le procureur récuse son témoignage car absente lors des faits…
Et elle retourne s’asseoir sur les bancs clairsemés du public. Peu après, elle assiste, consternée, au réquisitoire du procureur. Il s’adresse à l’accusé d’une voix terrible :
— Vous êtes coupable, Kenneth Walters ! C’est vous qui avez poignardé à mort Deborah Pinkerton. Pourquoi ? Parce que vous détestiez cette pauvre femme qui dénonçait vos agissements de voyou et qui voulait vous faire partir de Gladstone. Et aussi, parce que vous vouliez rafler les quelques milliers de dollars qu’elle avait pu mettre de côté. Manque de chance, vous avez été blessé en commettant votre crime et vous avez mêlé votre sang au sien. Mesdames et messieurs les jurés, vous devez prononcer la seule peine qui s’impose : la mort !
Mais Anna Walters est plus consternée encore par la plaidoirie de la défense. Elle est lamentable, il n’y a pas d’autre mot. L’avocat lit son discours, dans lequel il affirme l’innocence de son client, avec un manque absolu de conviction. Et, en conclusion, il demande l’indulgence du tribunal, ce qui est parfaitement contradictoire avec la thèse de l’innocence. On ne saurait mieux affirmer qu’il croit Kenneth coupable.
Lorsque les jurés reviennent dans le prétoire, après une délibération incroyablement courte, Anna Walters s’attend au pire. Ce n’est pourtant pas tout à fait le pire : son frère est condamné à la réclusion à perpétuité. Il a sauvé sa tête. Pourquoi ? Sans doute parce que, malgré tout, il restait un doute dans l’esprit des jurés.
A l’énoncé du verdict, elle éclate en sanglots, tandis que Kenneth Walters clame son innocence à grands cris. Ce sont les deux seules réactions dans la salle d’audience. Tous les autres acteurs du procès s’en vont rapidement et sans un mot. Visiblement, une seule réflexion occupe leurs esprits : il fait trop chaud !
Il fait beaucoup moins chaud, en cette mi-octobre 1983, lorsque Anna Walters se rend au parloir de la prison, pour voir son frère. Les circonstances sont dramatiques. Deux mois après sa condamnation, Kenneth Walters a fait une tentative de suicide en s’ouvrant les veines et il n’a été sauvé que de justesse. Pendant tout le temps qu’il était à l’hôpital, Anna n’a pas pu le voir. C’est la première fois qu’elle le rencontre.
Kenneth est tout pâle. Il a les poignets bandés. On voit qu’il n’a pas récupéré de tout le sang qu’il a perdu. Mais il y a pire. Anna découvre une expression tragique sur son visage : il est plus atteint encore moralement que physiquement. Elle l’interroge, bouleversée :
— Comment as-tu pu faire cela ?
— Avec un morceau de verre. Je l’ai acheté avec l’argent que tu m’as donné pour mes cigarettes. Tout s’achète, en prison. Tu n’imagines pas le trafic qu’il y a entre les détenus.
Anna Walters est horrifiée devant ces réalités d’un monde dont elle ignore tout.
— Promets-moi que tu ne recommenceras jamais !
— Je te promets de recommencer dès que je pourrai.
— Kenneth…
— Je suis innocent et je vais finir mes jours en prison : tu crois que c’est une vie ? Je n’ai plus aucun espoir, aucun. Je n’attends que la mort. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
6 janvier 2010
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