Au coin de la cheminée
La doucette qui fit perdre les sept (2e partie)
Résumé de la 1re partie : A la recherche de ses sept frères disparus après sa naissance, la jeune Doucette perd le collier que sa mère lui a offert et se retrouve à la merci du couple de serviteurs qui l’accompagne…
Ayant perdu son collier, rien ne lui répondit, il la fit alors descendre. Lui et sa femme montèrent à cheval et ils s’enfuirent.
Elle resta seule, marcha encore puis, épuisée, s’assit sous un grand arbre. Au lever du jour, elle reprit sa marche. Un homme passa, la regarda avec insistance puis lui demanda :
— Qu’est ce qui t’a amenée ici ?
Elle lui raconta son histoire du début à la fin, lui dit comment sa mère avait eu sept garçons mais pas de fille, et comment ces garçons lui dirent que si elle leur donnait encore un garçon, ils quitteraient la ville. Ils avaient convenu que dès qu’elle accoucherait, elle leur ferait signe avec un tissu rouge si c’était une fille et avec une faucille si c’était un garçon. Puis, elle déclara :
— Mais ma tante, qui était jalouse de ma mère et la détestait, s’est empressée de leur faire signe avec une faucille dans le but de les faire partir et de faire du mal à ma mère. Mes sept frères ont fui la ville et me voilà, moi, la fille née à cet instant-là, à leur recherche. L’homme lui sauta au cou :
— Tu es donc notre sœur ! et il se mit à l’embrasser en pleurant.
— Et mes autres frères ? s’enquit-elle.
— Ils sont tous à la maison. Il l’emmena, lui fit connaître ses six frères et sa femme, puis l’installa parmi eux. Et depuis ce jour, le mot est son mot ; et la parole est sa parole.
Ses frères ne faisaient rien sans lui demander son avis jusqu’au jour où la femme de son frère aîné en eut assez et se dit : «Ah ! Elle est devenue la personne la plus importante de cette maison, ses frères n’écoutent qu’elle et font toujours ce qu’elle seule décide. Je dois trouver une solution pour m’en débarrasser !»
Un jour, passa un vendeur ambulant qui criait :
— Qui achète un œuf de serpent ? Qui achète un œuf de serpent ?
La belle-sœur l’entendit et se dit : «Je vais faire quelque chose qui obligera son frère à la mettre dehors sans hésiter !» Elle acheta un œuf de serpent, l’enfouit dans une boule de céréales pétrie avec de l’huile d’olive et du sucre, puis présenta la boule à la jeune fille en lui disant :
— Si tu aimes vraiment ton frère, tu dois avaler cette boule de céréales sans la mâcher.
La jeune fille lui répondit :
— Oui ! Je l’aime beaucoup et il m’est très cher, donne ! Elle ouvrit la bouche et avala sans la mâcher la boule préparée par sa belle-sœur.
Après quelque temps, l’œuf fut éclos et le ventre de la jeune fille se mit à grossir jusqu’à devenir énorme. Alors, la belle-sœur appela son mari et lui dit :
— Viens ! viens voir ta sœur ! Je t’ai dit depuis longtemps que ce n’est qu’une effrontée, chasse-la de chez moi ! Le frère aîné vint et, apercevant le ventre énorme de sa sœur, ne put s’empêcher de se jeter sur elle et de la battre violemment. Il faillit la tuer mais sa femme l’arrêta :
— Ne commets pas un crime que tu seras seul à payer, mets-la dehors et qu’on n’en entende plus parler !
Le frère emmena sa sœur, de nuit, dans la forêt lointaine et l’y abandonna. Elle se réfugia sous un arbre, de son ventre sortait un bruit effroyable, comme un ronflement. Passa alors, à cheval, M’hammed le fils du sultan. Il entendit ce ronflement étrange et s’arrêta, écouta un moment puis avança :
— Humain ou jinn ?
— Humain de la meilleure race, croyant en Dieu l’unique et en Son prophète Mohammed. (à suivre…)
Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay
3 janvier 2010
1.Contes